Covid-19 Forcée à la diète : L’Ams demande la rémunération sur copie privée

Très fortement affectés par la pandémie de coronavirus qui sévit, les artistes sénégalais devront faire avec une forte baisse des revenus tirés des droits d’auteur. Pour le président de l’Association des métiers de la musique (Ams) Daniel Gomes, l’Etat doit accélérer la mise en œuvre de la rémunération sur copie privée.
Pour enrayer la propagation de la pandémie de coronavirus, l’Etat du Sénégal a pris la décision d’interdire tous les rassemblements. Cette mesure a eu pour conséquence la fermeture de certains lieux de loisir tels que les boîtes de nuit, les cabarets et autres lieux de concert. Les musiciens sont de ce fait très fortement touchés par ces mesures. Selon le directeur général de la Société nationale des droits d’auteur et droits voisins (Sodav), Aly Bathily, qui s’est confié à l’Agence de presse sénégalaise (Aps), la société «s’attend à une baisse de 60% de ses perceptions annuelles sur les droits d’auteur». «La fermeture des salles de spectacle et l’annulation des prestations en direct des artistes touchent plus de 60% des perceptions des droits généraux de la Sodav, une bonne partie de notre portefeuille. Même les droits numériques seront affectés par la baisse du pouvoir d’achat des populations», a déclaré M. Bathily. Daniel Gomes a la tête de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (Ams) qui regroupe près de 3 000 membres. Joint par téléphone, il estime que la situation des artistes est des plus préoccupantes. «Les artistes savent qu’ils vont avoir une baisse de revenus sur tous les plans. Que ça soit en matière de droits d’auteur ou de revenus sur les prestations. Il est clair que si nous ne jouons pas, les gens n’organisent pas. S’ils n’organisent pas, ils ne paient pas, pas tous en tout cas.» Une situation qui vient accentuer la précarité dans ce secteur. «On a toujours su que le secteur culturel, et le secteur de la musique en particulier, est très vulnérable et sans filet de protection. Pas de cotisation sociale, pas d’allocation familiale, pas de retraite, pas d’accès au crédit, à la banque ou ailleurs, pas de Fonds de garantie», concède M. Gomes qui explique qu’une réflexion était tout de même en cours. «On était en train de travailler sur toutes ces questions qui devaient normalement aboutir au mois de mars dernier, mais malheureusement le Covid-19 est passé par-là.» Pour l’heure, il s’agit de mesurer avec exactitude le degré de vulnérabilité des artistes. A cet effet, un questionnaire a été mis en ligne pour permettre à l’Ams de recueillir des informations plus précises. «Il y a un formulaire qui est en train de circuler pour évaluer plus ou moins, pour ceux qui se sont formalisés, les pertes. D’ici la semaine prochaine, on devrait avoir des chiffres.» Pour rappel, en 2018, la Sodav avait perçu 807 millions 906 mille 866 francs Cfa au titre des droits d’auteur.
Une lueur d’espoir
Dans sa discussion avec l’Aps, le directeur de la Sodav émet l’idée que la rémunération sur les copies privées puisse être une lueur d’espoir. Pour M. Gomes, c’est même plus que cela. «Ce n’est pas une idée, c’est la loi. La loi a instauré une rémunération pour copie privée et tout le travail a été fait. La commission a déjà rendu ses conclusions et il appartient à l’Etat de prendre les dispositions pour que la douane commence à percevoir ces taxes et les reverse à la Sodav.» Il faut savoir que cette forme de rémunération est en quelque sorte une compensation pour les artistes dont les œuvres sont les premières à souffrir à travers l’usage de certains supports destinés à l’enregistrement. «La rémunération sur copie privée est celle qui est due sur tous les appareils et supports de musique qui entrent dans le pays. C’est une taxe payée par les commerçants et versée au niveau de la douane pour le préjudice qui est subie sur les enregistrements qui sont faits et les appareils tels que le téléphone portable, les disques durs et les clés Usb et qui font que les artistes ne peuvent plus vendre leurs supports qui sont copiés un peu partout. A ce moment, pour compenser cette perte, la loi instaure une rémunération sur copie privée. Nous attendons juste que l’Etat joue son rôle et valide le travail qui a déjà été fait», explique Daniel Gomes. Autre lueur d’espoir pour les artistes, les ressources mobilisées par l’Etat dans le cadre de Force Covid-19. «C’est l’Etat qui a fait la promesse de mettre en place des fonds spécifiques pour des secteurs comme le tourisme et la culture. On n’a aucune raison de douter. Maintenant, à quelle hauteur, les modalités etc., c’est une autre question qui devrait être débattue dans le cadre de discussions concertées», souligne M. Gomes.