Commémoration de Thiaroye : La voix de Mamadou Diouf pour dévoiler la «vérité cachée»


Le discours et les interventions du Professeur Mamadou Diouf, historien de renommée internationale et président du Comité pour la commémoration du massacre de Thiaroye, sont au centre de l’anniversaire du 81ème anniversaire de Thiaroye. Pour Mamadou Diouf, la commémoration de Thiaroye en 2025 n’est pas un simple rappel historique, mais un acte politique fort. Il insiste sur le fait que la volonté du nouveau régime de mettre cet événement au premier plan est une rupture politique majeure avec le «silence complice» des régimes précédents, qui auraient cédé à l’omerta de la France.
Pr Diouf appelle à accorder aux victimes le statut de «morts pour l’Afrique et pour l’esprit panafricain». Cette formule vise à dépasser la simple catégorie de «morts pour la France» ou «mutins» pour les inscrire dans une dimension continentale de la lutte pour la dignité. Pr Diouf souligne que la mémoire n’est pas qu’une relation avec le passé, mais une «projection dans le futur», une manière de définir le projet politique, économique et culturel que le Sénégal et l’Afrique veulent rédiger. Il s’agit d’une «histoire vivante» nécessaire aux nouvelles générations pour construire leur identité souveraine.
Le Rétablissement de la Vérité : Un impératif catégorique
Le rôle principal de Mamadou Diouf, notamment en tant que directeur des travaux du Livre blanc et de la coordination des fouilles, est de «restaurer la vérité historique» contre la «dissimulation» coloniale. Se basant sur les documents disponibles et les travaux du comité, l’historien maintient l’affirmation selon laquelle la tuerie de Thiaroye était «préméditée» par la haute hiérarchie militaire ou politique à Paris. L’objectif était clair : «rétablir l’ordre colonial» face à des Tirailleurs qui commençaient à revendiquer des valeurs citoyennes et démocratiques apprises au front, ce qui était menaçant pour le système impérial. Il réaffirme l’estimation historique la plus crédible de «300 à 400 morts», contredisant les bilans français de l’époque qui ne reconnaissaient que 35 à 70 victimes.
Aujourd’hui, Pr Diouf réclame une «collaboration franche et entière» de la France pour la déclassification totale des archives. Il pointe du doigt l’inaccessibilité de certains dossiers, qui entrave la connaissance complète des faits et conforte l’idée que l’ancienne puissance coloniale continue d’exercer une forme de «violence archivistique».
La publication et la remise au Président du Livre blanc sont considérées par M. Diouf comme l’ouverture d’une «séquence inédite» sur le sujet, car il permet de produire «un récit par nous et pour nous-mêmes», basé sur les sources et le regard africains.
Les sondages archéologiques menés au cimetière de Thiaroye, qui ont révélé des fosses communes et des squelettes, avec des traces de balles ou de chaînes, sont, selon Diouf, «le document matériel le plus visible et probablement le plus riche» de la culture associée au massacre. Ces découvertes étayent la thèse du massacre de manière irréfutable. «Le 81ème anniversaire est une excellente opportunité pour prolonger l’élan amorcé lors de la précédente commémoration, l’ouverture du dossier d’un débat singulier mais hautement emblématique des pratiques de gouvernance coloniale, le recours quasi-rituel à la violence», explique l’universitaire.
Pour lui, cette commémoration permet de revisiter «un débat singulier mais hautement emblématique des pratiques de gouvernance coloniale», marquées notamment par «le recours quasi-rituel à la violence». A ses yeux, Thiaroye fait l’objet d’une «double manœuvre de dissimulation et de reconfiguration», dans le «contexte paradoxal» de la victoire contre les régimes fascistes, d’une part, et à travers «les entraves persistantes imposées par les autorités coloniales puis par l’Etat français à toute tentative de recherche de vérité», d’autre part. Il assure que le pays «s’est engagé à détricoter cette double trame», en renforçant les cycles de commémoration et les recherches associées, dans une perspective désormais régionale et panafricaine. L’objectif est de faire de Thiaroye «le lieu d’une mémoire exposée alors qu’elle fut longtemps occultée», rejoignant l’idée de «mémoire cachée» évoquée par les historiens Catherine Coquery-Vidrovitch et Gilles Clément.

