Il y a eu hier un putsch rapidement déjoué à Cotonou, à un peu plus de 6 mois de la Présidentielle à laquelle ne participera pas le Président Talon. Mais, le coup d’Etat avorté au Bénin est un miroir de la crise de gouvernance qui touche l’Afrique de l’Ouest dont la stabilité future dépendra de la capacité des gouvernements à prouver que les institutions civiles peuvent répondre efficacement et de manière inclusive aux défis des pays pour continuer à entretenir l’immunité contre les revers militaires. 

Par B. SAKHO – La République du Bénin, traditionnellement considérée comme un bastion de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, a été secouée, ce dimanche, par une tentative de coup d’Etat militaire qui a été rapidement «mise en échec» par les Forces armées loyalistes, selon le gouvernement. L’événement s’est déroulé tôt le matin, lorsque des militaires rebelles ont pris le contrôle de la Télévision nationale (Ortb) pour annoncer la «démission forcée» du Président Patrice Talon et la suspension de la Constitution.

Une tentative rapidement maîtrisée
C’est un groupe d’hommes en uniforme, se présentant comme le «Comité militaire pour la refondation» et dirigé par le Lieutenant-colonel Pascal Tigri, qui a diffusé une déclaration annonçant la prise du pouvoir. Les putschistes ont justifié leur action par la «dégradation continue de la situation sécuritaire au Nord du Bénin» et la «négligence envers les soldats tombés au front». Très rapidement, des sources militaires proches du pouvoir ont affirmé que le coup de force était l’œuvre d’un «groupuscule» isolé et que l’Armée régulière reprenait le contrôle total de la situation. Le ministre de l’Intérieur, Alassane Seidou, a déclaré que la tentative avait été contrecarrée vers 11h 09.

Des tirs ont été signalés près de la plage, et la zone autour du Palais présidentiel à Cotonou a été bouclée par des soldats loyalistes et des chars. Cependant, la capitale économique est restée globalement calme, les habitants vaquant à leurs occupations habituelles. L’entourage présidentiel a assuré que Patrice Talon, bien que présent à Cotonou au moment de l’assaut présumé contre sa résidence, a été mis en sécurité. Le gouvernement a confirmé le contrôle de l’ensemble du pays.

Cet épisode intervient dans un contexte politique délicat et une situation sécuritaire régionale tendue. Le coup d’Etat manqué survient à quelques mois de l’élection présidentielle d’avril 2026, à laquelle le Président Patrice Talon a déclaré ne pas être candidat. Néanmoins, son mandat est marqué par des critiques de l’opposition dénonçant un verrouillage de l’espace politique.
Le Bénin, comme ses voisins côtiers, est confronté à une propagation des violences des Groupes armés non étatiques (Gane) dans sa région septentrionale, frontalière du Burkina Faso et du Niger. Les griefs des putschistes concernant l’insécurité au Nord trouvent un écho dans les préoccupations nationales.

Le syndrome ouest-africain
La tentative de putsch au Bénin s’inscrit dans une série de coups d’Etat réussis (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée, Guinée-Bissau) qui ont affaibli l’ordre constitutionnel dans la sous-région, montrant que même les démocraties réputées stables ne sont plus à l’abri.

L’événement a suscité une vague immédiate de condamnations de la part de la Communauté internationale. Le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Yousouf, a condamné «fermement et sans équivoque la tentative de coup d’Etat militaire», la qualifiant de «subversion de la volonté du Peuple béninois». La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a également fermement dénoncé cette action anticonstitutionnelle et a même brandi la menace de déployer une force régionale pour garantir le rétablissement complet de l’ordre constitutionnel.

Pour l’heure, l’Armée béninoise est engagée dans une phase de «nettoyage» pour neutraliser les derniers mutins dont plusieurs auraient déjà été arrêtés. Si le calme semble revenu, des questions cruciales sur les divisions internes de l’Armée et l’avenir politique du pays avant 2026 restent ouvertes.
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