La croissance de 6% (contre 6,7% annoncée) reste une performance exceptionnelle et non une contre-performance, comme le laissent présager les mauvaises langues. Le pays a fait preuve d’une capacité de résilience exceptionnelle pour résister aux chocs exogènes et à la conjoncture internationale.
L’honnêteté est la première vertu d’un intellectuel. Lorsque je lis dans la presse certaines «analyses économiques» qui s’appesantissent plus sur le déphasage de 0,7 point entre la croissance prévisionnelle et la croissance réelle supposée du Sénégal pour l’exercice 2019, je dénote deux choses qui relèvent soit de l’incapacité des auteurs à comprendre, soit de la malhonnêteté intellectuelle doublée d’une volonté de manipuler l’opinion. L’économie a ses réalités.
Comprennent-ils le mot «prévisionnel» ? La Croissance prévisionnelle doit-elle forcément se conformer à celle finale et réelle ? Tenter d’y répondre, c’est tenter de répondre à la question suivante : l’Homme peut-il maîtriser le court de sa vie et des aléas ? Alors comment se baser sur une thèse aussi intangible pour dégager des «vérités» et oser de surcroît les partager avec l’opinion ?
On peut s’estimer heureux de cette performance économique du Sénégal de 6% contre 6,7% initialement annoncée et 2,6 à 2,7% au niveau mondial (les performances exactes ne seront connues que dans les mois qui viennent).
Pourtant, toutes les grandes instances internationales (Banque mondiale, Fmi, Ocde…) avaient déjà alerté sur le ralentissement économique en 2019.
Le taux de croissance du Pib de 6% est une excellente performance qui confirme la capacité de résilience de l’économie sénégalaise. Entre les lignes de cette performance, lire la capacité du pays à maintenir la confiance des investisseurs, à garder la constance des performances et à poursuivre la dynamique d’émergence !
Pour un pays qui a ouvert l’année sur une élection présidentielle et qui doit également subir de lourdes perturbations exogènes, un taux de croissance de 6% est une excellente performance économique. Pays pétrolier et pas encore producteur, le Sénégal a une économie – qu’on le veuille ou non – dépendante de l’extérieur. Le moindre choc géo-politico-économique, financier et énergétique peut avoir un impact indirect sur ses indicateurs. Le «petit écart» de 0,7 point relèverait des risques tels que l’accumulation d’arriérés internes, lesquels ont ralenti les activités du secteur du bâtiment, et l’augmentation des dépenses courantes résultant des demandes sociales, caractéristiques d’une année électorale, mais aussi des chocs exogènes.
Toutefois, le pays a su garder le cap sur l’essentiel en maintenant performants la plupart de ses indicateurs.

Une capacité de résilience face aux chocs exogènes
La guerre sino-américaine a eu des impacts économiques directs et indirects sur l’économie sénégalaise. Les liens commerciaux et financiers croissants entre les pays favorisent et accélèrent la transmission des chocs par-delà les frontières. La hausse du cours du baril, la fluctuation des stocks américains, laquelle fait grimper dans la foulée les cours du pétrole en fin d’année au plus haut niveau depuis septembre, l’euro qui progresse face à un dollar affaibli (le dollar index, qui mesure la valeur du billet vert face à un panier de grandes devises, aura finalement perdu 2,8% depuis son plus haut de l’année) se sont ajoutés à la balance.
Ce bouquet de chocs exogènes inhérents aux contextes géopolitiques, énergétiques, financiers et économiques est une réalité qui, malgré tout, n’aurait «impacté» donc le taux de croissance du Sénégal que de 0,7%. Si le taux de croissance se confirme à 6%, cela démontrera une fois de plus la capacité de résilience de l’économie sénégalaise, grâce à une flexibilité du marché et une flexibilité «structurelle» comme facteur d’absorption.
Cette capacité de résilience n’est jamais fortuite, si l’on considère les différents rapports des institutions internationales qui se sont toujours accordées sur la relation corrélative entre «réformes» et «résiliences». Les pays considérés comme plus résilients s’avèrent aussi être ceux qui ont fait le plus de progrès en matière de réformes structurelles ; d‘où le lieu de saluer également les efforts structurels du Sénégal depuis 2015.
La résilience économique peut se définir approximativement comme la capacité à garder en phase la production proche de son potentiel malgré un choc. Elle comporte ainsi au moins deux dimensions : le degré d’atténuation des chocs et la vitesse à laquelle les économies retournent à la normale après un choc. Les politiques structurelles sont susceptibles d’affecter à la fois la force et la persistance des effets des chocs externes exogènes.
Les politiques de stabilisation macroéconomique (critères de convergence Uemoa, monnaie forte…) et microéconomiques (compensation, maîtrise du déficit et de la dette) jouent également un rôle important en matière de résilience, mais leur efficacité est aussi conditionnée par les orientations de politique structurelle. Là encore, le Sénégal assure et reste, de l’avis de toutes les grandes institutions, sur une bonne trajectoire.
Les perspectives macroéconomiques et microéconomiques du Sénégal pour 2020 restent rassurantes quant à la poursuite de l’élan d’émergence. La forte croissance enregistrée depuis 2015 devrait se poursuivre en 2020 grâce à la poursuite des investissements publics dans le cadre de la poursuite du Plan Sénégal émergent. Les efforts de consolidation avec le budget programme pourraient ramener le déficit budgétaire (3,5%) à moins de 3% du Pib après 2020 et parachever l’installation d’une nouvelle base de la nouvelle économique. L’économie d’un pays pétrolier à partir de 2021.

Cheikh Mbacké SENE
Expert en Intelligence Economique
Président du Forum Economique Générescence «Feg Dakar»