Le film Wùlu, une production franco-sénégalaise, remarqué lors de sa projection au Fespaco 2017 et auréolé du prix d’interprétation masculine a été projeté mercredi à l’Institut français bien que n’étant pas encore à l’affiche en France. En présence de son réalisateur, le Franco-malien Daouda Coulibaly, les spectateurs privilégiés de cette première séance à Dakar ont visiblement été dévorés par la fureur de ce film coup de poing au cœur de la fureur narcotique qui a embrasé le Sahel.

Certains ont vite fait un Scarface ouest-africain. Il est vrai que Wùlu adopte des traits du film explosif de Brian De Palma, l’intensité, les plans serrés, la trajectoire et la pugnacité du principal protagoniste. C’est sans doute pourquoi il avait impressionné les spectateurs lors de sa projection au Fespaco il y a un mois. Le polar ou film noir sur fond de géopolitique, genre encore peu emprunté dans le cinéma d’Afrique, semble pren­dre désormais le large. A l’issue du palmarès, son acteur principal, Ibrahima Koma, re­par­tait de Ouagadougou avec le prix d’interprétation masculine. Seulement pourrait-on re­gret­ter ou sans doute du fait d’une cuvée 2017 relativement riche en qualité. Film à la production franco-sénégalaise avec derrière la caméra le Franco-malien Daou­da Coulibaly, Wùlu a été tourné à cheval entre le Sénégal et le Mali. Il raconte l’épopée criminelle ascendante de Ladji, un apprenti de minibus à Bamako. Le titre, Wùlu, renvoie au chien en bambara et notamment au dernier des cinq niveaux de l’initiation N’tomo qui est la première des six principales sociétés ou étapes d’initiation chez les Bambaras.
Dans cette société, les enfants sont initiés à l’origine de l’humanité et la place de l’individu dans ce bas-monde, le niveau du chien renseigne justement sur la condition sociale de l’initié. Prenant corps dans le contexte du Mali de Amadou Toumani Touré, ce film noir raconte comment une jeunesse paupérisée s’est mise à verser dans le narcotrafic alléchée par le gain facile en dépit des risques. Chargés de yamba derrière de la viande depuis Bamako, les camions repartent de Dakar avec de la cocaïne et du poisson pour la capitale malienne. Puis, c’est Conakry, plaque tournante du trafic avec sa consœur de Bissau qui fait le trafic depuis l’Amé­rique latine, avec cette fois pour convoyer la marchandise, un véhicule bondé de transport en commun. Les Cfa font des petits dans les mains de Ladji qui n’hésite pas à monter au Nord traiter avec les hommes à la peau claire : Aqmi. Les armes, la came et le sang débordent de l’écran com­me cette violence crue mise en relief par les plans de ces zébus ensanglantés qu’on sort  de l’abattoir.
Au bout du rouleau, il n’y a rien si ce n’est la mort et un Etat qui se délite, dévoré par la concussion politico-militaire dans ce sombre trafic. Jamais La­dji ne se fend d’un sourire, il continue sa marche crapuleuse vers la réussite jusqu’à l’inexorable. A bout de souffle, ce premier long métrage pour Daouda Coulibaly qui dure 1h 35 contient tous les ingrédients pour toucher une certaine jeunesse africaine que le désespoir n’a pas encore tuée. Avis aux amateurs, une seconde projection est prévue ce soir sur l’esplanade de la mairie des Parcelles Assainies, avant le début d’une carrière internationale qui devrait mettre encore une fois à l’honneur le cinéma sénégalais.
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