Entre novembre et février, c’est la ruée vers les jujubes dans le département de Podor. Les cueilleurs-vendeurs de ces fruits et leurs grands acheteurs venus de l’intérieur du pays se donnent rendez-vous aux grands marchés hebdomadaires de Thilé Boubacar, Ndioum, Madina Ndiathbé et Galoya. Ces ramasseurs de jujubes rallient ces marchés avec une quantité considérable, après des jours de cueillette. Le marché hebdomadaire de Galoya est le point de vente des cueilleurs de l’arrondissement de Saldé, ceux de l’arrondissement de Cas-Cas convergent vers le marché de Madina Ndiathbé et ceux des deux autres arrondissements rallient les «louma» de Ndioum et Thillé Boubacar.
La cueillette et le ramassage ne sont pas du tout des activités faciles. Certains cueilleurs prennent d’assaut la forêt à l’aube, avant l’arrivée des troupeaux. C’est une lutte acharnée que les cueilleurs mènent contre les ruminants. Les populations du Diéri ont des propriétés de jujubiers clôturées et mises sous haute surveillance, mettant à contribution toute une famille. Dans la plupart de ces champs utilisés pour l’agriculture sous pluie, les jujubes sont cueillis et séchés avant leur vente. Certains revendeurs viennent quelques jours avant le jour des marchés hebdomadaires pour acheter à bas prix les jujubes et parfois en faisant le troc. Un revendeur très connu dans la zone de Thilouki et Lour, Samba Top, explique : «J’investis chaque année plus de 300 mille francs Cfa dans l’achat de jujubes et il m’arrive de tripler mon chiffre d’affaires et je n’ai jamais eu de perte.» Il poursuit : «Je viens chaque semaine dans les localités des cueilleurs, quatre jours avant le marché hebdomadaire de Galoya, et j’amène avec moi des denrées de première nécessité comme le riz, le sucre pour les besoins du troc, car certains préfèrent le troc au commerce incluant la monnaie.» Samba n’est pas le seul à investir le Diéri (zone nord du Fouta, à environ 20 km de la route nationale). La majorité des acheteurs attendent les vendeurs dans les marchés hebdomadaires. En cette période, dès le petit matin, des charrettes et des voitures de transport en commun «wopou yaha», chargées de sacs de jujubes, convergent vers les marchés où les prix sont fixés par les acheteurs. Ils imposent l’instrument de mesure conventionnelle qui n’est rien d’autre qu’un pot de tomate recyclé et taillé à leur guise. Le prix du petit pot est fixé à 150 francs et celui du grand modèle à 250 francs. Quand il s’agit du sac de 50 kg, le prix est de 4 000 francs Cfa.
Après avoir écoulé 12 sacs, Ousmane dit avoir tiré son épingle du jeu et va ainsi retourner dans son hameau situé à 8 km de Madina Ndiathbé avec des provisions suffisantes pour une semaine. «Tout ce que vous voyez sur la charrette, j’ai pu l’acheter avec les revenus générés par la vente de jujubes et il me reste une petite économie pour d’éventuels besoins», s’est-il réjoui.
Le commerce de jujubes dans les marchés est aussi l’affaire des femmes. Elles sont actrices principales dans les activités de cueillette, de ramassage dans certaines zones. Cette activité génératrice de revenus, qui s’étend annuellement de décembre à févier, leur permet de subvenir à quelques besoins de leur famille. L’une d’elles, Faty, révèle : «Durant ces trois mois, j’arrive à épargner chaque semaine 5 000 francs Cfa chez le boutiquier après ma participation de 1 000 francs aux deux tontines hebdomadaires.»
Raison pour laquelle une partie non négligeable de la population du nord se rue vers cette cueillette et ramassage de ce fruit sauvage. Dans certains villages, ce sont des familles entières qui se mobilisent pour la protection des jujubiers jusqu’à la maturité des fruits. D’autre part, ce sont des femmes qui en font une activité génératrice de revenus, tout en courant le risque d’être interpellées en pleine cueillette par les agents des Eaux et forêts.