Ils sont trois jeunes réalisateurs sénégalais parmi les 54 films de 21 pays à avoir brillamment relevé le défi de la 2e édition du Mobile Film Festival Africa 2023. Cheikh Sidate Niang «Daty», Matar Diarra et Franck Donald Malou ont exploré des thématiques comme les talibés, la mendicité et l’excision pour espérer changer le monde.Par Mame Woury THIOUBOU –

Comment raconter une histoire en une minute pour changer le monde ? Le challenge est énorme, mais ils sont 54 films de 21 pays à avoir répondu à l’appel. Au Sénégal, Cheikh Sidate Niang alias Daty, Matar Diarra et Franck Donald Malou ont relevé le défi. Ces trois jeunes réalisateurs sont finalistes de la 2e édition du Mobile Film Festival Africa 2023. Avec un film d’une minute, les trois auteurs sénégalais ont ciblé des thématiques particulièrement importantes. Les talibés, l’excision ou la mendicité sont les thématiques choisies par les représentants sénégalais. «Mon film, Yakaru talibe, je l’ai fait avec de vrais talibés qui sont toujours devant chez moi pour quémander de l’argent. Comme ils me reconnaissent par mes différentes productions, à chaque fois qu’ils me voient, ils me disent qu’ils veulent participer à mes vidéos. Il y a un petit parmi ces talibés qui s’appelle Abdoul, qui aime vraiment le cinéma. L’histoire est venue comme ça. Il voulait un maillot du Sénégal et je le lui ai donné», raconte Cheikh Sidate Niang qui exprime dans ce film, sa sensibilité au sort de ces milliers de jeunes garçons qui traînent dans les rues de la capitale pour quémander. Dans une sensibilité un peu similaire, Matar Diarra a choisi de filmer une action dans 100f. «Chaque jour, je passais devant un homme avec une balance et pour se faire peser, il faut donner 100f. En même temps, je voyais des mendiants partout. Je me suis fait cette réflexion, je me suis demandé si la meilleure façon de les aider, ce n’était pas de les amener à entreprendre.» L’idée en tête, Matar mobilise son entourage. Son meilleur ami et son frère seront respectivement assistant réalisateur et acteur dans ce film qui, conformément aux exigences, a été tourné avec un iPhone 14. Dans le 3e film sénégalais finaliste, Rocka kobb, c’est la question de l’excision qui y est traitée. Au final, les jeunes réalisateurs sénégalais ont su s’inspirer de leur environnement pour en tirer des images fortes, capables de changer le monde.

Si les films ne durent qu’une minute, ils n’en sont pas plus simples à faire. Principale difficulté de l’exercice, c’est justement de ne pas dépasser cette minute. Pour Daty, habitué à faire des vidéos et premier youtubeur du pays, la difficulté se trouve aussi dans le format imposé. «J’ai l’habitude de faire des vidéos qui font rire avec le téléphone en une minute ou en 30 secondes. Mais faire une histoire d’une minute qui touche la sensibilité des gens, ce n’est pas facile du tout. Il faut écrire le scenario et il y a une deuxième écriture au montage. C’est la partie la plus difficile. Il est plus facile d’écrire un film qui fait 130 pages qu’un film d’une seule page», explique Daty Niang.

Remise des prix à Rabat
Avec 886 films de 40 pays africains reçus contre 497 films de 38 pays lors de la première édition, le Mobile Film Festival Africa 2023 met à l’honneur de grands genres du cinéma comme la fiction, l’animation, la comédie et le film documentaire. «C’est une formidable édition qui s’ouvre grâce à la participation généreuse et enthousiaste de jeunes créatrices et créateurs de l’ensemble du continent. Comme vous pourrez le découvrir, leurs films sont avant tout engagés : engagés pour cette planète que nous maltraitons, engagés pour les droits des femmes, engagés contre le travail des enfants, engagés face à la crise migratoire. Nous sommes fiers au sein du Mobile Film Festival de pouvoir partager tous ces regards de jeunes Africains avec le plus grand nombre, grâce au digital, en Afrique et dans le monde. C’est notre manière de faire entendre leurs voix», indiquait Bruno Smadja, le fondateur du Mobile Film Festival Africa dont la remise des prix est prévue à Rabat au Maroc, le 8 juin prochain. «Si je gagne, j’aurais plus de confiance en moi parce que le cinéma est ma passion et je veux aller loin. Je veux montrer qu’en Afrique aussi, il y a de bons réalisateurs», confie Matar Diarra.

Absence des réalisateurs à Rabat
Si ces jeunes réalisateurs ont réussi à se hisser parmi les finalistes, ils risquent fort de ne pas pouvoir défendre leurs chances au Maroc. En effet, le festival ne prenant pas en charge les séjours des finalistes, Daty, Matar et Franck ont frappé à toutes les portes pour obtenir du soutien. En vain. Aussi bien le ministère que les organismes sollicités n’ont répondu à leur demande.
mamewoury@lequotidien.sn