Sonko avait prévenu qu’il y aura un après 8 novembre. On y est… Sans doute, il ne s’attendait pas à cette décision de Diomaye dont la portée provoque des secousses telluriques au sein de la majorité présidentielle. Aïda Mbodji a été remplacée par Mimi Touré à la tête de la Coalition Diomaye Président, quelques heures après l’annonce de Sonko lors du Tera meeting que la déléguée à la Der en était l’unique coordonnatrice. En choisissant Mme Touré, balancée à la foule le 8 novembre comme Abdourahmane Diouf, Diomaye montre aussi qu’il est l’unique architecte de cette structure qui a parrainé sa candidature victorieuse le 24 mars 2024. Un jeu d’échecs où les frères siamois poussent leurs pions. Par Bocar SAKHO –

 Ousmane Sonko avait promis qu’il y aurait un après 8 novembre. Le premier acte post-Tera meeting a été posé hier par Diomaye Faye, qui veut restructurer la coalition qui l’a porté au pouvoir et qui est tombée dans l’anonymat depuis le 24 mars 2024. Elle devait même être asservie par Pastef, matrice du Projet. Contre toute attente, M. Faye a mis fin hier à la mission de Aïda Mbodj à la tête de la Coalition Diomaye Président, et a désigné Aminata Touré pour conduire son processus de réorganisation.

Dans une lettre d’information publiée, il écrit à ses «chers alliés» pour rappeler des décisions qu’il avait prises depuis le mois de septembre. En évidence, elles seraient restées lettre morte : «Par lettre en date du 10 septembre 2025, reçue le même jour, j’ai informé Madame Aïda Mbodji de la fin de sa mission à la tête de la Coalition Diomaye Président. Je l’ai remerciée pour son engagement et son dévouement sans commune mesure, à la tête de la coalition, pour la victoire du 24 mars 2024.»

Pour lui, cette mesure était devenue nécessaire à la coalition, absente des listes des Législatives après qu’elle a été dégradée par l’hégémonie de Pastef dont le leader avait constitué sa propre liste avec ses fidèles en excluant les alliés. Diomaye Faye dit dans sa lettre : «Dans la même lettre, j’ai attiré son attention sur une nécessaire réorganisation de la coalition, dans le but de la rendre plus opérationnelle, mieux structurée et pleinement performante, au service de notre projet commun. Je lui précisais que cette réorganisation devrait être menée dans une démarche inclusive qui nécessite la tenue d’une réunion de la Conférence des leaders. C’est pourquoi j’avais demandé à Madame Aïda Mbodji de convoquer, dans les meilleurs délais, ladite conférence afin de passer le témoin, à cette occasion, à son successeur qui prendrait le relais à compter de cette date.»

Mimi, une pilule amère pour Pastef
Face au constat de l’inaction, Diomaye Faye a pris la décision de tout mettre à plat pour réajuster cette structure qui a parrainé sa candidature : «2 mois plus tard, force est de constater que la léthargie et les facteurs de division persistent malgré l’intérêt prononcé que suscite la Coalition Diomaye Président et les nombreuses demandes d’adhésion exprimées par plusieurs personnalités et organisations politiques partageant l’idéal politique et les valeurs de la coalition. Aussi ai-je choisi Madame Aminata Touré, superviseur général de notre campagne électorale à la Présidentielle de mars 2024, pour conduire ce processus qui devra être marqué du sceau de l’ouverture et de la recherche de l’efficience opérationnelle.»

La suite ? Ce sont des éloges à Mme Touré, qui jouit d’une expérience politique solide depuis And Jef jusqu’au sommet des instances politiques et administratives au sein de l’Alliance pour la République (Apr) avant leur déchirante rupture. «Je ne doute point que son expérience, son engagement et son esprit fédérateur nous seront d’un très grand apport dans la restructuration de notre organisation qui devra déboucher sur une coalition plus forte, au service de la vulgarisation positive de l’action du gouvernement, sous la conduite éclairée du Premier ministre Ousmane Sonko.» Dans la foulée, Mimi Touré a partagé une note aux «leaders de la Coalition Diomaye Président» : «Je voudrais partager avec vous cette lettre du président de notre coalition, son Excellence Bassirou Diomaye Faye. Je saisis l’occasion pour remercier Mme Aïda Mbodj pour le travail accompli.»

Dans la «Pasteftosphère», anesthésiée par la soudaineté de la mesure, c’était le déni absolu. Car ce communiqué de Diomaye Faye est tombé comme une étincelle dans un baril de combustible, 72h après le Tera meeting. Alors que son succès résonne encore dans le cœur des «Patriotes», rassérénés par cette démonstration de force. Un rappel à l’ordre qui va nécessairement induire une réaction politique de Sonko !

Duel politique ?
Samedi 8 novembre, l’esplanade du Stade Léopold Sédar Senghor est noire de monde. Dans ses habits de messie, Sonko, qui a réussi son rendez-vous populaire, multiplie les accusations et enchaîne les mises en garde, notamment aux alliés du pouvoir. «Aïda Mbodj est la seule coordonnatrice de cette coalition, et Pastef en est le parti majoritaire. J’ai ouïe dire qu’on va la donner à une autre dame. Elle ne peut pas être la coordonnatrice de notre coalition», avait déclaré Ousmane Sonko lors du Tera meeting. Bien sûr, il lisait sur les cartes ou pressentait que des choses allaient bouger en coulisse. Et elle a été défénestrée, puis remplacée par Mme Touré, jetée aussi en pâture lors du rassemblement populaire, comme Abdourah-mane Diouf, lors d’un discours très allusif, mais suffisamment indicatif du président de Pastef. Un véritable désaveu pour le leader de Pastef, trop sûr de son pouvoir !

Aujourd’hui, une fâcheuse réalité politique se dessine au sein de la majorité présidentielle où les échos des bruits des dissensions internes devenaient chaque jour plus assourdissants. Malgré les dénégations, l’interprétation de certains actes confirmaient un malaise grandissant au sein d’un tandem qui dansait parfois à contre-temps. Feutrée, la dualité politique apparaît à la lumière du jour pour montrer que l’exercice du pouvoir est un cimetière des amitiés.
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