«On mettra tout pour que la fête soit belle (…). Ça va déchirer comme d’hab, Inch’Allah», avait affirmé Alpha Blondy à sa descente d’avion à l’aéroport international de Ouagadougou. Il a effectivement assuré la fête samedi soir devant des centaines de fans. La star a repris les titres «Sankara» et «Norbert Zongo», d’ailleurs réclamés en vain par le public burkinabè lors de ses derniers concerts à Ouaga et Bobo. Il avait précisé qu’il ne le fera pas dans l’esprit de réveiller des blessures. Il a relevé ce défi, offrant du plaisir avec des messages dont les mots restent force admiration et respect, pour cette légende de la musique africaine.
«Mesdames et messieurs, pour ce rendez-vous 2017 du Fespaco, voici Alphaaaa Blondy !», annonce avec gaieté le maître de cérémonie. L’instant était solennel. Puisque tout le week-end dernier, tout Ouaga attendait la prestation de cette légende de la musique africaine. D’ailleurs quelque minutes avant qu’il n’apparaisse sur scène, le ministre ivoirien de la Culture avait indiqué dans son intervention qu’Alpha Blondy, allait «gâter le coin». L’expression était très bien choisie.
A 18 h 30 mn, la star avant de monter sur scène, entourée de quelques membres de son staff, fait une petite prière intérieure au bas du podium. Puis, c’est un Alpha Blondy habillé aux couleurs vert jaune blanc, qui apparaît sous les ovations du public. Cela fait plusieurs années qu’il avait été interdit de concert au Burkina Faso. On se souvient qu’il devrait se produire le 21 décembre 2002 à Ouagadougou et le 23 à Bobo-Dioulasso. Mais ces concerts de la superstar ivoirienne du reggae avaient été interdits à l’époque par le gouvernement burkinabè. C’est donc comme pour rendre grâce à Dieu d’être revenu devant son «charmant public» qu’Alpha Blondy entonne, dès son entrée en scène, «Jerusaleem», remerciant Adunaï, et les yeux levés vers le ciel, chantonne «Salamalécum !».
Dans le public, le refrain est repris en chœurs, «Jerusalem, je t’aime». Alpha corse un peu la note avec «Jah Rastafari». De quoi faire sursauter les centaines de jeunes qui ont commencé par quitter les tribunes pour rejoindre les gradins au bas du podium. Plusieurs tubes s’enchaînent. Et les spectateurs toujours en transes savourent goulument ces instants de musique. De bonne et belle musique. Car avec Alpha Blondy, aussi bien le rythme que les textes pénètrent les entrailles et font tressaillir d’allégresse même les plus timides en public. La preuve, avec son tube culte «Wari bana… Multipartisme, ce n’est pas tribalisme….», tout le monde reprenait comme une litanie salvatrice : «A Abidjan, y a dra ! A Cotonou, y a dra ! A Ouaga, y a dra ! » Et au terme de ce son, «Tout le monde est fâché !». Fâché de voir que la légende du reggae africain avait pourtant prévenu dans ses nombreux textes de tout ce qui pourrait arriver dans nos différents pays.
«Ouaga Rack», son cadeau au Président
Heureusement, Alpha Blondy, comme pour exorciser les vieux démons de l’Afrique qui ont occasionné des évènements douloureux au Burkina Faso, est revenu offrir son message de paix à ce Peuple qui lui est cher. «Merci à mon grand frère Rock», a lancé la star à l‘endroit du Président burkinabè, Rock Kaboré, à qui il a dédié «Ouaga rack». Sur ce morceau spécialement composé pour ce concert, il chante : «Que Dieu aide le Burkina ! Que Dieu aide le Moro Naba ! Que Dieu aide mon cher Rock !…».
Les fans applaudissent à tout rompre leur «génie». Et lui, profite de ces instants pour rappeler qu’il est bien de retrouver la paix, mais de ne jamais oublier les vrais combats. Pour cela, il enchaîne avec «Crime rituel» à travers lequel, il dit : «Personne n’a le droit de tuer son prochain au nom de Dieu. On ne doit pas tuer pour justifier un crime quelconque. Car, la Tora, la Bible et le Coran disent : «Tu ne tueras point»». «Celui qui tue un homme a tué l’humanité… Dieu est unicité et miséricordieux», poursuit musicalement Alpha Blondy. Là encore, sa musique résonne comme un pied de nez. Puisqu’il fredonne : «Faut pas mêler Mohamed à vos actes criminels. Allah n’est pas un Dieu terroriste !»
Au fil des morceaux, Alpha condamne «la dictature démocratique, les prisons démocratiques, la validation des coups d’Etat par l’Union africaine…» et signale que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et lorsqu’il est venu le moment de reprendre son tube incontournable dans ce contexte de réconciliation au Burkina Faso, c’est avec solennité que l’auteur de : «Au clair de la lune, mon ami Zongo» rappelle encore au public que «les journalistes, on ne les tue pas. C’est amer. C’est comme de la nivaquine !». Puis, face à l’euphorie du public, il chante également «Sankara ! Capitaine Sankara !». On pouvait alors entendre «Bis ! Bis ! Bis !» Malheureusement, les bonnes choses ne durent jamais. Alpha Blondy doit descendre de la scène et laisser les cinéphiles aller en salle. Mais avant cela, un dernier morceau phare résonne : «Brigadier Sabari !». Ce titre puisé de l’album «Jah Glory», sorti en 1982 en Afrique et en 1983, a été l’un des premiers titres qu’il a enregistrés en dioula. On peut considérer ce morceau comme l’acte de naissance du reggae africain. Et ce n’est pas pour rien qu’Alpha Blondy, la chante en clôture de ce concert.