Si le Sénégal n’y prend garde, l’exploitation de ses réserves d’hydrocarbure ne permettra pas une baisse des prix de l’électricité. Pape Adama Cissé, maire de la commune de Passy, relève que l’absence de gazoducs dans le schéma de production proposé par Petrosen pourrait avoir des conséquences.
Le Sénégal escompte d’importants revenus de l’exploitation de ses gisements d’hydrocarbure. Mais si l’on y prend garde, certaines des externalités positives espérées comme la baisse du prix de l’électricité resteront des vœux pieux. Le maire de la commune de Passy qui intervenait à l’occasion de la concertation nationale sur la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz, organisée le 12 juin dernier, avait attiré l’attention sur l’importance des infrastructures. «Un prélèvement spécifique et irrévocable de 10% pour financer les infrastructures d’hydrocarbure, gazoducs et raffineries sans lesquels il n’y aura pas de création de richesses. Il y aura juste de l’argent à distribuer», avait indiqué l’édile de Passy au Président Macky Sall. Selon M. Cissé, par ailleurs expert-comptable, le Sénégal ne doit pas reproduire les mêmes erreurs que certains pays africains. Citant le Nigeria, il a expliqué que si rien n’est fait, le Sénégal risque de vivre dans le même paradoxe que ce grand pays producteur qui, malgré ses énormes réserves de pétrole, peine à approvisionner ses stations-services. «Nous avons un système de Fpso (Unité flottante de production, de stockage et de déchargement) et il y a des gazoducs qui vont amener le gaz vers le Floating liquefied natural gas (Flng) qui est un bateau-usine qui a pour vocation de prendre ce gaz sorti du Fpso pour le liquéfier et qu’on puisse le mettre dans des citernes qui vont ensuite le transporter là où on en a besoin. Cette procédure de liquéfaction du gaz se fait au large, sans visibilité pour les Sénégalais et c’est un procédé qui coûte extrêmement cher. Maintenant, à partir de ce Flng vers le rivage, on n’a pas vu de gazoducs. Ce qui veut dire que le gaz va partir du Flng, le bateau qui est au large, directement vers d’autres bateaux et l’exportation. C’est ça notre inquiétude. Nous aurions souhaité qu’il y ait un gazoduc qui permette d’amener le gaz à l’intérieur du pays», exprime M. Cissé.
«Le meilleur legs à faire aux générations futures, ce sont des infrastructures d’hydrocarbure et pas un fonds qui sera forcément dépensé dans des urgences, sans création de valeurs et de richesses. Le Président Buhari du Nigeria, l’ayant compris, était au Maroc la semaine dernière pour négocier 5 200 km de gazoduc», a poursuivi M. Cissé.
Ce projet maroco-nigérian consisterait en la construction d’une extension vers le Maroc du Gazoduc ouest-africain (Goa) en fonctionnement depuis 2010, qui relie les zones gazières du sud du Nigeria au Bénin, au Togo et au Ghana. A terme, ce projet vise à accélérer l’électrification de cette partie du continent et devrait coûter quelque 20 milliards de dollars. L’option prise par le Sénégal de mettre en place un Flng est une solution d’urgence, soutient M. Cissé. «On aura du gaz liquéfié qu’il faudra re-gazéifier avant de pouvoir l’utiliser, ce qui coûte très cher. En d’autres termes, la Senelec ne pourra pas opérer la transition énergétique Power to Gaz et réduire le prix du Kwh comme le pense le chef de l’Etat», prévient M. Cissé. «L’autre choix aurait été de le mettre directement dans des gazoducs pour le transporter dans son état naturel. D’après les explications du Cos-petrogaz, ces gazoducs coûtent très cher. Mais j’aurais souhaité que l’on fasse une comparaison entre le coût du Flng et celui du gazoduc pour 15 ans et voir si un tel investissement ne peut pas être opéré pour avoir un gazoduc parce que c’est plus sûr, et le contrôle sera beaucoup plus rigoureux pour savoir exactement combien de gaz sont extraits et envoyés à l’export.»
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