Le 1er décembre est une date profondément symbolique pour le Sénégal et pour l’Afrique francophone. Elle marque la commémoration du massacre de Thiaroye, survenu en 1944, où des tirailleurs sénégalais, démobilisés après avoir combattu pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale, furent sauvagement tués par l’armée coloniale française. Ces hommes réclamaient simplement leurs droits, notamment le paiement de leurs arriérés de solde. Cet événement tragique constitue une plaie ouverte dans notre mémoire collective et un rappel des injustices infligées à ceux qui ont sacrifié leur vie pour des idéaux de liberté et de justice.
Thiaroye 44 n’est pas qu’un fait historique, il est un miroir des rapports de domination et des luttes pour la reconnaissance de la dignité humaine. Ce massacre illustre l’ingratitude et la brutalité de l’ordre colonial, même envers ceux qui ont combattu sous ses drapeaux. La commémoration de cet événement revêt donc une importance particulière, car elle dépasse les frontières sénégalaises pour rejoindre une mémoire collective africaine et universelle.
Il est impératif que cette commémoration soit l’occasion de rendre hommage aux victimes, de tirer des enseignements de cette tragédie et de rappeler à tous, jeunes comme adultes, l’importance de lutter pour la justice et la dignité humaine. Le devoir de mémoire n’est pas seulement une obligation morale envers les victimes ; il est un levier pour construire une société consciente de son passé et déterminée à éviter les erreurs du passé.
Quelle stratégie de communication pour la commémoration ?
Pour que cette journée soit mémorable et engageante, une stratégie de communication rigoureuse et bien pensée est essentielle. Elle doit s’articuler autour de quatre axes majeurs : l’éducation, la sensibilisation, l’inclusion et l’émotion.
1. L’éducation : Transmettre l’histoire aux nouvelles générations
La mémoire de Thiaroye 44 doit être ancrée dans les programmes éducatifs. A travers des conférences, des débats publics et des ateliers scolaires, les jeunes générations doivent comprendre le contexte et les enjeux de cet événement. Une communication pédagogique peut inclure des documentaires, des expositions et des publications didactiques adaptés à différents publics.
2. La sensibilisation : Faire connaître le massacre au-delà des frontières
Une campagne nationale et internationale est nécessaire pour donner à cette commémoration une visibilité mondiale. Cela peut inclure :
Des productions audiovisuelles : films, documentaires ou séries retraçant les événements de Thiaroye.
Les réseaux sociaux : créer un hashtag (#Thiaroye44) et partager des témoignages, des récits et des hommages pour toucher un large public.
Des partenariats internationaux : avec des organisations culturelles, des universités et des médias internationaux pour relayer l’importance de cette mémoire.
3. L’inclusion : Mobiliser toutes les composantes de la société
La commémoration doit être inclusive et participative. Les autorités publiques, les organisations de la Société civile, les familles des victimes et les jeunes doivent jouer un rôle actif dans les activités. Des cérémonies interreligieuses, des marches symboliques et des performances artistiques peuvent renforcer le caractère fédérateur de cette journée.
4. L’émotion : Rendre l’hommage vivant et poignant
L’art et la culture doivent occuper une place centrale dans la commémoration. Des concerts, des pièces de théâtre, des poèmes et des œuvres d’art inspirés de cette tragédie doivent occuper le centre de la commémoration.
La commémoration de Thiaroye 44 n’est pas qu’un acte de mémoire, c’est aussi un devoir de justice historique et un moment de réflexion collective sur les leçons du passé. Cependant, au-delà de la cérémonie, quelle stratégie de communication peut être déployée pour renforcer le devoir de mémoire et sensibiliser les générations présentes et futures ?
Un devoir de mémoire : sens et enjeux
Le massacre de Thiaroye est à la croisée de plusieurs enjeux : historique, mémoriel et identitaire. En le commémorant, il s’agit de rendre hommage aux victimes, de dénoncer l’injustice qu’elles ont subie, et de rappeler l’apport des tirailleurs sénégalais dans les grandes guerres mondiales. Ce devoir de mémoire dépasse le cadre du Sénégal pour s’inscrire dans une quête universelle de reconnaissance et de justice pour les peuples opprimés.
Cependant, la mémoire de Thiaroye reste sous-exploitée sur les plans pédagogique et culturel. Beaucoup de jeunes Sénégalais ignorent encore les détails de cet épisode historique, et les récits dominants, souvent produits par l’ancien colonisateur, peinent à restituer fidèlement la vérité. Une stratégie de communication efficace autour de cette commémoration doit donc allier information, pédagogie et émotion afin d’ancrer cet événement dans l’esprit collectif.
Axes stratégiques pour une communication mémorielle impactante
1. Sensibilisation par l’éducation et la culture
Une approche éducative est essentielle pour inscrire durablement Thiaroye 44 dans les consciences. Les institutions éducatives, en collaboration avec les ministères concernés, pourraient inclure cet événement dans les programmes scolaires. Par ailleurs, la production de contenus culturels tels que des films, documentaires, pièces de théâtre ou expositions artistiques permettrait de toucher un public plus large tout en humanisant les récits.
Exemple : Un documentaire diffusé à la télévision nationale ou sur des plateformes numériques pourrait raconter l’histoire des tirailleurs sénégalais à travers les voix de leurs descendants.
2. Mobilisation des médias traditionnels et numériques
Les médias jouent un rôle-clé dans la diffusion des messages mémoriels. Pour Thiaroye 44, il serait judicieux de développer une campagne de communication intégrée :
Spots radio et télévisés rappelant l’importance de l’événement.
Articles d’opinion et chroniques dans les journaux pour stimuler le débat public.
Utilisation des réseaux sociaux pour engager les jeunes, avec des hashtags tels que #Thiaroye44 ou #MémoireCollective accompagnés de témoignages ou de faits historiques.
3. Cérémonie officielle et symbolique
La journée du 1er décembre doit être marquée par une cérémonie solennelle qui combine hommage, recueillement et pédagogie. Une stratégie de communication bien pensée autour de cette cérémonie pourrait inclure :
Une retransmission en direct pour atteindre une audience nationale et internationale.
L’implication d’historiens, d’intellectuels et d’artistes pour des prises de parole et des performances symboliques.
La mise en place d’un monument interactif à Thiaroye pour que les visiteurs puissent apprendre l’histoire de manière immersive.
4. Partenariats et plaidoyer international
Le devoir de mémoire pour Thiaroye 44 doit transcender les frontières sénégalaises. Des partenariats avec des organisations internationales comme l’Unesco ou des institutions académiques pourraient aider à porter ce combat sur la scène mondiale. Une campagne de plaidoyer pourrait également demander une reconnaissance officielle de ce massacre par l’Etat français, accompagnée d’actes réparateurs.
5. Implication citoyenne et communautaire
Les Sénégalais eux-mêmes doivent être les porteurs de cette mémoire. Une communication participative, qui donne la parole aux communautés, aux familles des victimes et aux associations, renforcerait l’impact des commémorations. Des initiatives comme des marches silencieuses, des forums communautaires ou des ateliers de mémoire dans les écoles pourraient être intégrées dans le programme.
Message-clé : Honorer, transmettre et apprendre
La communication autour de Thiaroye 44 doit s’articuler autour de trois piliers : honorer la mémoire des victimes, transmettre leur histoire aux générations actuelles et futures, et apprendre de ce passé pour construire un avenir plus juste. Elle doit également veiller à ne pas tomber dans le piège d’une commémoration formelle et désincarnée, mais plutôt favoriser une approche inclusive, émotionnelle et transformative.
La commémoration du massacre de Thiaroye 44 est une occasion cruciale de réconcilier le Sénégal avec son passé et de restaurer la justice et la dignité humaine. Elle doit dépasser le cadre des cérémonies officielles pour devenir un véritable outil de sensibilisation, de transmission et de construction d’une mémoire collective forte.
La stratégie de communication pour cette journée doit être multidimensionnelle, engageant les institutions, les médias, les artistes, et surtout les citoyens. Elle doit également s’ouvrir au monde pour faire de Thiaroye 44 un symbole universel de lutte contre l’injustice et de reconnaissance pour les sacrifices consentis par les peuples colonisés.
En fin de compte, la mémoire de Thiaroye ne concerne pas seulement les morts, mais aussi les vivants. Elle nous rappelle que chaque génération a le devoir de préserver les enseignements du passé et de les utiliser pour bâtir une société plus équitable. Une communication bien pensée, nourrie par l’authenticité et la volonté de transmettre, peut transformer cette commémoration en un levier puissant pour le renforcement de l’identité nationale et le rayonnement international du Sénégal.
Le massacre de Thiaroye 44 ne doit jamais être oublié. Il nous incombe à tous, en tant que Sénégalais et Africains, de faire vivre cette mémoire, de la transmettre et de l’honorer, pour que les sacrifices de nos aînés ne soient jamais vains.
Souleymane LY
Spécialiste en communication
Julesly10@yahoo.fr