Les caïlcédrats sont vieillissants et il est urgent de reconstituer leur peuplement. C’est le diagnostic du Commandant Daouda Ndiogou, chef du service des Eaux et forêts du département de Thiès. Il a annoncé, dans ce cadre, un programme de reboisement de 40 mille caïlcédrats, pour reconstituer le peuplement de ces arbres emblématiques de la Cité du rail.

Des accidents mortels impliquant des caïlcédrats sont devenus fréquents à Thiès. Qu’est-ce que votre service prévoit pour régler ce drame social ?
D’abord, nous regrettons ce drame. Ensuite, il est important de noter qu’au niveau de Thiès, nous avons un peuplement vieillissant de caïlcédrats ou «khayes» en wolof. Et quand un peuplement est vieillissant, il est urgent de procéder au remplacement. Et pour restaurer, il faut d’abord faire un inventaire. Nous venons de terminer l’inventaire forestier du peuplement de khayes. Nous avons, à Thiès, 2955 pieds de «khaya senegalensis» de son nom scientifique, dont 31 pieds morts. Et nous avons constitué un projet de restauration de ce peuplement. Dans ce cadre, nous voulons travailler en synergie avec les collectivités territoriales. Nous avons reçu le maire de Thiès, Babacar Diop, et nous lui avons soumis le projet. Pour dire que nous sommes en train de voir comment le mettre en œuvre. Au-delà de ça, les Eaux et forêts ont déjà commencé la reconstitution de ce peuplement. De l’avenue Caen jusqu’à la station Elton à la sortie de Thiès, sur une linaire de 6 km, nous avons fait une plantation de khayes que nous arrosons chaque jeudi avec notre citerne. Notre mission, c’est de pouvoir reconstituer ce peuplement. Parce qu’un peuplement vieillissant, à un niveau, constitue un danger car les branches, de même que certains arbres, peuvent tomber à tout moment et causer des accidents. Maintenant, pour y remédier, il faut en amont mettre en œuvre ce projet qui permet de voir comment couper et ensuite replanter. On ne peut pas d’un seul coup tout couper. C’est un projet qui va se faire crescendo. Petit à petit, on va avancer. On recense les pieds morts et les pieds qui constituent un danger avant de restaurer. Pour cela, nous voulons l’appui des mairies surtout pour les gabions. Parce qu’il y a deux conditions idoines pour réussir une plantation : la protection et l’eau. C’est dans ce cadre que nous sollicitons l’appui de la commune pour qu’elle confectionne les gabions et nous, de notre côté, allons amener les plants directement, reboiser et assurer le suivi. Aussi, nous sollicitons l’implication des populations car planter c’est bon et facile, mais le problème c’est la réussite. Il faut donc nécessairement une implication des collectivités territoriales et des populations pour la réussite de ce projet. Parce que ce n’est pas un projet pour le service forestier seulement, il est aussi destiné aux populations de Thiès. Donc, nous voulons adopter une démarche inclusive et participative. C’est pourquoi nous invitons l’ensemble de la population thiessoise à adhérer au projet, pour qu’on puisse ensemble reconstituer ce peuplement. Parce que le khaya sénégalensia constitue l’arbre emblématique de la ville de Thiès.
Pensez-vous toujours qu’il vaut mieux abattre les caïlcédrats qui constituent un danger avant qu’ils ne s’abattent sur les individus ?
Oui. Parce que l’être humain est l’alpha et l’oméga de la gestion durable des ressources. C’est la base de tout. Donc, il faut nécessairement le protéger. Aujourd’hui, au niveau de mon département, quand on abat un khaye, c’est dans le but de protéger l’être humain. Donc tout arbre qui constitue un danger, mieux vaut l’abattre pour replanter. Ces arbres ont été plantés depuis 1940 par nos anciens, c’est à nous donc de restaurer cet écosystème. Et chaque fois qu’une autorisation d’abattage ou d’élagage est donnée par le service des Eaux et forêts, l’objectif est de protéger l’être humain. Nous ne donnons pas d’autorisation tous azimuts, nous le faisons dans un seul but : protéger l’être humain. Et c’est notre devoir.
Vous avez recensé 31 pieds morts sur 2955 après un inventaire forestier du peuplement de khayes, alors qu’il y a quelques années, le directeur des Eaux et forêts, Colonel Baïdy Bâ, avait indiqué que les caïlcédrats de Thiès sont debout mais sont tous morts, parce que les racines sont mortes. Ne pensez-vous pas qu’il y a plus de khayes morts que les chiffres que vous avez avancés ?
Le Colonel Baïdy Bâ a utilisé une métaphore pour dire qu’il y a plus de khayes morts. C’est comme quand tu compares un khaye à une personne centenaire, ses jambes sont fragiles. Ils peuvent tomber à tout moment. C’est une métaphore qu’il a employée. Parce qu’il y a certains khayes qui sont vieillissants, qui ont plus de cent ans et qui tiennent debout, mais au niveau des racines, ça ne tient pas et cela constitue un danger. Et le directeur a utilisé cette métaphore pour sensibiliser les populations par rapport à ce peuplement vieillissant qui constitue un danger. C’est pourquoi il est important de pouvoir mettre en œuvre ce projet de restauration des khayes. C’est l’occasion pour moi de faire un plaidoyer par rapport aux collectivités territoriales, pour les encourager à venir travailler avec nous dans ce projet. Parce qu’il faut que la commune de Thiès travaille en synergie avec les services forestiers et les populations pour pouvoir restaurer cet écosystème-là. La reconstitution est importante. Chaque jour au niveau de mon bureau, je reçois des demandes d’abattage ou d’élagage et à chaque fois, nous allons sur le terrain pour faire un constat. Si nous constatons la véracité de la demande, notamment que l’arbre constitue un danger, on est obligés de couper mais on exige ensuite à ce qu’on replante. Nous avons une pépinière au niveau de Diakhao, où nous produisons beaucoup plus de plants de khayes. Et à chaque fois qu’on coupe, on restaure.
Combien d’arbres comptez-vous planter dans le cadre de ce projet ?
C’est un projet de 40 mille caïlcédrats à l’échelle départementale. Actuellement nous avons recensé 2955 khayes. On a fait un inventaire et pris l’ensemble des paramètres. On a créé une carte d’identité pour chaque khaye. Si vous voyez aujourd’hui les khayes, il y a des écritures rouges. Donc pour chaque arbre, on a pris la circonférence, la hauteur, mais aussi la date de plantation. Cela nous permet de suivre l’évolution même de l’arbre. Et si aujourd’hui vous me dites khaye n°17, je peux géolocaliser l’emplacement. Cela permet de le suivre. Et même si on coupe, qu’on reboise et que ça ne donne pas d’ici 10 ans, le chef de secteur qui va venir ici saura que dans tel emplacement, il y avait un khaye. Cela nous permet de pouvoir restaurer. Notre ambition, c’est par rapport à cela. Il faut nécessairement qu’on restaure et pour cela, nous avons besoin de l’appui de tout un chacun, surtout de la population thiessoise et des collectivités territoriales.
nfniang@lequotidien.sn