Les victimes du massacre survenu le 28 septembre 2009 dans un stade à Conakry continuent de réclamer justice. Ce, pendant que des fonctionnaires incriminés conservent leurs postes officiels et que l’enquête est en suspension.

Huit longues années après le sanglant événement du stade de Conakry, les victimes et leurs amis réclament toujours que justice soit rendue. «La Guinée devrait s’employer à rendre justice, à établir la vérité et dédommager les victimes pour les crimes graves commis le 28 septembre 2009 dans un stade de Conakry», plaide-t-on dans un communiqué signé par Human Rights Watch, Amnesty international et l’Association des victimes, parents et amis du 28 Septembre 2009. «Ce jour-là, les forces de sécurité ont massacré plus de 150 manifestants pacifiques et plus de 100 femmes ont été violées. Des centaines de blessés et des pillages généralisés ont également été documentés», renseigne la correspondance.
Lancée en février 2010, l‘enquête sur les crimes, menée par un groupe de juges d’instruction guinéens, n’est pas encore finalisée même si des progrès impressionnants ont été notés chez les juges enquêtant sur cette boucherie. «L‘enquête doit être terminée afin que les responsables du massacre du stade puissent être jugés sans plus tarder», réclament les défenseurs des droits humains.
Le dossier incrimine des responsables de haut niveau, dont certains sont encore en fonction. Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte du Conseil national de la démocratie et du développement (Cndd) qui gouvernait la Guinée à l’époque, ainsi que son vice-président Mamadouba ‘’Toto’’ Camara et Abubakar ‘’Toumba’’ Diakité, aide-de-camp de Moussa Dadis Camara, font partie des incriminés.
Le dernier cité a été extradé en Guinée en mars, après avoir été en fuite pendant plus de cinq ans. «Toutefois, plusieurs personnes qui font face à des accusations conservent encore des postes officiels influents en Guinée», déplorent les victimes et leurs amis qui dénoncent en outre que des personnes soupçonnées de responsabilité pénale dans le massacre continuent à occuper des postes officiels de haut niveau et de pouvoir.
Pour François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty international, «c’est un affront envers les victimes et leurs familles». «Cela envoie le message négatif selon lequel l‘impunité est tolérée en Guinée», a déclaré M. Patuel.

Des aspects de l’enquête en suspension
Afin de garantir le droit dans ce dossier, les défenseurs des droits humains estiment que toute personne faisant l’objet d’accusations devrait être mise en congé administratif jusqu’à ce qu’un jugement d’innocence ou de culpabilité soit rendu. Ceci pour s’assurer que les mis en cause n’utilisent pas leur position et leur influence pour porter atteinte aux procédures judiciaires. Plus de 400 victimes et des membres de leur famille ont été entendu dans cette enquête ainsi que des témoins, notamment des membres des services de sécurité.
«Certains aspects de l’enquête sont en suspens, comme la localisation de fosses communes censées contenir les corps d’une centaine de victimes qui demeurent disparues à ce jour. Plusieurs personnes ayant exercé des fonctions de haut niveau à l’époque n’ont été ni entendues ni poursuivies. Mais cela ne devrait pas être un motif pour que les autorités judiciaires guinéennes retardent l’achèvement de l’enquête.» Les autorités guinéennes sont invitées à veiller de sorte que les violations des droits humains et les abus commis depuis le massacre du stade, «notamment environ 70 morts lors de manifestations», soient examinés de manière adéquate et les responsables traduits en justice dans des procès équitables.

«Les soldats m’ont violée, mon mari nous a abandonnées ma fille et moi»
«Je n’arrive pas à surmonter ma souffrance. Ma vie a volé en éclats. Le jour, après que les soldats m’ont violée, mon mari nous a abandonnées ma fille et moi. La justice doit être rendue et les victimes doivent obtenir des réparations», a confié à Amnesty International l’une des victimes de viol.

La Commission internationale d’enquête, créée par le Secrétaire général des Nations-Unies et chargée d’enquêter sur les événements de Conakry, a conclu que les massacres et autres actes de violence commis le 28 septembre et les jours suivants constituent des crimes contre l’humanité.
ksonko@lequotidien.sn