«Migration et mutation de la critique sur la grande toile», «De l’importance de la mobilisation des lecteurs sur les réseaux sociaux», «Comment défendre une critique panafricaine et multilingue sur les réseaux sociaux : le cas d’Africiné Magazine». Ce sont les trois thèmes abordés respectivement par Baba Diop, journaliste et critique de cinéma, Claire Diao, journaliste, directrice du magazine Awotélé, et Thierno Ibrahima Dia, journaliste et chercheur, lors du colloque sur «La critique cinématographique à l’heure des réseaux sociaux : Opportunités et défis» qui s’est ouvert hier à Tunis.

«Le 21e siècle est marqué par le changement de la technologie. C’est le siècle de la communication et du partage», a affirmé le journaliste et critique Baba Diop qui partageait hier aux Jcc (Journées cinématographiques de Carthage) sa réflexion sur «Migration et mutation de la critique sur la grande toile». C’était lors du colloque organisé par la Fédération africaine de la critique cinématographique (Faac) sur «La critique cinématographique à l’heure des réseaux sociaux : Opportunités et défis». Après avoir souligné le rôle essentiel joué par les médias traditionnels, presse écrite, radio et télévision au service de la critique cinématographique, M. Diop, ancien président de la Faac, a mentionné que de nos jours le rôle que jouent les blogueurs permet de mieux ventiler la critique cinématographique. Pour lui, elle a su s’adapter aux mutations technologiques, au point qu’on la retrouve aussi bien dans les journaux, des émissions radio ou télévision que sur la toile où elle s’illustre de différentes façons.
Revenant sur les différentes théories du «Saint patron de la critique cinématographique», Baba est remonté aux origines du cinéma pour expliquer les jalons posés par celui-ci en vue d’«une meilleure digestion de l’art cinématographique». Il part du postulat de Kanodou qui disait que «la critique est un art plastique en mouvement, mais aussi un art normé par la rythmique» pour souligner qu’il est important de contraindre les théoriciens à utiliser un langage rigoureux dans la pratique de la critique cinématographique. Surtout que, note-t-il, la critique s’est élargie aujourd’hui à d’autres formes et que les journaux ne sont plus les seuls canaux dominants pour partager les réfle­xions intellectuelles sur les différentes œuvres filmiques. Cela étant, Baba Diop affirme que «la critique sur le net est une chance», car «elle ouvre des portes à de critiques amateurs et, contrairement au journal-papier, permet d’avoir plusieurs feed-back rapides». «Même si l’Afrique n’est pas au même niveau que l’Europe en matière d’utilisation du net, les blogueurs africains essayent de se mettre dans la danse et il y a un renouveau qui s’opère», s’est-il réjoui, mentionnant par la même occasion que c’est une très bonne chose que l’essence de la critique reste la même et que ce soit les différentes formes qui évoluent avec le temps.
Claire Diao, directrice du magazine de cinéma Awotélé a, elle, rappelé les statistiques et l’impact que Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn ou encore WhatsApp peuvent avoir sur les populations, affirmant que ces plateformes constituent une manne pour toucher les cinéphiles à travers le monde. Elle reconnaît le fait que ces médias sociaux sont toujours difficiles à gérer, compte tenu du fait que les commentaires y sont libres et que gérer l’instantanéité n’est toujours pas une évidence.
Mais pour Claire Diao, «ces réseaux sociaux sont une force qui permet également des échanges fructueux». Expli­quant les ambitions du magazine Awotélé qui sert aussi de visibilité non seulement pour la critique cinématographique, mais aussi pour la promotion du cinéma africain en général, elle a estimé que «la critique écrite est un vrai travail intellectuel qui entraîne des recherches approfondies alors que la critique à la télé ou sur les réseaux sociaux emprunte des voies un peu trop simplifiées». Toutefois, «tant que le cinéma est là, les critiques seront là», a-t-elle terminé.
Le journaliste, chercheur et enseignant de cinéma à Bor­deaux, Thierno Ibrahima Dia, est lui aussi revenu sur le combat et le rôle que joue le magazine Africiné, la plus grande vitrine électronique de la Fédération africaine de la critique cinématographique. «C’est le plus grand média panafricain qui traite de cinéma avec 350 membres», a-t-il indiqué. Non sans omettre de dire que ce site sert de relais à la critique cinématographique aussi bien en français, en anglais, en arabe qu’en portugais et qu’aujourd’hui, il essaie de mutualiser les bases de données avec Afri­culture. Selon M. Dia, Afri­ciné a tout de même choisi de ne pas être sur tous les médias sociaux puisque, relève-t-il, Facebook, Twitter et autres ne donnent pas souvent de la profondeur à la critique cinématographique. «Nous nous refusons la culture du buzz», éclaircit-il, ajoutant qu’un bon critique doit prendre du recul, de la distance pour travailler les sujets et être le plus juste possible. «L’intérêt de ces réseaux sociaux, c’est l’interactivité», a aussi apprécié M. Dia, pour qui le grand mal de notre cinéma, «c’est plutôt l’absence de vrai producteur et d’attaché de presse».

PALMARES Jury du prix Takmil

Le jury du prix Takmil, présidé cette année par l’Italien Giona A. Nazzaro, a annoncé lors d’une cérémonie organisée mercredi après-midi la liste des films en post-production primés lors de la 28ème édition des Journées cinématographiques de Carthage. Des bourses ont ainsi été accordées à des projets de films prometteurs. Ont été récompensés :

Prix de l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) : The mercy of the jungle de Joël Karekezi (Rwanda)
Prix de l’International media support (Ims) : Ibrahim de Lina Alabed (Palestine)
Prix du Centre national du cinéma de France (Cnc) : The day I lost my shadow de Soudade Kaadan (Syrie)
Prix de l’Alesco : The day I lost my shadow de Soudade Kaadan (Syrie)
Prix Hakka distribution (Aide à la distribution d’un film africain ou arabe en Tunisie) : The day I lost my shadow de Soudade Kaadan (Syrie)
Prix du Centre national du cinéma et de l’image (Cnci) : Janitou de Amine Hattou (Algérie)
Prix de Silverway media Paris (subvention de travaux) : La voie normale de Erige Sehiri (Tunisie).