«Un journal est libre de prendre qui il veut. Mais, ce choix de Bachir Fofana pour animer une chronique me gêne beaucoup. Déjà que le propriétaire de l’entreprise utilise son journal pour régler des comptes purement politiques (sic). Et maintenant, il fait appel à quelqu’un qui s’est ouvertement déclaré opposant de par sa posture et ses déclarations. En témoigne sa première chronique. Et certains s’étonnent de voir des politiciens attaquer la presse. Je plains mes confrères du Quotidien pour qui j’ai un profond respect. Des journalistes dont l’intégrité et la probité ne souffrent d’aucun doute à mes yeux. Je sais combien la situation peut être gênante pour eux.»
A cette réflexion, j’ai failli rappeler à mon confrère Wahany Johnson Sambou le b.a.-ba de ce qu’est une chronique. Lui rappeler pourquoi c’est seulement maintenant que ce débat est posé. Pourquoi un tel débat n’avait-il pas lieu quand Pape Alé Niang, Serigne Saliou Guèye, Mamadou Oumar Ndiaye, Momar Diongue (aujourd’hui récompensés avec des sucettes)… mettaient leurs plumes, voix et organes au service de Pastef ?
S’aligner selon leurs humeurs (du moment)
Mais je me suis ravisé car comprenant que beaucoup de personnes restent dans un semblant de confort et ont décidé de crier avec les loups. Oui, c’est plus qu’une facilité aujourd’hui, dans ce Sénégal où la pensée unique semble être la règle, d’être avec la meute, de répéter ce que le monde dit, d’être dans le bien-pensant, sans donner son avis personnel, pour ne pas se faire mal voir. Car pour bien se faire voir dans ce Sénégal, on accepte de dire ce qu’ils veulent entendre, au moment où ils le veulent et comment ils le veulent. En somme, c’est la fameuse théorie de George Bush Junior dans sa fameuse guerre contre le terrorisme : «Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes forcément contre nous.»
Manam, en wolof simple, s’ils disent «weex na», tu dois dire «tall». Quand ils disent «ñuul na», tu dois dire «kuk» ! Et s’ils disent «xonk na», tu dois te dépêcher de dire «curr» ! Certains même ont le toupet de voir du blanc et s’échiner à vouloir vous dire que c’est du rouge, et que tu te dois de l’accepter ! Ils en sont aujourd’hui à adouber ce qu’ils avaient détesté hier, et tu dois faire comme eux ! Les arrestations d’hier étaient arbitraires et une grosse entrave à la liberté d’expression et à la démocratie. Aujourd’hui, la traque contre des journalistes et acteurs politiques est de l’ordre du normal. Ousmane Sonko a le droit de dire que Macky Sall a menti sur les chiffres, mais Bougane Guèye Dany, lui, n’a pas le droit de dire que le Premier ministre n’a pas dit la vérité ! L’arrestation puis la libération, sans poursuites, de Bougane, Cheikh Yérim Seck et Kader Dia ont le mérite de montrer la frilosité du pouvoir face aux critiques. Comme le rappelle Thierno Alassane Sall, «on ne peut vouloir exporter la démocratie et la liberté d’expression dans l’espace Cedeao tout en traquant sans répit chroniqueurs, journalistes et hommes politiques dans son propre pays».
Lire la chronique – Ousmane Sonko n’aime pas le Sénégal
Ainsi, ceux qui exigent de vous voir vous aligner sur leurs humeurs (du moment) oublient que dans une démocratie, chacun devrait avoir le droit et surtout la liberté de définir son agenda, son corpus politique, ses combats, sa ligne politique de manière générale. Comme disait l’autre, «je ne suis pas d’accord avec toi, mais je me battrai pour que tu aies le droit de le dire» ! Et si chacun faisait ce qu’il juge non seulement nécessaire de faire et laissait le loisir à tout un chacun de choisir sa forme de contribution dans le débat public, nous ne nous en porterions que mieux !
Il n’y a aucun courage à dire la vérité
A la réflexion de Wahany, j’oppose ce message de Astou Mimi depuis Londres : «Cher Bachir. Je tenais à vous faire part de tout mon soutien et de mon admiration face à votre courage et votre détermination dans un contexte si difficile. Ce que vous traversez est profondément injuste, mais il est important de vous rappeler que votre voix, votre plume et votre engagement sont essentiels non seulement pour le Sénégal, mais aussi pour la liberté de la presse et la vérité. Les périodes sombres finissent toujours par s’estomper, et ceux qui se battent pour la vérité laissent une empreinte durable. Ne laissez jamais la peur ou la répression éteindre cette flamme qui vous anime. Votre force réside dans votre capacité à continuer à informer, malgré les menaces. Le monde vous regarde, et même si le chemin est parsemé d’obstacles, sachez que votre travail inspire d’autres à se lever, à résister et à revendiquer la justice. Restez fort, prenez soin de vous, et n’oubliez pas que vous n’êtes pas seul dans ce combat. Vos efforts ne sont pas vains. Courage, ami. La vérité triomphera toujours. Avec tout mon respect et mon soutien.»
Chère Astou, je ne vais pas faire du Mougne, Maandou, Moytou (MMM) et rester loin du débat public, comme beaucoup me le suggèrent. Je ne suis ni téméraire ni suicidaire, et il n’y a aucun courage à dire la vérité. C’est de l’ordre normal de l’humain. En effet, la liberté d’expression, c’est-à-dire le droit d’exprimer librement ses opinions, fait partie des libertés fondamentales, piliers de notre démocratie. Sa garantie et son respect favorisent l’émergence d’une société ouverte, tolérante et respectueuse de l’Etat de Droit. La démocratie ne peut exister sans des citoyens informés. Vouloir museler la presse et les hommes politiques n’est rien d’autre que l’expression de la peur de ceux qui sont au pouvoir. Les journalistes ne doivent pas craindre le pouvoir et sa machine répressive. Ils doivent résister et poursuivre leur mission d’éveil des consciences, quel qu’en soit le prix. Un pouvoir qui s’en prend à la presse révèle ses faiblesses et son insécurité.
Les Sénégalais attentent des tenants du pouvoir des solutions ; mais là, ils créent des problèmes aux solutions existantes. C’est ça le malheur de confier ce pays à des stagiaires qui n’ont ni démarche cohérente ni vision claire sur les inondations (mbëd mi), l’émigration irrégulière (mbëk mi), et qui refusent de solder le passif du mbëss mi (affaire Adji Sarr) pour une réconciliation nationale parfaite. «Les autorités devraient plutôt avoir comme priorité, la garde à vue du «marché sous pression». Il ne faut pas se faire dépasser par les critiques et la situation difficile. Les Sénégalais doivent être rassurés.» Ce rappel de Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, arrive à son heure. Sans compter l’autre rappel sur la reddition des comptes qui s’est transformée en règlement de comptes politiques. «La trajectoire prise par l’initiative de reddition des comptes n’est pas bonne. La Justice a besoin de temps pour faire son travail et le faire bien, surtout en matière de criminalité économique et financière. La partialité neutralise la reddition des comptes.» Le Jub, Jubal, Jubanti tant vanté est en phase de se transformer en Juum, Jaawale, Jommi, et il est temps de faire demi-tour le 17 novembre.
En témoigne la baisse du chiffre d’affaires dans les activités de commerce et de services au mois de juin dernier, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) ; en espérant que demain l’on ne verra pas le Premier ministre convoquer une conférence de presse pour nous dire que ce sont de faux chiffres. Pour le chiffre d’affaires du commerce, l’indice reflète une chute de 9, 6% au mois de juin 2024. Le recul du chiffre d’affaires des services est dû à la diminution de celui-ci dans les secteurs de l’«Hébergement et Restauration» (-25, 9%), du «Transport» (-12, 8%), des «Activités artistiques, culturelles, sportives et récréatives» (-12, 2%). L’économie, c’est la confiance, et ce pouvoir n’inspire pas confiance.
Post-Scriptum :
Merci au coach Aliou Cissé pour ce parcours fort élogieux à la tête de l’Equipe nationale pendant près de 10 ans. L’histoire retiendra que Cissé est le meilleur coach de l’histoire du Sénégal : 103 matchs, 67 victoires, 23 nuls et 13 défaites (5 officiels). En termes de palmarès, aucun autre sélectionneur n’a fait aussi bien que lui : champion d’Afrique, vice-champion et deux fois qualifié pour le Mondial. Et il méritait un meilleur départ que de cette légère justification aussi bancale que la «régression de notre Equipe nationale au classement Fifa et le risque de désaffection entre notre sélection nationale et les Sénégalais en général».
Par Bachir FOFANA