C’est sur l’île de Gorée que le réalisateur sénégalais Moussa Sène Absa a trouvé le décor de son film «Black and white». La série de 4 épisodes de 60 minutes, qui est écrite et produite par le Français Jacques Kirsner, évoque la colonisation par le biais d’une histoire d’amour en «black and white».
Décor ancien, costumes d’époque, journaux et mobiliers, tout évoque le Sénégal colonial. Le temps d’un film, la cour d’une maison goréenne transformée en bar sert de lieu de tournage pour la nouvelle série Black and white dont le metteur en scène n’est personne d’autre que Moussa Sène Absa. Installé dans un recoin de la cour, vêtu d’un grand boubou en étoffe traditionnelle, chéchia sur la tête et canne à portée de main, le cinéaste sénégalais est l’orfèvre qui contrôle chaque mouvement de ce ballet bien huilé qui, dans près d’une année, donnera naissance à une série qui sera diffusée par une grande chaîne française. «Il y a eu un duel. Vous savez que Lepage a eu le bras cassé et là il arrive. C’est votre compagnon de picole…», donne comme instruction le metteur en scène aux quelques acteurs qui sont concernés par la scène du jour. Au même moment, les autres membres de l’équipe technique réajustent, qui un décor, qui un habit ou un accessoire sur les acteurs. Quand tout est en place, la voix de stentor de l’assistant du réalisateur retentit pour réclamer le silence. Le clap est alors donné pour mettre en boîte une nouvelle scène de cette série de 4 épisodes de 60 minutes. Nous sommes en 1927 et Jean Mermoz vient enfin de réussir à poser son avion à Dakar après plusieurs échecs. C’est dans ce contexte que se déroule Black and white, «une saga romanesque qui raconte les passions d’une époque rythmée par les amours, les haines, les guerres… Colons et militants indépendantistes résistent ensemble ou s’affrontent jusqu’au… 4 avril 1960, jour de l’indépendance du Sénégal…», explique l’équipe de production dans une note à la presse. «Pour moi, ce film est un travail sur la mémoire. Il s’est passé des choses dans l’histoire et je crois que les jeunes ne connaissent pas l’histoire qui lie la France au Sénégal. Il y a eu des moments de violence, avec des autorités traditionnelles qui se sont alliées à la France, d’autres qui se sont opposées, des drames comme l’histoire de Diéry Dior Ndella. Mais quand vous vous promenez à Dakar ou à Gorée, les rues ne portent pas de noms sénégalais. Il y a une mémoire violente à apaiser», explique Moussa Sène Absa. C’est par le biais d’une histoire d’amour entre Fari Ciss, une journaliste incarnée par la comédienne sénégalaise Mareme Ndiaye, et Alain de Bourbon, un brillant officier, que le metteur en scène raconte son histoire. «Quand l’amour est là, les contradictions et les différences s’effacent. Et on arrive à avoir un métissage. (…) Ce filme traite d’une période de conflits, de contrastes et de paradoxes», précise le cinéaste sénégalais.
L’histoire de Black and white est un scénario original du producteur Jacques Kirsner qui a déjà à son actif un catalogue d’une trentaine de films dont Dien Bien Phu. Le scénariste qui professe son amour pour le Sénégal précise avoir voulu faire un film qui raconte la colonisation française, le mépris pour le Peuple sénégalais à l’époque, la décolonisation jusqu’à l’élection de Senghor. «Je voulais faire un film qui montre aux Français que la colonisation n’est pas seulement quelque chose de formidable, que les populations sénégalaises avaient un autre point de vue sur la colonisation que celui qui est actuellement à la mode en France de dire que la colonisation ce n’était pas terrible, mais on a construit des ports, des autoroutes. Je crois que la colonisation, c’est d’abord la conquête et la soumission d’un Peuple. Je voulais faire un film sur cette mémoire là et c’est pourquoi j’ai pris un metteur en scène sénégalais», souligne M. Kirsner.
Un financement 100% français
Le producteur français n’a toutefois pas caché son mécontentement devant l’absence de financement par l’Etat du Sénégal. Le budget de 4 millions d’euros est 100% français, indique-t-il. «J’ai rencontré les autorités qui m’ont promis monts et merveilles.» Selon Jacques Kirsner, il s’agit là «d’une indifférence à la création locale». S’il n’est pas sûr de poursuivre l’aventure avec le Sénégal, Jacques Kirsener annonce tout de même que le deuxième volet de la série portera sur la Francafrique et le troisième sur les migrants.