Ismaïla Madior Fall a raison de soutenir que le Conseil constitutionnel a eu à rendre des décisions sans être au complet. Mais c’était plus dans des cas d’empêchements temporaires que définitifs d’un nombre aussi important de ses membres. Même si le quorum est atteint. Le Quotidien a fouillé dans les décisions des «Sages» qui se sont succédé.Par Hamath KANE –
«Pour qui connaît l’histoire du Conseil constitutionnel, il est arrivé des dizaines de fois que le Conseil constitutionnel, quand il était composé de 5 membres, statue à 3.» Soumises à la Var, ces affirmations de Ismaïla Madior au Grand jury de la Rfm du 25 juillet 2021 ne peuvent lui valoir de carton rouge. Bizarrement, l’on ne sait pas si c’est une erreur sur le site du Conseil constitutionnel, mais même deux membres ont rendu la Décision n°16-E-2012 du 4 février 2012 qui fait suite à une requête du candidat Macky Sall tendant à contester la couleur choisie par Cheikh Tidiane Gadio pour l’impression de ses bulletins de vote. Même si le requérant a fini par se désister, l’on a eu droit à la fameuse formule : «Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 février 2012, où siégeaient Messieurs Cheikh Tidiane Diakhaté, Président, et Isaac Yankhoba Ndiaye.» Pourtant les autres, Siricondy Diallo, Chimère Malick Diouf et Mohamed Sonko, étaient bien membres. Et il est vrai, comme le soutient le constitutionnaliste et ministre d’Etat, qu’«il est fréquent que le conseil ne réunisse pas la totalité de ses membres». Comme d’ailleurs dans la Décision n°1-2005 du 7 septembre 2005 lorsqu’il a été saisi par le Président Wade «pour avis sur le projet de loi modifiant l’article 60 de la Constitution et le projet de loi ordinaire repoussant la date des élections législatives au jour du premier tour du scrutin de l’élection présidentielle de 2007». 3 membres, Madame Mireille Ndiaye, présidente, Messieurs, Mamadou Sy et Mamadou Kikou Ndiaye, ont délibéré et se sont déclarés incompétents «pour répondre en l’espèce à la demande d’avis du président de la République». Abdou Lath Diouf et Babacar Kanté étaient déjà en service. Même quorum pour la Décision n°4-2002 du 5 novembre 2002 traitant de la saisine du Conseil par Youssoupha Ndiaye, son président, d’une «demande d’avis conforme tendant à mettre fin à ses fonctions de membre du Conseil constitutionnel». Avaient siégé en plus de Youssoupha Ndiaye lui-même, Abdou Lath Diouf et Mamadou Sy. Me Mamadou Lô ayant fini son mandat en juin 2002 et Abdoul Aziz Ba aussi ayant mis fin à ses fonctions à sa demande en janvier de la même année.
Un cas inédit
C’est dire donc que les exemples pour lesquels la haute juridiction ne s’est pas réunie dans sa totalité foisonnent. Mais ils ne peuvent être pertinents d’ailleurs que s’ils étaient similaires à celui que vit aujourd’hui le Conseil constitutionnel présidé par Pape Oumar Sakho : trois membres indisponibles, mais pas temporairement sur la base de l’article 23 de la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016. Ismaïla Madior Fall l’a d’ailleurs admis : «Il manque donc 3 membres qui doivent normalement siéger sauf s’ils ont un empêchement temporaire, en l’occurrence il s’agit d’un empêchement définitif.» De toutes les façons, le vin est tiré et l’opposition va devoir le boire, les décisions du Conseil constitutionnel n’étant susceptibles d’aucun recours. C’est une décision qui entre aussi dans l’histoire par son caractère inédit.
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