La Galerie nationale d’art et la section sénégalaise de l’Association internationale des critiques d’art (Aica) ont tenu à Douta Seck une conférence sur la «Création artistique et marché de l’art : Entre indépendance et compromission». Animée par le collectionneur et critique d’art Sylvain Sankhalé, cette conférence a permis de définir la posture que doit avoir un vrai artiste.

Invité à débattre sur «Création artistique et marché de l’art : Entre indépendance et compromission», Sylvain Sankhalé estime que l’artiste a besoin de vivre et de se nourrir. Il a aussi besoin de reconnaissance. Ce qui nécessite parfois un tas de compromis. Partagé entre deux forces qui agissent sur lui et sur ses créations, (intérieure, qui répond aux réalités de son pays, et extérieure, qui répond aux réalités du marché international), l’artiste a donc souvent du mal à trouver un équilibre ou même à le garder. D’ailleurs, tout un tas d’écueils se dresse sur son chemin et l’empêche de le conquérir. Selon le conférencier, «il arrive que l’artiste-peintre connaisse en un moment du succès. Et c’est là justement où commencent les problèmes parce qu’il se demande s’il doit continuer à faire la même chose ou évoluer».
Partant de cette problématique, Sylvain Sankhalé note qu’il y a même des artistes qui, durant toute leur vie, n’ont peint que la même chose. «Ces artistes ne peuvent pas faire de rétrospective», confie-t-il. «Ils sont dans une routine et se stérilisent. A force de produire la même chose, il arrive à un moment qu’ils ne produisent même plus rien», poursuit-il. Pour éviter d’être enfermé dans un carcan, le critique d’art définit plusieurs pièges à éviter. Le premier ? Eviter de se singer soi-même. Le second ? Ne pas également vouloir à tout prix être à la mode. Cela ne veut pas dire par contre qu’il ne faille pas tenter autre chose. Bien sûr que non ! Aux yeux de l’avocat et critique d’art, il s’agit juste de rester fidèle à son style.
L’autre piège qui doit aussi être contourné, c’est d’être un artiste à la solde des politiques. «C’est-à-dire vouloir parler du Pse aujourd’hui, de l’émigration, des inondations parce que justement on en parle.» Selon Me Sankhalé, «l’artiste n’a pas à jouer à la transhumance. Même s’il est libre d’avoir ses propres convictions politiques, c’est une erreur qu’un artiste veuille lier sa carrière artistique à ses opinions politiques», considère-t-il. Etant donné que la carrière d’un politicien est éphémère et que celui d’un artiste dure tout une vie et survit même à l’artiste, l’auteur du roman A la mode du pays met en garde et soutient que celui qui fait de la politique risque de ne plus être artiste et de tomber dans l’oubli dès que le régime qu’il servait tombe. Il convient également pour l’artiste de ne pas créer juste pour répondre à une commande. Même s’il y a quelques exceptions à cette règle.
Pour déjouer les forces extérieures qui font qu’un artiste soit mieux connu à l’étranger que dans son propre pays, Sylvain Sankhalé préconise l’enracinement, mais il ne s’agit pas encore là de tomber dans le conformisme de la société qui veut dicter sa façon de voir et de penser à l’artiste pour lui dire voilà ce qu’il faut faire, voilà ce qu’il ne faut pas faire. «Ça aussi c’est un piège à éviter», insiste M. Sankhalé. Parce qu’à vouloir plaire à tout le monde, on finit par ne plus penser par soi-même. Pour garder l’équilibre dans sa création et se débarrasser de toutes les contraintes inhérentes à son métier, Sylvain Sankhalé conseille à l’artiste d’être «méfiant». Pour le collectionneur, il n’y a pas de recette miracle. Il appartient à l’artiste d’être authentique. C’est-à-dire d’être lui-même, de garder sa sensibilité, de maîtriser sa technique artistique et de la combiner au talent. «Il y a de bons artistes qui dépassent le temps et l’espace», juge-t-il. Mais faudrait-il encore pouvoir définir ce qu’est un bon artiste. «Le bon artiste, pour moi, ce n’est pas celui qui a plus vendu, ce n’est pas non plus celui qui a occupé le plus la Une des journaux, c’est celui-là qui, à la fin de sa vie, est heureux en tant qu’artiste», souligne l’avocat, rajoutant que «l’artiste est un coureur de fond, il doit aller au bout de sa trajectoire».
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