L’opération de distribution des denrées alimentaires a mis Mansour Faye sur les routes sénégalaises où les joies se mêlent aussi aux contestations. Mais cette campagne risque de créer des conflits à l’avenir si le Rnu n’est pas apuré et remis à jour.

La distribution des denrées alimentaires est escortée par des grincements de dents. Au-delà des lenteurs qui exaspèrent certaines populations, il y a le débat sur la fiabilité du Registre national unique (Rnu), constituant la base de l’allocation des denrées. De Kolda à Vélingara, en passant par Fatick, on entend les réclamations des chefs de famille qui dénoncent un recensement inique.
Il faut savoir que le Rnu comptait plus de 588 mille ménages. Alors que le Président Sall avait décidé d’offrir la solidarité de l’Etat à 1,1 million de ménages vulnérables et surtout impacté par la pandémie du Covid-19. Il a fallu procéder à un rajout pour toucher un maximum de personnes. Et la tâche a été confiée aux comités de quartier, imams, élus qui ont mis en place des commissions de ciblage et sous-commissions de ciblage sous la supervision des autorités administratives qui ont paré aux plus pressés en intégrant de nouvelles cibles. Cela n’a pas éteint les suspicions de copinage.
Aujourd’hui, plus 411 mille ménages ont été intégrés dans le Rnu qui risque de créer des dysfonctionnements à l’avenir, car il y a des bénéficiaires de l’aide qui ne sont pas forcément des sujets vulnérables. «Il faut être très vigilent parce qu’il y a eu des fonctionnaires, des salariés qui ont bénéficié de cette aide. Tous ces gens risquent de se retrouver dans le Rnu si on se base sur ces nouvelles données», alerte un agent qui fait partie du circuit de distribution de l’aide alimentaire. Jeudi, le président du Comité de suivi du Force-Covid-19 avançait qu’il «y a un registre unique qu’il faut quand même stabiliser parce qu’il n’est pas fiable. S’il n’est pas fiable, il faut le dépoussiérer. Il y a des doublons, des gens décédés qui y sont toujours sur les listes. Il y a des omissions, des exclusions. Et ce registre est fiable à 93%. C’est un registre qui date de 2013 (Sic). Depuis, il y a eu beaucoup d’évolution. Tous les gens qui sont sur la liste d’extension devraient recevoir leurs kits». Alors que le ministre du Développement communautaire saluait au début de cette «opération délicate» l’audit du fichier qui a mis à nu «doublons, redondances et transferts de ménage». Où se trouve la vérité ?
Il faut savoir que les «processus de sélection et d’enregistrement des ménages dans le registre unique combinent plusieurs phases : le ciblage géographique, le ciblage communautaire et la vérification de la vulnérabilité des ménages par une enquête exécutée par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) et un scoring pour confirmer la vulnérabilité des ménages mis en avant par les communautés».
D’après l’Ansd, ce sont les données du Programme national des bourses de sécurité familiale (Pnsb), qui enregistrait déjà les informations de ses bénéficiaires depuis 2013 (300 mille ménages), qui ont servi de base au registre national sur lequel se basent les politiques adressées aux populations à faible revenu et aux groupes vulnérables ; d’où l’initiation de cette enquête en 2013. Selon elle, la crédibilité et la transparence de l’approche est garantie par un scoring (score obtenu à partir des données quantitatives et qualitatives disponibles) permettant de classer les individus statistiques par ordre objectif de vulnérabilité.
Aujourd’hui, cette opération de distribution de l’aide alimentaire risque de provoquer des conflits sociaux à l’avenir si de nouvelles campagnes de pré-identification, d’enquêtes, d’apurement et de fusion des données ne sont pas effectuées.