Le court métrage Mbas mi (La pandémie en wolof), est une relecture cinématographique du roman La Peste de l’écrivain français Albert Camus et vise à réfléchir sur la pandémie de la maladie à coronavirus, a déclaré son réalisateur Joseph Gaï Ramaka, dans un entretien avec l’Aps.

«Le temps qui nous incombe aujourd’hui, c’est de faire face à ce mal. Faire en sorte que les gens se concentrent sur ce qui est important, à savoir faire reculer ce mal en me référant à ce vieux texte de Albert Camus qui dit des choses valables aujourd’hui», a-t-il expliqué. A travers la version wolof de ce film de huit minutes, le réalisateur sénégalais tente de comprendre ce fléau qu’est la pandémie de la maladie à coronavirus, en évoquant des extraits de ce chef d’œuvre de Albert Camus publié en 1947. Selon lui, il s’agit de jeter un regard sur le passé, pour voir comment l’humanité a fait face aux calamités afin d’essayer de comprendre ce qui se passe actuellement.
Le cinéaste suit une voix incantatoire qui erre dans le crépuscule sur l’île mémoire de Gorée parmi les allées parsemées d’hommes-lanternes aux cimes des baobabs-sentinelles, sur l’océan houleux en se souvenant de La peste. Dans cette version wolof de Mbas mi, Mamadou Ba Goo, un artiste «engagé dans les mouvements citoyens et culturels», a prêté sa voix pour faire revivre ce livre incontournable. L’acteur ivoirien, Sidiki Bakaba, qui se définit comme «un panafricaniste, Sénégalais quelque part», a pour sa part porté la version française, dont la sortie est prévue pour bientôt, selon le réalisateur. Le cinéaste qui croit beaucoup à l’interprétation des signes, a livré ainsi son ressenti et posé son regard sur une mer déchaînée. «Cet empire de signes ouvert comme un livre» où il a essayé de comprendre ce fléau planétaire. Il a invité à la sérénité pour se mettre à la hauteur de ce «mauvais rêve», afin de mieux le comprendre et aussi être à la hauteur de la réponse à apporter.  «On dit souvent Qui sème le vent récolte la tempête. Je pense qu’on vit un peu la conséquence de la mauvaise manière dont l’humanité a géré la planète. Il faut réfléchir par la suite et voir s’il n’y avait pas la possibilité de se comporter autrement dans l’univers dans lequel on n’est pas seul», tente-t-il d’analyser.
Joe Gaï Ramaka s’est dit très affecté et profondément «secoué» par cette situation du monde créée par la crise sanitaire liée au Covid-19. «Au début, quand je voyais le nombre de morts, je me disais c’est un, deux voire trois Joola», a-t-il dit, en référence au naufrage du ferry qui assurait la navette entre Dakar et Ziguinchor (Sud). Un drame qui a fait 1863 morts et disparus pour seulement 65 rescapés, selon un bilan officiel. Il déclare que «le Joola était devenu une sorte de poids de mesure par lequel» il lisait le monde et les nouvelles qui lui parvenaient. «Cela m’a traumatisé, car j’ai perdu des amis, parents dans le Joola», a confié le réalisateur du film Et si Latif avait raison ! (2005). «Là, il y a tellement de morts, on dit cent, deux cent, deux mille, etc., c’est énorme. Des centaines de personnes qui meurent comme cela parce qu’ils ont respiré quelque chose, c’est fou», s’est étonné Joe Gaï Ramaka à propos de la pandémie de coronavirus. «Des vies partent, des rêves et des bonheurs possibles s’effacent pour la personne qui part et pour ceux qui restent avec qui il aurait pu partager des moments de bonheur. C’est vrai qu’humainement parlant, je me sens très secoué par cette situation. C’est peut-être cela qui fait que mes réflexions se sont réorientées vers ces questions et que j’ai fait ce film», a-t-il ajouté. Le réalisateur sénégalais, qui apporte ainsi sa contribution sur la situation actuelle, avait déjà sorti il y quelques semaines, un autre court métrage sur la gestion du couvre-feu à Gorée, son lieu de résidence. Il a réalisé de nombreux films dont le plus célèbre est Karmen (2001), une œuvre sur les tribulations d’une femme dont la passion ravageuse ne laisse aucun homme indifférent. Il a initié en 2015, le festival Gorée cinéma, pour la promotion du 7e art sur l’île mémoire.