Les concertations sur l’avenir de la presse ont débuté hier. Dans son discours, Mamadou Ibra Kane, président du Cdeps, pose un diagnostic sans complaisance des relations entre les médias et l’Etat : «Souveraineté, compte tenu des enjeux pour la démocratie, compte tenu du développement économique et social, oui, mais que ce soit encadré par la loi. Absolument, nous sommes d’accord. Sauf que la loi, ce n’est pour réprimer ni la liberté de presse ni la liberté d’expression. Et donc aujourd’hui oui, nous comprenons qu’une autorité de régulation des médias et de la publicité, c’est important, oui, d’y inclure la publicité parce que même les messages publicitaires sont des messages de communication. Que cela soit, disons, encadré par la loi, mais en aucun cas, pour la création de ces supports -toujours la presse écrite, la web radio, la web Tv, le site d’information- que cela soit soumis à une autorisation administrative.» Selon lui, la presse privée sénégalaise a été précipitée dans une «misère profonde» sous le nouveau régime, dénonçant une «vision politicienne des médias». «Et comme je le dis, en réalité, quand on parle d’autorisation administrative, c’est une autorité politique parce que le régime de la 3e alternance politique nous a démontré qu’elle a une vision politicienne des médias. C’est ce qui a engendré que depuis 15 mois maintenant, les médias privés sénégalais sont dans la misère profonde. Je n’ai pas le temps de m’épancher sur les actes malheureusement hostiles que le nouveau régime a posés vis-à-vis de la presse privée. Mais vous connaissez la situation. Aujourd’hui, la plupart des entreprises de presse sont en situation de quasi faillite. Certaines sont menacées même de liquidation judiciaire, tellement elles doivent à leurs fournisseurs, elles doivent aux organisations sociales, elles doivent surtout aux travailleurs.» Il poursuit : «Aujourd’hui, beaucoup de nos confrères et consœurs vivent le calvaire. Ils sont menacés d’expulsion. Dans leur logique, ils n’ont plus les moyens de payer les charges liées à l’électricité et à l’eau. Leurs enfants sont également expulsés des écoles. Tout cela, parce que malheureusement, il y a une absence de dialogue, il y a une absence de résolution des problèmes économiques et sociaux. Donc pour me résumer, nous voulons un encadrement, et c’est un encadrement nécessaire. Mais il faut que cela se passe dans le cadre du renforcement de l’Etat de Droit, parce que c’est ça la force du Sénégal. Nous n’avons pas encore un Etat de Droit affirmé, mais nous avons au moins un embryon d’Etat de Droit que nous devons renforcer.»

En écho, le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), Moustapha Cissé, lance un appel à dépasser la situation actuelle. «La presse n’est pas un appendice de l’Etat. Elle est le souffle même de l’espace public. Les entreprises de presse suffoquent sous les dettes, privées de ressources stables, exclues des commandes publiques et négligées dans les politiques de soutien économique. Nombre d’entre elles sont menacées de liquidation. Le fonds d’appui est inopérant, les contrats de publicité ont été annulés sans mécanisme compensatoire. Les créances dues par l’Etat sont restées en suspens.» Il alerte : «Il y a dans ce paysage un exode silencieux, un désenchantement républicain, un effritement du devoir d’informer. L’immobilisme face à cette situation n’est plus neutre, il devient complice. Ce que le Cap, aujourd’hui, soutient devant vous et avec vous, c’est qu’il est encore temps de corriger la trajectoire, mais il ne reste pas beaucoup de marge.»