«Culture média et libération nationale», c’est autour de ce thème que l’écrivain et essayiste, Boubacar Boris Diop, a animé hier une discussion à l’Ecole de communication et de journalisme (Ejicom) en prélude à la célébration de la Journée de l’Afrique le 25 mai prochain.

L’Afrique serait-elle à l’image de cet esclave qu’évoquait Cheikh Anta Diop dans une conférence à Niamey ? Un esclave qui, libéré de ses liens, fait quelques pas hors de la plantation, après quelques moments d’errance, revient se livrer au maitre en avouant ne pas savoir ou aller ? Boubacar Boris Diop, qui utilise cette image pour illustrer la situation des pays africains, estime que la réponse à ces questions ne fait aucun doute. «C’est une fausse indépendance» que vivent les pays africains, soutient l’écrivain et essayiste, qui donnait hier à l’Ecole de communication et de journaliste (Ejicom), une conférence sur le thème : «Culture média et libération nationale» organisée en collaboration avec Africans Rising en prélude à la célébration ce 25 mai de la Journée de l’Afrique.
La dépendance des anciennes colonies françaises envers leurs colonisateurs est plus que jamais une réalité, estime le romancier. «La France n’a pas accepté de libérer ses anciennes colonies», constate M. Diop qui estime que la Francophonie «est le nouveau nom de la mission civilisatrice de la France». A la pointe de ce mouvement, les medias français comme «Radio France internationale (Rfi), Tv5, le Monde Afrique, France 24», souligne le conférencier. Cette domination est aussi symbolisée par l’usage du franc Cfa. «Les compagnies françaises sont en train de mettre en coupe réglée notre économie», assène-t-il. Et cette mainmise française se fait avec la complicité de nos dirigeants. «Dans l’histoire du Sénégal, jamais les intérêts de la France n’ont été aussi bien servis que sous Macky Sall et au détriment des intérêts sénégalais.»
Il poursuivra en soutenant que c’est à cause de «la veulerie de nos élites qu’un pays en déclin a réussi à se refaire». Il indique que même les Présidents Chirac et Mitterrand avaient reconnus cela en déclarant que «sans l’Afrique, la France n’aurait pas d’histoire au 20e siècle et qu’elle serait une puissance moyenne».
Mais si cette œuvre de recolonisation a pu prospérer, c’est aussi parce que la France a utilisé la langue française et a même utilisé des «moyens colossaux» pour défendre cette langue. Pour faire face à cette lame de fond, le conférencier prône l’usage des langues nationales. L’auteur du roman en wolof «Doomi golo» estime que «la promotion des langues africaines est l’acte le plus révolutionnaire».
Devant des jeunes journalistes en formation à cette école, Boubacar Boris Diop invite à un maximum de vigilance devant «ces discours pernicieux de collaborateurs» qui prônent le pardon ou des valeurs humanistes. Pourtant, dit-il, il n’est point question de repli de soi. Mais bien d’une nécessaire déconstruction de certains discours. «Rien n’est plus universel que la négrophobie», souligne M. Diop qui estime que «la couleur de la peau existe. Ce n’est pas nous qui la faisons exister mais c’est le regard de l’autre». Après une introduction sur le thème, les discussions se sont souvent focalisées sur l’usage du français ou des langues locales.
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