Serait-ce réaliste de penser l’émergence d’un territoire, quel qu’il soit, sans penser la culture qui doit sous-tendre son émergence ? Serait-il réaliste de penser l’émergence d’un territoire, quel qu’il soit, sans penser le profil du ou des leader (s) transformatif (s) chargé (s) de mettre en œuvre les politiques d’émergence de ce territoire ? Serait-il réaliste de penser l’émergence d’un territoire, quel qu’il soit, sans penser le système de valeurs et la culture comportementale de toutes les parties prenantes des politiques d’émergence de ce territoire ? Bien-sûr que non. Aux yeux du Sidy Seck, cela relève même d’une gageure. Prononçant à l’ouverture du colloque sur L’émergence culturelle des territoires, organisé au Conseil départemental de Louga, le discours inaugural, le chef du Département prévention et mobilisation sociale de l’Ofnac a montré combien la culture était importante à l’émergence des territoires. Il a émis des recommandations allant dans le sens de partir de la culture pour développer les terroirs. Selon lui, «tout projet de bonne gouvernance repose sur un recueil de bons comportements ou un florilège de bonnes conduites, car tout le chemin de l’émergence économique et sociale est pavé de valeurs fondamentalement culturelles». Et «toute performance économique et sociale est à la base une performance culturelle ; d’où la nécessité de la part du leader transformatif d’agir par acculturation. Defaraat jikko yi, non pas par un retour au passé, mais par un recours au passé» dit-il, citant le Professeur Lamane Mbaye.
Pour arriver à faire émerger les territoires, M. Seck a estimé qu’il y a un nombre important de défis que les acteurs culturels doivent relever. «Il faut accorder une priorité à la formation aux métiers de la culture en prenant en compte la dimension économique de la culture, la dimension culturelle de l’économie, les besoins de compétences numériques, les jeux vidéo, l’économie du savoir, la recherche, le management, le leadership transformatif, l’action marketing et commerciale», a-t-il indiqué. Outre la formation diplômante et les missions de benchmarking, M. Seck a aussi trouvé qu’il fallait identifier, répertorier géographiquement, mobiliser et valoriser économiquement ce que chaque territoire a de spécifique, tant au niveau des hommes (classes créatives) qu’au niveau des produits et des services culturels (génie mobile, immobile, matériel, immatériel). Il estime également qu’il faut renforcer les missions et prérogatives de la direction du Patrimoine culturel et accompagner des établissements comme les Manufactures des arts décoratifs de Thiès, le Théâtre national Daniel Sorano, à mieux se positionner dans le marché national et international. «La diplomatie culturelle» est également indispensable aux yeux du chef du Département prévention et mobilisation sociale de l’Ofnac. Sur le plan marketing et commercial, ce dernier a remarqué qu’un accompagnement institutionnel ne serait pas de trop.
«Autant il convient de réinvestir le capital culturel et religieux sur les comportements, l’unité nationale, le culte du travail, du travail bien fait, l’intégrité, la probité, le respect du public…, d’inciter les acteurs culturels à faire preuve de plus de créativité encore en créant de nouveaux contenus compétitifs destinés aux Tic, médias, réseaux sociaux… Faire preuve de plus de fermeté dans le traitement des infractions commises sur le droit d’auteur et les droits voisins, instituer une politique d’accompagnement hardie du secteur privé culturel, en encourageant les entrepreneurs culturels privés à la création de nouveaux contenus attractifs, concurrentiels et surtout fondés sur des valeurs éminemment culturelles adaptées au contexte actuel pour développer les territoires», croit savoir M. Seck qui préconise également, dans le cadre du Pse, des projets innovants, culturellement économiques et économiquement culturels. En tant que principal levier dans le dispositif de mise en œuvre des politiques d’émergence et structure tampon entre collectivités territoriales et l’Etat central, le conférencier a aussi jugé nécessaire de faire des Centres culturelles régionaux de véritables centres de responsabilités, dotés d’importantes ressources.
A sa suite, les Professeurs Lamane Mbaye et Ibrahima Wone ont aussi défendu l’importance du patrimoine culturel et de leur valorisation au niveau des territoires. Ils ont prêché pour la conservation et la transmission de ce patrimoine matériel comme immatériel. «Ce sont ces valeurs cardinales qui sous-tendent ce que pourrait être l’émergence. Il faut que les familles, elles-mêmes, s’approprient cet héritage. Il faut aussi une volonté politique. Il faut qu’on assure cette transmission après la conservation. Parce que sans transmission, rien n’est possible. S’il n’y a pas de transmission, c’est la mort éventuelle, et la mort d’une civilisation est plus que grave…», a prévenu le fils de Ndiadia Mbaye. Quant à M. Wane, il a surtout posé la grande équation de la transmission. «On ne peut pas se développer sans moderniser son patrimoine. Tous les Peuples se sont développés en partant de leur tradition. Cependant, il ne s’agit pas simplement de classer le patrimoine pour le contempler. Il s’agit de le mettre en mouvement, de l’exploiter pour féconder la création», a-t-il dit.