Peur de lâcher la proie pour l’ombre d’un avenir incertain… Tel semble être le sentiment partagé des pays de la zone Cfa ! Et pour cause ! Quand la nouvelle monnaie unique ouest-africaine conserve toujours le taux de change par rapport à l’euro (ce que confirme du reste Alassane Ouattara), il y a à se demander si la malédiction de notre monnaie n’est pas inscrite dans les gènes des pays africains concernés. Comme une impossibilité de prendre notre destin en commun, un refus à nous saisir de notre propre histoire.
Encore arrimée à l’euro par un taux de change qui ne varie pas, l’éco n’est, en définitive, que l’autre version du franc Cfa dont seule l’appellation change, comme pour semer le trouble dans la tête des Africains. Une forme encore subtile de colonialisme qui oblige à se demander si elle n’est pas aussi perverse que la première ; celle-là qui considérait (à tort) qu’il y a des peuples supérieurs à d’autres, opprimés malgré la richesse de leurs respectables traditions, tout aussi respectables que celles qu’on leur imposait, une richesse de culture et une force de penser que cherche malheureusement à écraser le nord, et maintenant, une nouvelle monnaie que semble imposer le diktat de l’euro et qui ne prendrait pas en compte les réalités (économiques) de certaines grandes économies comme celle du Nigeria, du Ghana, entre autres…, comme le craint si bien l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne Mamadou Koulibaly. Manière de signaler que les critères de convergence peinent à être atteints par les pays hors-Uemoa. Et sans oublier le fait que rien n’a encore été fait pour que cette nouvelle monnaie puisse assurer l’intégration commerciale et politique dans la zone arrimée jusqu’ici au Cfa. Se poseront nécessairement le problème d’un déficit de certains pays membres, et surtout le problème assez sérieux, relatif au statut nouveau de la banque centrale de la Cedeao.
Mais, au-delà de ces réels problèmes que pourrait engendrer la nouvelle monnaie, nous pouvons aussi avoir une autre lecture de l’événement, celle qui consiste à reconnaître la nécessité d’un apprentissage des libertés, si nous tenons à assurer, à travers le changement, l’idée que la métropole n’entende plus intervenir dans les affaires intérieures des Etats africains. Et, pour répondre à l’interrogation de M. le Président Abdou Diouf, lors du fameux sommet de la Baule en juin 1990 : «comment engendrer la démocratie, le développement…, tandis que les deux-tiers d’un Peuple vivraient dans la misère ?», nous répliquons par cette interrogation pessimiste à bien des égards : comment nous sortir encore de l’exploitation monétaire de l’euro en vue d’une construction de l’Afrique, en traçant un chemin qui nous place encore dans la logique froide d’un système où les lois semblent nous être dictées de facto comme une sorte de malédiction nécessaire ?
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