Le Sénégal a connu des jours troubles dont les «guérilleros», qui ont connu leur avènement depuis quelques années dans notre scène publique par l’outrage, l’irrévérence et le terrorisme intellectuel, ont bien été les instigateurs majeurs. En s’opposant au verdict prononcé contre leur chef, condamné pour corruption de la jeunesse dans l’affaire Sweet Beauté l’opposant à l’ex-masseuse Adji Sarr, la ligue du verbe bruyant et la secte de l’anti-républicanisme ont voulu balafrer Dakar, écorner l’image du Sénégal, instiguer de la peur, détruire du bien public, caillasser de la propriété privée, brûler des temples du savoir. Leur but, s’il n’était autre que de foutre le désordre, est bien atteint. Ils auront créé une guérilla urbaine et terrorisé tout sur leur passage.

Lire la chronique : Montrez-vous capable de nous diriger !

L’activité économique est au ralenti, le maintien de l’ordre et les infiltrations des manifestations auront fait leur lot de tragiques morts. L’ordre public et la paix publique s’en trouvent ainsi perturbés. Des fascistes en puissance nous ont montré qu’après avoir réuni tous les ingrédients d’un «Ur-fascisme», à savoir un traditionalisme primaire, un refus de la modernité, la cristallisation des frustrations sociales, le nationalisme grégaire, le culte de l’héroïsme et du sacrifice pour tous, le populisme à outrance, il était possible de tenir en otage un pays et de s’attaquer frontalement à un Etat. La situation dramatique que vit notre pays mérite qu’on s’y attarde, car sous les habits d’une lutte pour la démocratie, une défense des libertés et une effervescence de la participation citoyenne, un coup d’Etat contre la République, et un délitement de ce qu’est l’Etat sénégalais, s’orchestre.

Le maquis fait quartier à Dakar
Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), ou du moins ce qu’il en reste après s’être fait écraser sans concession par les hommes du Général Souleymane Kandé jusque dans ses derniers retranchements, et vu son économie de guerre autour du chanvre indien démantelée, aura réussi dans un dernier baroud d’honneur, à transférer son conflit avec l’Etat du Sénégal à Dakar. Ils sont nombreux, ceux qui seront muets comme des carpes en voyant les rues de Dakar prises d’assaut par des maquisards qui sont venus pour installer la peur. Quand on s’attaque à des infrastructures vitales comme l’Usine d’eau de Tiédeume, incendie les gares du Train express régional (Ter), cherche à couper la circulation sur l’autoroute à péage et les axes routiers névralgiques, pille des banques pour anéantir l’offre de ce service et vise le réseau électrique de la Senelec, toutes les cases du terrorisme domestique sont cochées. Ousmane Sonko et sa défense judiciaire se sont illustrés en maîtres de la stratégie de rupture pour faire des errements d’un délinquant sexuel un dossier politico-judiciaire avec tous les ingrédients de la sauce complotiste. Son bras armé ou sa milice d’auto-défense aura fait de Dakar un champ de ruines pour sauver ce qui reste de son projet insurrectionnel.

La folle joie de détruire les biens publics

La Société civile sénégalaise s’accommode du fait que le campus de Dakar soit mis en cendres dans une volonté de défendre des libertés et protéger la démocratie. Si les derniers partisans de la démocratie sont des rebelles et des agents du chaos, elle n’est pas loin, la nuit des longs couteaux où nos tout-puissants autocrates et putschistes en puissance se chargeront de tuer toutes les voix contraires et tous les esprits lucides qui auront le courage de dire non à leur entreprise funeste. Il n’y a que dans un pays gagné par la couardise à tous les niveaux que des historiens prennent peur pour invoquer l’incendie du Bundestag en Allemagne lors de l’ascension de Hitler au pouvoir, craignant de faire un tel parallèle pour expliquer les incendies criminels à l’université de Dakar. C’est ici qu’un enseignant-chercheur acquiesce quand une Faculté de droit est brûlée, pour dire que le Droit enseigné dans les amphithéâtres est dévoyé dans la vraie vie (parce que les juges auraient tranché en défaveur de son champion) ! Il aura fallu qu’un journaliste et analyste comme Alioune Ndiaye adresse de façon courageuse les forfaits criminels et actes terroristes commis à l’Ucad pour que certains maîtres de nos savoirs historiques se sentent pousser une paire pour fuir tout révisionnisme.

Lire la chronique : Ce paradis d’humanité perdu

Les viols de jeunes dames, notamment à Ziguinchor lors des manifestations, n’émeuvent guère organisations féministes et acteurs loquaces de la Société civile. Comme toutes les victimes de viol dans ce pays, on leur demandera de la fermer pour ne pas perturber le cours d’une cause politique bien plus noble. La situation trouble vécue laisse davantage un goût amer d’autant plus que le gouvernement sénégalais, par errements irresponsables ou par une peur congénitale d’adresser un problème, voulant toujours miser sur le pourrissement, finit par semer toutes les graines de la confusion et encourager la défiance à l’autorité de l’Etat. Les ratés de la Police nationale dans sa sortie, sont juste un arbre qui cache une forêt d’incohérences.

Les errements communicationnels de la police n’aident pas
La Police nationale a tenu à informer l’opinion nationale et internationale sur les situations de troubles qui ont suivi le prononcé du verdict de l’affaire Sweet Beauté. Les policiers sont venus avec des éléments factuels pour lister le nombre d’arrestations, présenter des actes subversifs posés et prendre à témoin le grand public sur l’ampleur du danger auquel notre pays fait face. Des ratés dans cette communication, que des apprentis «spin doctors  du web sénégalais, se sont délectés de souligner ont eu un effet néfaste dans la parole de cet émetteur qui ne peut être fragilisé, ou souffrir de doutes en ces heures troubles. Pourquoi la Police nationale doit-elle projeter des éléments de preuve d’infiltrations rebelles dans les manifestations en diffusant des vidéos prises par des citoyens lambda et disponibles dans tous les téléphones ? Les services de sécurité n’ont-ils pas suffisamment d’éléments tangibles et crédibles sur l’infiltration des manifestations rien qu’avec le réseau de caméras de sécurité publique dans la région de Dakar ? Pourquoi couper des séquences de vidéos de Monsieur Tout-le-monde pour faire démonter son argumentaire par le premier des nigauds sur une communication de crise aussi sensible ? Un média étranger se permettra de démonter les éléments vidéo présentés par la Police nationale pour distiller un doute quant à la véracité des allégations faites par les services de sécurité. Quel pain béni donne-t-on à tous les complotistes !

Quid de la protection des agents de police en civil, qu’une rhétorique subversive insiste à caricaturer en nervis ? Ces agents sont mis en danger par un refus, sûrement en haut lieu, de qualifier la situation telle qu’elle est. Le Sénégal est assailli par des ennemis domestiques et un appui étranger, il faut avoir le courage de lire et embrasser la rhétorique du conflit. Ils ne sont pas sur le terrain pour chasser de vulgaires pillards, mais pour des missions bien précises. On ne peut les laisser se faire lyncher de la sorte. Il n’y a aucune posture conciliante et rassurante qui pourrait expliquer une disqualification des risques sécuritaires.

Le misérable porno patriote

La Police nationale se permet de nous dire que des rebelles, avec des armes de guerre, sont dans Dakar et que les efforts nécessaires seront faits pour endiguer cette menace. Un tel propos est aussi un début d’aveu sur un dispositif de sécurité et de renseignement qui aurait pu être grippé à un moment pour que l’Etat n’ait pu voir venir ou s’est contenté de négliger la capacité de nuisance d’un ennemi domestique. Celui-ci, dans un jeu de complaisances, se serait ragaillardi. On aura vu les escadrons funestes de la «Force spéciale» et du «Commando», démantelés avec de sérieux projets de sabotage d’infrastructures vitales, d’attentats contre des cibles physiques (magistrats, journalistes, officiers) et de schémas de troubles massifs à l’ordre public, sans que les dispositions soient prises pour déclarer l’organisation dont ces groupes émanent, de terroriste.

L’élite de tous bords confondus se barricade
Le plus regrettable dans tout ce désordre ambiant qui a poussé à reléguer la loi et l’ordre, est la posture des artificiers du chaos et des tenants du pouvoir. Il n’y en a pas un pour aider l’autre. Alioune Tine, théoricien d’une guerre civile, s’empressait dimanche dernier avec son épouse, de vider les rayons du supermarché Casino pour se remplir de provisions avant une guerre qui mènera à un «grand soir révolutionnaire» (quelle belle façon de narguer le Goorgoorlu qu’il soulage à coup de tweets et de sorties plates, faussement empathiques, dans les médias). Une partie de l’élite au pouvoir fuira Dakar pour se réfugier dans des résidences secondaires sur la Petite-Côte, si elle ne s’était pas mise en mode villégiature entre le Decameron et le Riu Hôtel de Pointe-Sarène.

Si l’Etat sénégalais doit jouer sa survie face à un ennemi domestique qui a pu infester toutes ses couches, s’est camouflé dans la masse et ne cesse d’user de manipulations, il ne le devra qu’à sa solidité que plusieurs épreuves funestes ont pu tester. C’est un pays à la croisée des chemins qui est en guerre contre un ennemi qui veut mettre à terre la République, il serait bon qu’une pause sur toute la fioriture qu’on voudrait faire passer sous des idéaux de démocratie et liberté soit faite. Cela passe par une interdiction systématique des marches et rassemblements de tout bord, un contrôle renforcé d’internet qui a fini d’être Radio mille-collines aux mains de dangereux pyromanes, une montée en puissance du dispositif sécuritaire dans toutes les rues de Dakar. La Société civile, les organisations politiques et une partie des médias se sont noyées dans un jeu partisan pour ne plus voir de façon lucide, l’immensité du risque sécuritaire. A l’Etat d’avoir le courage de tout débrancher, de se battre avec l’ennemi, quoi qu’il en coûte. Il ne peut y avoir d’autres mois de juin comme celui-ci.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn