Des professionnels du cinéma ont salué le projet de la «Cité sénégalaise du cinéma et de l’audiovisuel», à l’occasion d’un atelier de présentation de l’étude de sa préfaisabilité, tout en exprimant des préoccupations sur son contenu.
En lieu et place d’une cité du cinéma et de l’audiovisuel, le réalisateur Moussa Sène Absa dit pencher plutôt pour la création d’un Centre national du cinéma (Cnc) «à la sénégalaise». «Pourquoi vous ne proposez pas un Cnc sénégalais ? Vous voulez nous faire une cité du cinéma un peu décadrée de nos besoins ? Pour une fois que j’accepte d’être colonisé, si vous m’amenez le Cnc, parce que c’est la meilleure chose que le cinéma français ait faite et qui est revenu à travers le monde», estime le cinéaste sénégalais.
Il rappelle qu’en 1988, des experts sénégalais avaient travaillé sur l’idée d’un Centre national de la cinématographie.
«Toutes les idées relues dans votre rapport ont été faites par des Sénégalais, il faut partir du fait que c’est un projet politique. L’idée d’une cité du cinéma aurait un sens si et seulement si on n’avait à la base jeté le cadre de travail qui permettrait à chacun de se retrouver dans ce métier», fait-il observer.
Le producteur Oumar Sall, directeur général de «Cinékap», se demande quel sera le contenu de cette cité du cinéma vu que c’est «une grosse infrastructure [qui est] demandée», mais dont l’étude de préfaisabilité, selon lui, ne montre pas une articulation avec le Plan Sénégal émergent (Pse), le référentiel des politiques publiques.
«Une cité du cinéma est une grosse infrastructure que nous demandons et que nous devons avoir. (…). Je ne vois pas l’articulation avec le Pse, comment vous avez fait cette étude sans prendre aucune référence du Pse qui est le cadre référentiel au Sénégal. Cette cité allait participer à l’Axe 1 du Pse, à savoir la transformation structurelle de l’économie», fait-il remarquer.
Selon lui, la question qu’il faut surtout se poser est «quel sera le contenu de cette cité du cinéma. Un contenu que les acteurs devront nourrir».
Oumar Sall suggère une révision des textes de coopération cinématographique datant d’avant la dévaluation de 1994, notamment avec des institutions comme le Centre national du cinéma français. «L’écosystème du cinéma sénégalais a toujours été caractérisé par une déperdition des valeurs ajoutée à une économie se trouvant ailleurs en dehors du pays», a-t-il relevé.
Pour sa part, le réalisateur Alain Gomis milite pour «une cité du cinéma dématérialisée», insistant sur l’inclusion des petites initiatives qui ont jusque-là alimenté l’écosystème du cinéma sénégalais. Selon lui, il faut voir grand, mais aussi petit, car tous les grands ensembles aujourd’hui s’écroulent les uns après les autres.
«Le danger de cette cité du cinéma, ce serait d’écraser les initiatives qui existent aujourd’hui pour un grand projet. Les gens se battent depuis des années pour faire exister le cinéma sénégalais à des niveaux difficiles, (…). Je milite pour une cité du cinéma dématérialisée», dit-il.
Le secrétaire général du ministère de la Culture et de la communication, Habib Léon Ndiaye, a précisé, à l’endroit des professionnels du secteur, que la cité du cinéma est un projet porté par l’Etat du Sénégal à travers le ministère de la Culture. L’Agence française de développement (Afd) a été sollicitée pour accompagner le processus, a-t-il signalé. Selon lui, «l’éventualité de veiller à une implication plus soutenue du privé national a été évoquée avec le ministère de l’Economie».
«Ce travail qui est en train d’être fait, n’est qu’un maillon de la chaîne, il y a tout un travail à faire sur la mise à jour des textes qui organisent le secteur. On ne peut pas avoir une cité du cinéma, sans une mise à jour des textes réglementaires et juridiques. Le travail est en train d’être fait», poursuit-il. «Une cité du cinéma oui, mais le nom importe peu. Tout dépendra du contenu que l’on va y mettre», conclut-il.
Aps