Cinéma et audiovisuel : Comment la Corée du Sud est-elle devenue la partenaire privilégiée de Netflix ?
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Les productions sud-coréennes n’ont jamais été autant médiatisées et regardées qu’aujourd’hui. La plateforme américaine Netflix a réussi à créer un renouveau des séries sud-coréennes en bousculant les habitudes des studios locaux.
Ted Sarandos, co-Pdg de Netflix, s’est rendu à Séoul. La plateforme américaine a annoncé vouloir approfondir sa relation avec la Corée du Sud. «Netflix a eu de grands partenariats avec les créateurs coréens, mais ce n’était que le début», dit-il. Le co-Pdg souhaite tourner son regard vers de plus petits créateurs et diversifier son contenu. Sa visite comprenait d’ailleurs une rencontre avec des étudiants en cinéma et futurs réalisateurs. Cette venue à Séoul vient à la suite des annonces faites au mois d’avril lors de la rencontre entre Sarandos et le Président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, à Washington. A cette occasion, le co-Pdg avait annoncé un investissement de 2, 5 milliards de dollars en Corée du Sud pour produire de nouveaux contenus dans les quatre prochaines années. Une somme supérieure à ce que l’entreprise a investi dans le pays depuis 2016. La déclaration était elle-même assez unique, Netflix n’ayant pas l’habitude de révéler ses investissements selon les pays.
Records d’audience
La relation entre le pays du matin calme et la plateforme américaine semble être idyllique, et pour cause, les productions sud-coréennes sont parmi les plus regardées par ses abonnés. Parmi ces succès internationaux, l’indétrônable Squid Game qui a d’ailleurs connu une popularité beaucoup plus forte à l’étranger qu’à domicile. Plus récemment, les séries comme The Glory ou 100% Physique ont, elles aussi, atteint des records d’audience, atteignant le top 10 des contenus les plus regardés dans près de 90 pays. Un véritable phénomène mondial. L’année dernière, 60% des 230 millions d’abonnés Netflix à travers le monde ont regardé un film ou une série produite par la Corée du Sud. Comment expliquer l’alchimie entre la plateforme et le pays du matin calme ? Pour Antoine Coppola, cinéaste et professeur à l’université Sungkyunkwan à Séoul, la réponse se trouve dans l’offre des productions locales. «La plupart des séries coréennes sont produites par la télévision. Ce sont des «dramas», des romances assez traditionnelles qui n’abordent pas beaucoup de sujets comme la politique, la société ou les problèmes économiques», explique-t-il.
Conditions difficiles
Ces productions étaient en quasi-monopole du marché avant l’arrivée de la plateforme américaine. Ainsi, les réalisateurs n’avaient pas beaucoup d’options créatives, d’autant plus que les sociétés de production profitent de leur situation pour produire à très faible coût. «Lorsque Netflix est arrivée, ils ont su répondre à deux demandes : une envie des réalisateurs de sortir de la standardisation des thèmes abordés dans les dramas pour aller sur des sujets plus sulfureux, mais aussi de travailler dans de meilleures conditions, avec de plus gros budgets», poursuit le cinéaste. La production des K-dramas est faite dans des conditions de travail difficiles, avec de faibles salaires pour de longues journées en plateau. Pour Netflix, même si la production a lieu en Corée du Sud, c’est le droit américain, plus favorable aux techniciens et auteurs, qui s’impose. «Travailler pour les Américains, c’est un peu un rêve pour beaucoup de réalisateurs et d’équipes techniques», commente Antoine Coppola. Si l’arrivée du géant américain n’a pas été bien vue des sociétés de production locales, une entente a finalement été trouvée.
Négociations
Pour autant, maintenant que la plateforme américaine a fait son trou dans l’industrie sud-coréenne, avec des succès sulfureux, elle souhaite aujourd’hui calmer le jeu. Les dernières sorties Netflix comme Black Knight ou Deserter Pursuit se montrent plus aseptisées et plus en phase avec les productions des télévisions locales. Enfin, la plateforme doit désormais faire face aux Fournisseurs d’accès internet (Fai) sud-coréens. Ces derniers exigent que les plateformes américaines comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ paient plus cher leur utilisation importante de leur bande passante. En effet, l’augmentation du trafic vers des contenus vidéo haute définition demande plus de ressources, selon ces mêmes Fai. Une augmentation que Netflix refuse, dénonçant une perte de moyens pour produire des contenus. La visite de Ted Sarandos s’inscrit dans cette idée de négociations avec l’industrie locale. «C’est un marché compétitif et nous voulons compenser les plus gros joueurs. De façon générale, c’est important de rester compétitif et de promouvoir un écosystème sain», a-t-il déclaré.
Rfi