«La mémoire du manguier», troisième film de l’architecte et cinéaste Nicolas Sawalo Cissé, arrive sur les écrans. Projeté ce jeudi à Dakar, le film est une ode aux valeurs de transmission et de solidarité.

Par Mame Woury THIOUBOU – Dans un quartier qui rappelle de façon équivoque la fameuse «Cité imbécile» rasée par les bulldozers aux Hlm, l’imam Habibi, interprété par Ibrahima Mbaye Thié, vit en harmonie avec ses ouailles. Entre sa maison et la mosquée, ses déambulations le mènent souvent devant le manguier. L’arbre planté au cœur de la cité est le témoin privilégié d’une vie de solidarité, de partage et d’entraide. Malgré les conditions de vie précaires, la vie intense du quartier est faite de partage et de solidarité. Quand les premiers signes de maladies se manifestent, c’est toute la vie de l’imam Habibi qui est chamboulée. La mémoire du manguier, troisième réalisation de l’architecte et cinéaste Nicolas Sawalo Cisse, a été projetée en avant-première ce jeudi à Dakar. Le manguier, planté au cœur du récit, devient rapidement bien plus qu’un décor : c’est un lieu de transmission, une archive vivante, un réservoir de souvenirs qui relie les générations et irrigue la narration comme une racine souterraine. Témoin de ces petits gestes qui fondent la communauté, de cette bienveillance qui construit le statut de l’imam, il est aussi la sève nourricière par laquelle se transmettent les valeurs.

Le film est servi par un magnifique jeu d’acteur du duo Ibrahima Mbaye Thié et Rokhaya Niang (qui interprète Awa, l’épouse de l’imam), qui campent toute la tendresse qui lie encore ce vieux couple à l’heure où la maladie frappe à la porte. Mais aussi par une utilisation magistrale du décor étriqué du Village des arts de Dakar. De quoi faire dire au président des lieux, l’artiste Zulu Mbaye, «que le Sénégal tient ses studios de cinéma». Dans cette cité où une bande d’enfants ont déserté les classes pour se livrer au chapardage, la bienveillance et l’empathie de l’imam permettent de retrouver le droit chemin et surtout de rejeter cette appellation inique de «Cité imbécile» pour construire à la place une «Cité des apprenants».

Fidèle à lui-même, Nicolas Sawalo Cissé convoque les éléments pour renforcer la dimension magique de son récit. «Il est vraiment heureux que l’on plonge au cœur des cités problématiques, que la religion et la foi guident les pas quotidiens, que les enfants et leur devenir préoccupent, et que le réalisme invite à saisir le monde dans sa réalité nue et sa complexité», souligne le secrétaire d’Etat Bacary Sarr. La musique, composée par un Jean Philippe Rykiel privé de vue, reste un des points forts de l’œuvre qui vient d’être couronnée d’un Prix du public au dernier Festival du film de Bruxelles.

Après Blissi Ndiaye et Mbeubeuss, Nicolas Sawalo Cissé présente un film tout aussi engagé dans la cause de l’écologie et des communautés défavorisées. Mais le film montre aussi la fragilisation, les liens qui se distendent et que la solidarité doit s’inventer autrement. «(Ce film) est alors fidèle aux obsessions de Nicolas Sawalo Cissé que préoccupent, depuis Mbeubeuss, la santé des populations, l’harmonie du cadre de vie et la cohérence qui donne un sens à la totalité, milieu, corps et esprit liés», salue le secrétaire d’Etat à la Culture et au patrimoine historique. Pour Bacary Sarr, le moment était bien choisi pour rendre un hommage mérité au réalisateur. «Ce n’est pas peu dire qu’il incarne des valeurs fondamentales qui en font un modèle d’engagement et d’exigence, de persévérance et de performance, de perspicacité, et visionnaire tel que notre société le commande car soucieuse de grandeur, de souveraineté, de paix et de progrès», dit-il.
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