16 octobre 1997- 16 octobre 2017. Cela fait 20 ans que Mame Less Dia, le fondateur du journal satirique Le Politicien, a été arraché à l’affection de ses proches, parents, amis et anciens collaborateurs… Ces derniers ont organisé, hier à la Maison de la presse, un colloque au cours duquel l’historien Iba Der Thiam a retracé le parcours «exceptionnel» de ce pionnier de la presse satirique au Sénégal.

Il était une fois Mame Less Dia ! Un homme qui, en 1977, fondait le premier journal satirique au Sénégal : Le Politicien. Le régime restrictif mis en place au lendemain de l’indépendance n’avait pas dissuadé ce dernier d’aller au bout de ses rêves. «En choisissant le mode satirique, Mame Less Dia savait pertinemment que Senghor ne lui ferait pas de cadeau. Il savait le con­texte au sein duquel il avait choisi d’inscrire son ac­tion. Il savait que la si­tua­­tion économique du Sénégal était précaire. Que le régime en place était frileux, soupçonneux, et surveillait la presse irrévérencieuse», explique Iba Der Thiam. En homme politique averti, qui savait bien analyser les situations, connaissait les hommes, leurs forces et faiblesses, le pays, ainsi que le régime en place, les acteurs politiques, leurs codes et interdits. En homme connaissant en profondeur la société dans laquelle il était immergé, Mame Less Dia n’avait pas hésité à se lancer dans la satire. Il poursuivra son action dans ce créneau où il fallait user tact et de doigté pour divertir et faire rire tout en se gardant de choquer.
Pour réussir son pari dans ce genre qui n’était pas complètement étranger à «notre» culture faite de chants, de paraboles, de dictons maximes et proverbes, le professeur Iba Der Thiam révèle que le fondateur du journal Le Politicien s’était entouré d’une belle équipe composée entre autres de : Abdou Salam Kane, Alfonse Mendy, Babacar Dia, Khadre Fall, Sadibou Fall, Mamadou Wone, Mamadou Traoré Diop, Abdoulaye Bamba Diallo, Demba Dia, Papa Samba Kane, Youssouf Agn, Mouhamed Bachir Diop,… Ces gens qui ont participé à la «folie» de Mame Less qui, de 1977 à 1997, s’est imposé en pionnier de la satire au Sénégal. Et aucun homme du champ politique n’était épargné par la plume du satiriste. Dans son discours inaugural, M. Thiam cite quelques sobriquets que Mame Less attribuait aux acteurs politiques : Ndiol, Ndiom­bor, Mendosa, Marie Jolie. « Il mettait même parfois en scène des animaux, pour mieux décrire les «tares et les avatars» de la société de l’époque et faire passer des messages», renseigne-t-il par ailleurs.
L’exposition de quelques tirages issus de la base nu­mé­risée des archives du journal Le Politicien confirme les pro­pos du professeur Iba Der, qui lui non plus, n’a pas été épargné par la plume des caricaturistes de ce journal satirique. Tenant deux mallettes à la main : celui du ministère de l’Ensei­gnement supérieur et l’autre du ministère de l’Education, on y découvre le professeur portant la même tenue que Spiderman et sur le bandeau on pouvait clairement lire : «Maintenant Super­der.» Sur une autre affiche, on voit le professeur Iba Der Thiam la bouche cadenassée, et le titre accompagnant la satire indique «Vive Iba» et le texte d’en bas l’élisait ministre le plus populaire du gouvernement de Diouf. Dans la rubrique «Kaani gi», informe-t-on, les sarcasmes et railleries se poursuivaient, l’on appréciait sous la plume du journaliste, autant ses talents de satiriste que par la simple lecture de la titraille : «Boukki nous quitte», «Boukki revient ,», «l’énigme Diouf», «Choc Niass-Ta­nor», «la Démocanarchie». Des formules qui, aux yeux du Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop, témoignent de la «subtilité» de la satire.
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