Coutume – Groupes d’âge au Fouta : Les «féddé» redynamisés lors des fêtes de Korité et de Tabaski

Une persistante coutume du Fouta a résisté au temps et même à la distance, pour continuer à être célébrée jusqu’à nos jours.Par Demba NIANG
– Les temps modernes ont emporté plusieurs habitudes et coutumes du Fouta, mais il y en a qui résistent. Parmi ces dernières, le «féddé» qui, en tant qu’ensemble et sous-ensemble, fait mieux que résister à l’évolution des mœurs, car il se redynamise en tout temps. Les sous-ensembles et groupes d’âge sont très actifs lors des fêtes religieuses musulmanes. Ils sont le reflet de l’organisation sociale du Fouta, et le groupe d’âge est féminin ou masculin. Le «féddé» commence dès le bas âge, entre 4 et 5 ans, pour toute la vie.
Le «féddé», au sens large du terme, désigne une association ou organisation communautaire. Ce grand ensemble regroupe plusieurs sous-ensembles appelés aussi «féddé». Comme groupe d’âge, le «féddé» est aussi fonctionnel et vivant que les associations villageoises de quartier ou autres. Lors des fêtes de Tabaski et de Korité, les «féddé» sont visibles et très actifs.
Le «féddé» lors des fêtes de Korité et de Tabaski
Une semaine avant la fête, les cotisations sont fixées et versées chez le chef de groupe (en général le plus âgé) et le rassemblement des membres commence le jour de la fête jusqu’au sixième jour après. Tous ces jours, le déjeuner est pris ensemble, avec des activités programmées grâce aux cotisations. Du jour de la fête jusqu’au sixième jour après, chaque membre de la famille (garçon, fille, adulte homme, femme) est tributaire de son «lahal» (plat) qu’il amène au lieu des retrouvailles, chez le membre qui est de tour pour la réception.
Le «féddé» ou groupe d’âge lors des fêtes (anciens et actuels)
Le «féddé» a traversé les siècles et les âges au Fouta. On trouve même des personnes du troisième âge qui vivent leur «féddé». Celui-ci se vit et se remarque à travers les rapports et discussions qu’entretiennent certains, mais surtout lors des cérémonies et des fêtes religieuses comme la Korité et la Tabaski. Autrefois, le groupe d’âge passait plus de temps ensemble lors des fêtes. Moussa, un septuagénaire, raconte : «Le jour et une semaine après, on est en groupe toute la journée et on passe la nuit ensemble, chacun retournant chez lui le temps de se changer.» Il ajoute : «Nous l’avons fait jusqu’à l’âge de vingt ans.» La dame Thilo Fall déclare : «Autrefois, lors de la fête avec notre ‘’féddé’’, on se retrouvait chaque jour à l’heure du repas que nous partageons ensemble, jusqu’à 23 heures. Ensuite, tout le monde retourne chez lui pour dormir. Après le repas, on se promène dans les rues du village et à la tombée de la nuit, on revient chez l’hôte du groupe pour boire du thé et du lait. Et c’est le dernier jour que l’on prépare le festin d’adieu la nuit.»
Malgré leur âge avancé, ces personnes, ainsi que leurs enfants et petits-enfants, d’autres comme eux, continuent de célébrer la fête en groupes d’âge, mais en réduisant le temps de passage. Si les hommes très âgés passent seulement la fête le jour j, les femmes respectent la règle des jours après la fête, malgré leurs charges familiales.
Des personnes de même groupe, à la recherche de travail à l’intérieur du pays ou à Dakar et à l’extérieur, se retrouvent le jour de la fête, malgré la distance de leur quartier de résidence. Ousmane Sow, revenu définitivement à Méry depuis des années après un long séjour à Dakar, indique que le peu de membres de son «féddé» se retrouvent chez un parent le jour de la Tabaski. L’homme âgé de 54 ans se remémore : «Entre 1986 et 1990, notre ‘’féddé’’ n’avait que 5 membres dispersés dans Dakar, mais on se retrouvait le jour de la fête après le repas jusqu’au lendemain. On en profitait pour la noce.» Il ajoute : «Quelques années après, 6 autres sont venus du Fouta et le groupe d’âge s’est agrandi à Dakar. Et avec les cotisations mensuelles, on passait les soirées de Tabaski au stade Amadou Barry, au concert de Baba Maal.»
Au Fouta, les regroupements des membres de «féddé» sont aussi une affaire des jeunes et des moins jeunes (filles et garçons) et très actuels. Les anciens continuent de dire qu’à leur temps le groupe d’âge était plus dynamique, surtout à l’occasion des fêtes musulmanes. Les «féddé» actuels concernent la tranche d’âge entre 5 et 15 ans. Depuis quelques années, c’est cette tranche d’âge qui maintient la dynamique de regroupement de «féddé» au moment où les plus âgés ont choisi le copinage pour célébrer les fêtes.
Leurs étrennes, ajoutées aux cotisations, permettent aux «féddé» de faire la fête plus de cinq jours après le jour de la fête. Les après-midi, après le rappel des troupes, les «pellé» (pluriel de féddé) se suivent dans leur promenade. La nouvelle tendance est que les membres d’un même «féddé» s’habillent d’un même tissu et modèle pour les deux jours suivant la Tabaski et la Korité. Les filles d’un tissu et couture communs et les garçons des maillots d’un club. A la différence des anciens qui passaient la nuit ensemble, les générations de «féddé» actuels sont ensemble quelques heures (entre 14 heures et 21 heures).
Correspondant