Cinéma – Tournage du film « le Mouton de Sada » de Pape Bounama Lopy : Interrogations autour d’une absence

« Le mouton de Sada », le projet de long métrage fiction du réalisateur Pape Bounama Lopy a été tourné sans aucun soutien financier du Fonds de promotion de la cinématographie (Fopica). Un état de fait qui a fini d’installer une polémique dans la famille des cinéastes. Le Quotidien a cherché à savoir les raisons de cette absence du Fopica.Par Mame Woury THIOUBOU –
Le Mouton de Sada, un projet de long métrage fiction de Pape Bounama Lopy représente le Sénégal dans le cadre du projet Sentoo. Ce programme d’accompagnement artistique et de soutien au développement de projets de longs-métrages de fiction et documentaires implique des pays africains. Apres avoir suivi les résidences d’écritures du programme et remporté des bourses d’écriture en Europe et au Maroc, le projet est entré en phase de production. Le clap de fin de tournage avait été donné à la fin du mois d’Aout dernier à Pikine. Mais ces derniers jours, les difficultés financières que la productrice évoquait déjà au moment du tournage ont été remises sur la table et alimentent la polémique. Selon le chef opérateur Amath Niane, devant l’absence de soutien du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique (Fopica), les techniciens avaient pris l’initiative de poursuivre le tournage sans être payé. « On était une équipe jeune et dynamique autour du doyen Aron Camara. Donc on a demandé à la production d’assurer la régie et on a continué le tournage ». Joint au téléphone, Pape Bounama Lopy informe que le projet n’a pas bénéficié d’un appui du Fopica qui est partie prenante dans le programme Sentoo. « Le Fopica a refusé de reconnaitre le film que je viens de tourner sans eux. Ils remettent en cause la qualité artistique du film. La réponse que j’ai eu, c’est que les lecteurs du comité ne sont pas convaincus par la direction que le projet a pris. Par exemple dans une des scènes, la femme dont le fils Sada a disparu va consulter un marabout. Et celui-ci lui recommande de se mettre dans la peau du mouton qui cherche son ami Sada et de bêler. Eux disent que c’est ridicule. Mais je ne suis pas d’accord. Ca à un sens et ça à sa place dans le film », raconte avec amertume le réalisateur. Tabara Ly qui assure la production au nom de Lydel Com une boite de production, ne dit pas autre chose. Selon Mme Ly, en réponse à la demande de financement déposée sur la table du Fopica, la production a reçu un courrier de 7 à 8 pages contenant des recommandations du comité de lecture. « On a fait tout ce qu’on pouvait pour que le tournage se fasse et on est en train de se battre pour terminer le film avec ou sans le Fopica », souligne Mme Ly.
Au final, la production de ce long métrage aura bénéficié de 5000 euros (3 millions de francs Cfa) reçu dans la cadre de l’aide au développement du programme Sentoo et dont une partie a été mise à la disposition du réalisateur. « Cette aide je l’ai reçu au compte-goutte. J’ai pris quelques petites sommes pour quelques trucs. Ce n’était pas intéressant pour moi de courir derrière cette petite somme donc j’ai abandonné pour aller faire le film. Je suis en train de m’entendre avec le centre Yennenga pour la post production. Un film va se faire, tout le monde va le voir et on verra quelle est sa place. Si le Fopica vient, je vais avoir de quoi payer les techniciens sinon, je vais galérer », conclue Pape Bounama Lopy.
Aziz Cissé : « c’est la démarche que le fopica adopte pour tous les projets »
Du côté du Secrétaire permanent du Fopica, l’on se veut pragmatique. Selon Aziz Cissé, le Fopica a respecté les mêmes règles qu’il applique à toutes les demandes de financement qu’il reçoit. « Quand la productrice nous a envoyé la lettre d’appui à la production, naturellement comme nous le faisons avec toutes les demandes, le projet a été envoyé au collège des lecteurs longs métrage fiction. Et on a reçu le retour de ces lecteurs qui ont donné des orientations par rapport à la réécriture parce qu’ils ont pointé certaines faiblesses. Et nous avons fait la synthèse de toutes ces notes de lecture que nous avons envoyée à la productrice. Jusqu’à présent, elle n’a pas réagi. Ça c’est la démarche que le Fopica adopte pour tous les projets qu’on reçoit. Si le retour est bon, la décision de financement est prise, si le retour n’est pas bon, nous faisons la synthèse des notes de lectures que nous remettons a l’auteur et au producteur », indique M. Cissé qui dit ne pas comprendre la précipitation de la production à commencer le tournage au moment où le projet était à l’étude, alors qu’il aurait suffi d’attendre le retour du Fopica. Quand à l’absence du Fopica au tournage, M. Cissé assure avoir été mis au courant deux semaines après le début du tournage. « Ils ont une autorisation de tournage de la direction de la cinématographie, ce qui est une démarche administrative. Tous les producteurs qui viennent chercher de l’argent au Fopica joignent l’autorisation de tournage au dossier en plus du planning de tournage. Et ces deux documents ne figurent pas dans les dossiers que nous avons reçu », indique-t-il. Mais pour Mme Ly, le contexte explique le choix d’aller au tournage. « C’est un film qui se passe pendant la tabaski. L’essentiel des décors, c’est des décors extérieurs et on avait besoin de l’ambiance de la fête. On ne pouvait avoir ça que pendant cette période et même si on avait attendu l’année prochaine, ce ne serait pas pour que le scenario change parce que nous estimons qu’il est suffisamment mure. Nous l’avons soumis à beaucoup de professionnels qui ont donné un avis favorable », dit-elle.
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