Avec l’arrivée des doses Johnson & Johnson, il y a une ruée vers les points de vaccination contre le Covid-19. Alors que la troisième vague continue de faire des ravages.Par Bocar SAKHO –

Abdou ne croit pas à l’existence du Covid-19. Pourtant, il s’est pressé au centre de la Croix-Rouge de Pikine pour prendre sa dose Johnson & Johnson. «Depuis le début de la campagne de vaccination, on me demande d’aller prendre les doses. Je ne crois pas à cette maladie», crache-t-il. Sans niveau académique réel, il fait partie des citoyens qui ont été «vaccinés» par les fake news. Ses croyances n’ont pas changé, mais il a été rattrapé par la dureté de la réalité. «Je dois voyager dans la sous-région et j’ai peur qu’on me demande un passeport vaccinal. Et je ne suis pas prêt à payer pour faire un test Pcr. J’ai décidé de me faire vacciner», explique-t-il. Il appuie encore le coton sur son avant-bras gauche taché encore de sang.
Comme lui, plusieurs jeunes ont renoncé à leurs croyances forgées sur la toile et distillées dans la rue par des esprits «complotistes». Ils ont écourté leurs heures de somme pour rallier ce centre de santé. «On n’a pas le choix. L’heure est devenue trop grave parce que les gens meurent. J’ai décidé de me vacciner pour me protéger», enchaîne Ibou, manche du tee-shirt encore relevé. «J’avais refusé de prendre les doses lors du début de la campagne. Il faut être conscient pour croire que toute la planète est du cinéma. Quel intérêt les gens ont-ils à nous faire peur ?», s’interroge-t-il.
En cette matinée du lundi, la «Croix-Rouge», petit espace de soins de proximité, située à Pikine Icotaf, s’étouffe sous la chaleur. Les «aspirants au vaccin» piaffent d’impatience. L’attente, longue et harassante. Dopés par l’espoir, certains ont dû attendre jusqu’à la livraison des vaccins par l’ambulance du district médical vers 13h. Rassurés, ils observent l’infirmière ouvrir le «package» qui contient 15 doses. «Donnez-moi vos cartes d’identité», demande l’aide-soignant. Disposés en cercles, ils attendent, relèvent les manches de leur chemise, tee-shirt et grand boubou.
Au bout de quelques minutes, elle épuise le premier stock, enchaîne avec le deuxième groupe. «Revenez à 15h ! Je dois poursuivre les autres consultations», demande-t-elle. Mais il en reste encore des demandeurs tous âges et sexes confondus. «J’ai longtemps cru aux rumeurs, mais j’ai vu des amis et mes parents qui ont pris leurs vaccins et ils n’ont pas eu d’effets secondaires. Ça fait plusieurs semaines que je cherche un vaccin. Alham­doulilah, j’ai pris ma dose. Avec Johnson & Johnson, c’est encore mieux parce qu’il n’y a pas de deuxième passage. Je suis vraiment soulagée», explique Mme Anta Faye, accompagnée de ses deux amies aussi souriantes que rassurées par l’administration de cette piqûre. «Ça ne fait même pas mal. Et ça ne dure pas plus de 10 secondes. Que ceux qui ne veulent pas se vacciner restent chez eux et laissent les autres en paix», enchaîne Coumba Sagna. Elle garde la manche de sa chemise relevée comme si elle exhibait un trophée.
Au centre de santé de Guinaw-Rails et dans d’autres secteurs de la banlieue, l’afflux de demandeurs de vaccins annoncerait-il un changement de comportements ? Pro­bablement ! Evidemment, le relâchement persiste. Même si la police a commencé ses opérations de contrôle.

Nouvel arrivage de vaccins cet après-midi
Avec 151 mille 200 doses Johnson & Johnson, le Sénégal relance sa campagne vaccinale. Cet après-midi, le ministère de la Santé va recevoir 332 mille 118 doses Sinopharm et un lot de 136 mille vaccins de Johnson & Johnson. Or jusqu’ici, seules 640 mille 013 personnes ont été «immunisées».
Cette dotation est une bouffée d’oxygène, car elle permettra de rattraper le retard provoqué par la rupture des vaccins constatée ces dernières semaines. «Je me suis empressé de venir parce que j’ai peur qu’il y ait une rupture. J’avais attrapé le Covid-19. J’essaie aussi de convaincre les sceptiques. Il faut impliquer tout le monde dans la campagne», dit Moustapha Sall, 44 ans. Vêtu d’un tee-shirt blanc, il pianote sur son téléphone pour suivre les dernières actualités du Covid-19. «Il y a combien de morts ces derniers jours ? Plus d’une vingtaine de cas de décès et des milliers de cas positifs. Tout le monde doit se lever pour stopper la chaîne de contamination. Seule la vaccination peut nous sauver», assure Moustapha.
Au centre de santé Bargny Kipp Carrières, c’est la course aux vaccins pour des populations tétanisées par le regain de la pandémie. Ces derniers jours, le nombre de nouveaux cas positifs a connu une hausse de +141,6%, de cas graves de +125,4% et le nombre de décès de plus de +57,1%. Une létalité de 2,3%. Alors que l’âge moyen des personnes tuées par le virus est de 64 ans avec un minimum à 70 ans et un maximum à 96 ans.
Pour l’instant, on est loin du reflux. Hier, sur 2 682 tests réalisés, 618 sont revenus positifs, soit un taux de positivité de 23,04%. Il s’agit de 82 contacts et 536 cas issus de la transmission communautaire. 51 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation et 5 nouveaux décès liés au Covid-19 ont été enregistrés.
Depuis le début, 57 mille 881 cas ont été déclarés positifs dont 45 mille 479 guéris, 1 286 décès et 11 mille 115 sous traitement.
bsakho@lequotidien.sn