Devant le «Jury du dimanche» d’Iradio, le patron de Suma assistance, Dr Babacar Niang, a confirmé les informations du journal Le Quotidien relatives au nouveau business autour des respirateurs artificiels et des unités de production d’oxygène issus des Cte démantelés à la fin de la deuxième vague du Covid-19. Selon lui, «du matériel du public est vendu aux structures sanitaires du privé».Par Mamadou SAKINE

– L’info avait secoué le ministère de la Santé et de l’action sociale qui s’était précipité de démentir. Dans sa chronique du lundi 19 juillet dernier, Le Quotidien avait sonné l’alerte sur la vente du matériel du public est aux structures sanitaires du privé. Invité du «Jury du dimanche» d’Iradio, Dr Babacar Niang, controversé patron de Suma assistance et pionnier de la médecine privée, n’a pas mis de gants pour dénoncer ces pratiques en cours dans le pays. «Du matériel du public est vendu aux structures sanitaires du privé. La maison de… (Un grand entrepreneur) et d’autres revendeurs qui ont pignon sur rue te sortent tout le matériel que tu veux. Ce n’est pas normal. Tout ministre de la Santé qui vient, la première recommandation qu’on lui fait, c’est de ne pas soulever ce lièvre. On achète par des revendeurs qui sont agréés. Il y a d’autres même qu’on voit, ce sont des bricoleurs. Même eux, ils ont le formulaire. Pour les gants de protection, actuellement, si vous ne mettez pas 7 000 francs Cfa, vous n’avez pas une paire», déclare l’invité du «Jury du dimanche». Dr Niang, qui a toujours eu le courage d’assumer ses idées et de ramer à contre-courant de la bien-pensance, enchaîne son réquisitoire. «Au ministère de la Santé, quand vous commencez à travailler là-bas, il y a une caisse, et vous recevez votre part tous les mois. Ça part de là-bas : On te fait une commande de deux milliards de francs Cfa, tu amènes 100 appareils, on t’en prend dix, on te rend les 90. Qu’est-ce que vous allez faire de ces 90 appareils», s’interroge-t-il.
La gestion de cette troisième vague a révélé que bien des choses que l’on pouvait considérer comme acquises n’existaient que dans les discours et autres rapports officiels. «Où sont les centaines de lits d’hospitalisation acquis dans le Programme d’urgence de riposte contre le Covid-19 ? Où sont-ils passés ? Où sont passées les dizaines de respirateurs artificiels et les unités de production d’oxygène pour qu’on en arrive à devoir en commander à nouveau dans l’urgence ?», avait posé le chroniqueur du journal Le Quotidien. «Ainsi, apprend-on que les Centres de traitement des épidémies (Cte) avaient été démontés alors que la pandémie n’était pas encore vaincue. Où sont passés les matériels démontés ? Et on découvre, comme par enchantement, que toutes les cliniques médicales privées de Dakar qui ne disposaient pas de matériels et autres appareils respiratoires ont pu s’en doter après le démantèlement des Cte.» Et de poursuivre : «Allez savoir, mais une telle coïncidence est fort troublante, surtout qu’on assiste à la naissance d’un nouveau business, apparemment lucratif et qui se développe, avec des privés dis­posant d’appareils respiratoires qu’ils mettent à disposition de malades restés à domicile faute de places à l’hôpital ou ne pouvant bénéficier d’une assistance respiratoire au ni­veau des structures hospitalières.» L’article a également évoqué des arriérés de primes à payer aux personnels de santé qui sont accumulés, mais aussi aucun service de réanimation n’est aux normes dans la région de Dakar qui concentre plus de 86% des malades de la pandémie.

900 mille F en oxygène
Cette gestion semble révéler des couacs dans la gestion de cette troisième vague meurtrière. Surtout que le secteur privé n’a jamais été associé à la stratégie de riposte de l’Etat, Dr Niang soutient que les privés ont même été éloignés du centre de décisions. En plus, détaille-t-il, «il y a des malades qui payaient 900 mille francs Cfa d’oxygène pendant leur hospitalisation». Selon Dr Babacar Niang, il a proposé que l’oxygène soit subventionné par l’Etat. Et la réponse a été sans équivoque : «Tu es privé, tais-toi ! (D’abord), on n’a pas à te donner de l’oxygène pour tes malades», répète-t-il. Et d’ajouter : «C’est là aussi que j’ai dit si vous baissez l’oxygène, je baisse la facturation. Pendant ce temps-là, vous entendez ce qui se passe actuellement parce qu’il y a un gros débat entre le Pr Seydi et les organisations. On dit que l’oxygène est en tension.»
L’autre point soulevé par l’urgentiste, c’est la persistance du phénomène des médecins officiant dans le public et dans le privé. Evidemment, la pratique est encadrée légalement par une loi qui leur permet à partir de 16 heures de faire la médecine privée, mais il pense qu’il y a des abus. «Il y a des publics qui font même leur privé dans l’hôpital. Nos amis français ou burkinabè, quand ils viennent au Sénégal, c’est tout un tas d’histoires. ‘’Professeur, on m’a soigné dans un hôpital, je ne vous paie pas.’’ Mais le Sénégalais, lui, il est habitué. Il a toujours l’argent pour le payer», se désole Dr Babacar Niang.
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