L’expérience de l’école Yavuz Selim, où enseignants et parents d’élèves ne veulent pas que l’Etat se mêle de la gestion de leur école sponsorisée par une fondation turque, pourrait être une opportunité pour la réforme de l’école sénégalaise dans les valeurs d’autonomie et de responsabilité. Le refus d’être sous administration provisoire et la contreproposition de rachat des parts de la fondation turque et/ou de celles de son représentant français par des privés sénégalais nous ouvrent la possibilité d’une troisième voie de compromis :  la nationalisation des parts de la fondation turque et le transfert irrévocable des droits de vote correspondants aux parents d’élèves, le maintien de l’autonomie de gestion de ces écoles, et leur rebaptisation pour en faire des écoles d’excellence, d’enracinement, et d’ouverture.
En effet, nous avions proposé lors des Législatives passées que les parents d’élèves sénégalais soient exclusivement responsabilisés dans la gestion de l’école publique au sein de conseils d’administration, avec la possibilité qu’ils soient appuyés par des cabinets privés. Ces conseils d’administration nommeraient des directeurs responsables devant les conseils et ces derniers recruteraient des enseignants responsables devant eux avec des obligations de résultats. L’Etat, en retour, viendrait en soutien financier, consultatif, et normatif minimum. L’Etat ne serait plus comptable des résultats des établissements ainsi responsabilisés, mais son soutien financier sera conditionné. Les enseignants ne seraient plus des fonctionnaires de l’Etat et auront la possibilité d’être mieux rémunérés en fonction des ressources de l’école, qui pourraient venir de divers horizons.
L’Etat pourrait ainsi transformer les écoles publiques sénégalaises en sociétés anonymes et transférer ses parts non transférables à des tiers aux parents d’élèves. L’Etat pourrait également, en fonction du niveau de revenus des parents d’élèves, et des localités géographiques, moduler sa subvention pour assurer une certaine équité.  Les bailleurs extérieurs se mêleraient alors moins de la gestion de l’école sénégalaise et feront face à une diversité d’écoles responsabilisées et autonomes qui pourront s’émuler.
Nous sommes donc pour que l’Etat subventionne le réseau Yavuz Selim annuellement, à hauteur de l’appui qu’apportait la fondation turque sur la base de leur plan actuel d’école, qui sera mis à jour de façon autonome par le Conseil d’administration. Dans la mesure où les parents contribuaient déjà aux ressources financières des écoles concernées, l’Etat pourra se servir de ce modèle pour reformer les écoles publiques et sa relation avec le corps enseignant et les parents d’élèves.
Il faut savoir saisir les opportunités pour mettre en œuvre des réformes qui autrement auraient été difficiles. La localisation géographique des écoles Yavuz Selim dans des épicentres de pôles régionaux différents (Da­kar, Thiès, Kaolack, Ziguin­chor, etc…) leur permettra également d’être des exemples dans leurs localités respectives. Le modèle de gouvernance que nous proposons pourrait également permettre d’attirer des investisseurs privés dans l’école sénégalaise et améliorer sa qualité dans le respect des valeurs d’autonomie, de liberté, de responsabilité, et de libre solidarité.
Dr Abdourahmane SARR
Président Cefdel/Mrld