Il est devenu subitement de bon ton, pour la classe politique, d’évoquer, dans les interventions publiques, l’affaire de la fermeture des écoles du Groupe scolaire Yavuz Selim. C’est peut-être de bonne guerre que l’opposition se mette dans une posture de dénonciation de l’attitude du gouvernement et du régime du Président Macky Sall ! Certains responsables ont pris ces derniers jours leurs téléphones pour nous joindre et manifester une commisération. D’aucuns se sont même promis d’interpeller le gouvernement sur cette question à l’occasion des séances de l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen de la loi de finances 2018. Il est sans doute inutile de dire que nous avons été dubitatifs voire même révulsés. Où étaient ces personnes pendant tout le temps que la question de l’affaire Yavuz Selim a occupé l’actualité ? Depuis plus de deux ans, la perspective de la fermeture des écoles Yavuz Selim, à la demande du gouvernement turc, a été portée sur la place publique. Le 7 décembre 2016, le gouvernement du Sénégal avait franchi le Rubicon pour prendre une décision scellant le sort desdites écoles. Des procès, des marches, des conférences de presse, des émissions de radio et de télé et les colonnes des journaux ont été dédiés à cette affaire. Nul ne peut dire n’avoir pas été informé de cette situation. Les membres de l’Association des parents d’élèves, accompagnés des anciens élèves, des élèves eux-mêmes et de l’administration de l’école, ont eu à faire des visites domiciliaires pour expliquer à tous les leaders d’opinion les tenants et aboutissants de cette affaire. Des syndicats d’enseignants nous ont prêté main forte. Des organisations de la Société civile comme le Mouvement Y’ en a marre, par exemple ont eu à se joindre au combat de la défense des écoles Yavuz Selim, par des déclarations et des concerts de mobilisation des populations. Les différentes associations nationales de parents d’élèves se sont mobilisées pour apporter leur soutien. Des pétitions ont été lancées en faveur de ces écoles et ont eu à collecter des dizaines de milliers de signatures de citoyens sénégalais et de personnes étrangères, scandalisés par cette situation. Les anciens élèves et les parents d’élèves ont inondé les boites à courrier des députés à l’Assemblée nationale. Et comme s’ils s’étaient passé le mot, les hommes et femmes politiques se sont abstenus de se prononcer sur cette affaire. Pourtant, les hommes politiques ont habitué leur monde à se prononcer sur toute question qui fait la «Une» des médias. Cette fois-ci, tout le monde semble se trouver anesthésié ou interdit d’exprimer une position. Comble ! Durant toute la campagne électorale des élections législatives de juillet dernier, pas une seconde d’un temps antenne d’une quelconque liste parmi les 47 en compétition, n’a été consacrée à cette question. Nous avions reçu Ousmane Sonko du Mouvement «Pastef», au siège de l’école et qui affirmait être venu s’enquérir de la situation et qu’il déterminera une position en concertation avec ses alliés de l’opposition. Ousmane Sonko était venu, avait vu et entendu mais n’a pas encore jugé nécessaire de rendre public le soutien engagé qu’il nous avait apporté séance tenante.
La fermeture des écoles Yavuz Selim a fini donc d’être actée avec tout ce qu’il y a à constater comme perte d’emplois (quelque 498 travailleurs sénégalais), perturbations sur la scolarisation d’élèves et peine pour les parents d’élèves. Ces derniers mois ont été éprouvants pour les équipes du groupe scolaire, des parents d’élèves, des sympathisants et beaucoup de Sénégalais soucieux de l’éducation et du sort de l’enseignement d’excellence. Les manifestations de soutien et encouragements sont venus des foyers religieux chrétiens et musulmans du pays, d’opérateurs du secteur des affaires, de syndicats, d’auxiliaires de justice et d’agents de l’Etat de tous rangs. L’opinion publique sénégalaise a bien pu se faire une opinion claire sur les enjeux et les postures prises de chaque bord. La situation des écoles Yavuz Selim a entraîné une levée de boucliers. Maintenant que le vin est tiré, une récupération après coup d’acteurs politiques est en œuvre. La semaine dernière une déclaration de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl) a manifesté une préoccupation pour dénoncer le gouvernement. L’association des parents d’élèves n’a pu se retenir pour leur dire l’indécence de leur sortie. Le nouvel opposant Thierno Alassane Sall a fait cas du sort des écoles Yavuz Selim dans sa sortie politique du week-end dernier. Idrissa Seck du Parti Rewmi en a ajouté un couplet pour dénoncer que la Turquie détermine les positions du gouvernement de Macky Sall. Des responsables de partis politiques et des députés continuent de nous saisir pour promettre d’interpeller le gouvernement. Pourtant, l’occasion ne leur avait pas manqué pour le faire, depuis le 7 décembre 2016. Le plus burlesque est que de nombreux responsables politiques avaient encore leurs enfants inscrits dans ces écoles et certains s’étaient empressés de les retirer pour les inscrire ailleurs ; comme pour répondre à un appel lancé, bien après la rentrée des classes, par le ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam.
Le dossier des écoles Yavuz Selim a été zappé par bien des acteurs politiques. Après le 2 octobre 2017, quand la police a terminé d’envahir nos campus, le Grand parti de Malick Gakou a eu à s’insurger contre la fermeture des écoles et de l’image que cela renverrait pour le Sénégal. Les formations politiques sénégalaises ont préféré ne pas se mouiller dans un débat sur l’éducation. Qu’elles soient du pouvoir ou de l’opposition ! Que penser si un débat sur l’éducation et le sort de 3 000 élèves n’intéressent pas des entités dont l’une des vocations est de servir leurs concitoyens et d’appeler à la bonne marche d’un pays ? Si la défense et la promotion de l’éducation ne sont pas des enjeux dans un pays où plus de la moitié de la population est encore à l’école, une remise en cause des formations politiques dans leur mission même s’impose. Je veux encore refuser de croire que l’attitude de la classe politique s’explique par l’identité de certains acteurs de cette crise !
Il reste que faire de la situation des écoles Yavuz Selim, dont les plaies restent encore douloureuses, du bois mort pour nourrir un feu politique, est bien regrettable, d’autant plus que l’indifférence aux heures de braise était bien parlante. Libre à tout acteur politique de se faire sa place dans le débat public sur des questions avec des arguments qu’il pense légitimes. Toutefois, le fait d’observer une situation délétère, regarder un affaissement, constater des ruines pour ensuite venir proposer main forte semble bien embarrassant, pour ne pas dire hypocrite. La figure du médecin après la mort, fort détestable, a encore de beaux jours dans la sphère publique sénégalaise. Tout reste somme de calculs, équations d’intérêts et quête de moment opportun. Le pour et le contre sont pesés à la balance de l’opportunité d’une situation et de sa conversion en gain politique, au biais de déclarations-chocs ou de verbiage tragi-comiques. On connaissait reculer pour mieux sauter ; dorénavant il faut se dérober puis récupérer.
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Même si c’est hors sujet, il y a lieu aujourd’hui, pour ceux comme moi viennent d’apprendre la nouvelle, de féliciter du haut du cœur le Président de la République pour sa décision de confier l’aéroport LSS à l’armée. Merci Monsieur le Président, mille mercis. A l’armée nationale, aux armées alliées françaises ou américaines, peu importe en autant que c’est l’armée. Des hommes d’affaires qui ne rêvent que de foncier, jamais d’industrie, seront déçus. Leur peine nous laisse zen, convaincus que nous sommes, que s’ils pouvaient sortir le Président de la République du palais, il le ferait, pour construire en lieu et place des villas. Quant à ce chimérique centre d’affaires marocain, il serait devenu au bout de quelques années un grand bazar envahi par des hordes de mécaniciens, vendeurs de poissons et tabletiers. On vient de l’échapper belle !
De l’article de M.Diagne…
M. Diagne, on le devine est déçu et fâché, à juste titre d’ailleurs, du comportement des hommes politiques. Pourtant il devrait savoir par expérience, qu’il est dans la nature de ces derniers au Sénégal de manquer constamment le bateau. Que de chemin un opposant politique n’aurait-il parcouru en Occident avec un tel sujet, servi sur un plateau d’argent. Dans tous les pays démocratiques, l’opposition s’en serait donnée à cœur joie. Le problème de l’opposition au Sénégal, ce n’est pas le Président de la République, c’est sa propre turpitude et nullité. Grande gueule mais nulle et de nullité absolue comme disent les juristes.
Cela dit, tout en compatissant avec M.Diagne, on ne peut s’empêcher de dire ‘niaw !’. .Il y a de cela 2 mois, peut-être 3 mois, M. Semi Kéba était expulsé du Sénégal. Grand provocateur devant l’Eternel, gueulard, un naïf politique, M. Kéba irrite et indispose. Il est le genre d’invité qui décide de l’heure du repas, a la main dans le bol avant les hôtes et n’arrête de faire des remarques désobligeantes sur la qualité du poisson. Hôte encombrant, il est le genre à nourrir avec du mbouraké, histoire de le faire déguerpir au plus pressant. Pour autant, l’expulsion de M. Kéba aurait dû attendre la décision de la Cour d’appel auprès de qui le dossier était pendant. Dans un état de droit, titre que le Sénégal réclame et mérite amplement sur ce continent ou l’autoritarisme est la règle, le pouvoir exécutif attend que le droit soit dit avant de d’exercer ses prérogatives policières. En l’espèce la décision du Sénégal a été non pas un grain de sable mais un caillou dans la mécanique de l’État de droit. M. Séba n’était pas une menace terroriste. Ses diatribes comme son geste de brûler un billet de 5000frs n’avait aucun effet sur la valeur du CFA ou la confiance que les agents économiques lui accordent. Le maintien de l’État de droit exige, quelquefois à notre corps défendant, le maintien de la liberté de parole et de geste d’idiots et de provocateurs.
Le pêché de M. Diagne, c’est d’avoir été muet comme une carpe durant toute cette affaire. Il y a une leçon à retenir pour lui comme pour toutes les personnes que ne se lèvent pas pour défendre l’État de droit lorsqu’il est agressé : c’est juste une question de temps avant que vous en fassiez vous-même les frais. Il va de soi, pour toute personne éprise de justice et respectueux de la Justice, que dans l’affaire Yavuz Selim, l’État aurait dû attendre la décision de la Cour Suprême. Mais comme y avait un précédent qui est passé comme du beurre dans la poêle sans que personne ne s’en indigne, pourquoi se gêner… Comme disent les anglo-saxons, what is good for the goose is good for the gander… Cela dit, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée triste pour tous ces enfants dont on a brisé le cœur. Changer d’école, quand on y a développé des attaches, des amitiés et complicités, c’est aussi pénible que de changer de quartier pour les adultes. Merci Monsieur Erdogan.. mais on devine que vous vous en foutez.
Les gens se sont tu non pas par manque de sensibilité et de solidarité à l’égard des élèves et des enseignants, mais par dépit pour ta personne et les mauvaises valeurs que tu incarnes. En effet, tu te permets, à longueur de semaines, d’utiliser ta plume vitriolée contre d’honnêtes citoyens dont le seul tord est d’être des critiques du pouvoir. Tu as rendu un mauvais service aux personnes qui luttaient contre la fermeture en te maintenant à la tête du combat croyant, naïvement, que ton ami Macky Sall te ferait un retour d’ascenseur. Nous connaissons mieux et avant toi Macky Sall. Face à ses intérêts, il est prêt à tout. Son parcours et de serviteur zélé d’Idy puis de Wade le démontre. Toi, avec tes « diambaleries » que tu n’as eu que ce tu mérites. Pauvure type !
Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas nationalisé le groupe Yavuz Selim ? Pour gérer l’affaire comme un PPP confiée à une société de gestion de patrimoine constitué des privés nationaux et de l’Etat. Comme une nouvelle forme d’offre éducative dans un partenariat collectivités locales-public…
Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas nationalisé le groupe ? Pour la gérer comme un PPP confié à une société de gestion de patrimoine constitué des privés nationaux et de l’Etat.