Quel qu’en soit le motif, c’est inacceptable dans un Etat de droit de voir des policier violenter des civils. C’est l’avis de Alioune Guèye, Professeur en Droit public, qui était chargé de cours à l’université de Montréal. Dans un document, le spécialiste en Droit public renseigne que l’usage de cette violence par les Forces de l’ordre est contraire aux engagements internationaux du Sénégal. Il appelle ainsi les autorités à y mettre fin.
Des citoyens qui ont subi la foudre des Forces de l’ordre au premier jour du couvre-feu au Sénégal : telles sont les images partagées fortement sur les réseaux sociaux mardi. Des images qui ont ému et provoqué la colère de beaucoup de Sénégalais qui soutiennent que d’autres moyens peuvent être utilisés pour punir les contrevenants aux mesures prises par les autorités. Dans un document, le Pr de Droit public, Alioune Guèye, juge que «les images montrant des policiers qui frappent des civils dans les rues de Dakar sont inacceptables dans un Etat de droit, quel qu’en soit le motif». D’après le Pr Guèye, «ces images qui résulteraient du couvre-feu dans la nuit du 24 au 25 février 2020, sont, en tout état de cause, contraires aux engagements internationaux de l’Etat du Sénégal». Cet ancien Professeur, chargé de cours en Droit public à l’Université de Montréal (Canada), estime que «dès aujourd’hui, le président de la République Macky Sall et son ministre de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, ont l’obligation de rappeler à l’ordre les Forces de l’ordre ayant commis de tels agissements». Se fondant sur les traités internationaux que le Sénégal a ratifiés, Pr Guèye explique que «ces actes sont qualifiés de «tortures», de «traitements inhumains, cruels et dégradants» ». Ces derniers, ajoute-t-il, «constituent des crimes contre l’humanité au regard de l’article 7 du statut de la Cour pénale internationale (Cpi)». Analysant la situation, il déclare que «l’Etat du Sénégal commettrait donc une erreur grossière s’il croise les bras face aux coups portés par les policiers à l’encontre des civils qui, sur les images, n’ont manifesté aucune résistance à l’endroit des Forces de l’ordre». Se basant sur les textes, le Professeur en Droit public renseigne que «d’ailleurs, la loi n°69/29 du 29 avril 1969, ne permet aux Forces de l’ordre de faire usage de leurs armes que dans des cas strictement délimités à l’article 19 de ladite loi». M. Guèye attire même l’attention du gouvernement sur les sanctions pouvant découler de ces actes contre l’Etat du Sénégal. «Ces actes ne sont pas anodins, et peuvent, s’ils ne sont pas immédiatement interrompus, conduire plus tard, à des sanctions des personnes et autorités responsables devant les juridictions pénales internationales», a-t-il dit.
«L’Etat d’urgence n’est pas du tout synonyme de la
«fin du droit»…»
Par ailleurs, il rappelle dans son document que «l’article 5 de la Charte africaine des droits de l’Homme du 27 juin 1981, interdit totalement la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants envers les personnes». Il souligne qu’il en est de même de «l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques». Au regard des explications de ce Professeur, l’Etat d’urgence, décrété par le président de la République à cause de la pandémie du Covid 19, ne doit pas « faire oublier aux autorités étatiques leurs engagements internationaux». Pour le Pr Guèye, «si l’Etat d’urgence se traduit en droit interne par un recul de la légalité et l’admission d’une légalité d’exception, cela n’est pas du tout synonyme de la «fin du droit», et encore moins, de la «fin de l’Etat de droit», notamment au regard des engagements internationaux de l’Etat». Il estime que «s’il y a des personnes qui sont dehors pendant le couvre-feu : les forces de l’ordre ont tout à fait le droit de transporter sans violence ces personnes au poste de police, pour les remettre ensuite aux mains de la justice». Selon ce spécialiste du droit, les choses sont claires : «Il n’existe pas, tant en droit qu’en fait, «d’autorisation de torturer» des citoyens fautifs dans un Etat de droit, y compris lorsque l’Etat d’urgence est décrété.»