Hier, au moment où les députés de Pastef captaient l’attention de l’opinion autour d’une guerre de postes et de nominations, le pays ne cessait de se perdre en conjectures sur la direction vers laquelle la gouvernance du Président Diomaye Faye nous menait. Si le nouveau régime politique a promis bien de choses au Peuple, personne n’a encore vraiment noté de changement véritable. Parfois même, on a plus l’impression que les choses sont en train de régresser.
Les pluies, l’agriculture, l’économie…
Juste pour illustrer, le pays a connu cette année des inondations parmi les plus terribles qu’il ait jamais connues au cours des deux dernières décennies. Une bonne partie de l’arrière-pays a été inondé, et on a compté même des morts, emportés par le débordement des eaux du fleuve Sénégal. Si la ville de Touba n’a pas été épargnée, c’est à peine si certains ont pu noter que la capitale Dakar a eu à se plaindre d’un trop-plein d’eaux de pluie cette année. Il aurait été délicat de le rappeler, si l’on ne voulait pas magnifier le travail accompli par le Président Macky Sall pour en finir avec les inondations. Au contraire, c’est beaucoup plus gratifiant de tourner en dérision les plus de 766 milliards de francs Cfa prétendument gaspillés sous le prétexte de lutte contre les inondations. Ce programme décennal de lutte contre les inondations avait été remis en cause il y a deux ans, après de fortes inondations dont la commune de Keur Massar avait été victime. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour démontrer que les ouvrages d’assainissement avaient fait l’objet de sabotage. Des personnes malintentionnées avaient délibérément bloqué les ouvrages d’écoulement des eaux de pluie, afin manifestement de provoquer des inondations. Et cela avait été réussi. Maintenant que les motifs politiques de ces sabotages ont disparu, la commune n’a plus revécu cette année, la hantise de fortes pluies d’hivernage.
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Mais dans les zones qui n’avaient pas été concernées par ce programme, l’histoire a été bien différente. Au point que le ministre de tutelle a dû sortir, sous forme de pirouette, que l’hivernage de cette année n’était «pas (leur) hivernage»… Les victimes ont dû apprécier.
Mais il n’y a pas que la gestion de la pluie. Dans ces colonnes, nous nous sommes intéressés plusieurs fois à la préparation et la gestion de l’actuelle campagne agricole, pour affirmer que les paysans ne se retrouvaient pas dans les déclarations triomphatrices de la tutelle. Tout le monde se rend compte maintenant, avec le démarrage de la compagne de commercialisation de l’arachide, que les prévisions les plus pessimistes sont en train d’être dépassées. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre compte que le ministre de l’Agriculture et son homologue du Commerce sont revenus sur leur décision d’interdire l’exportation de l’arachide. La mesure aurait d’ailleurs été très difficile à mettre en œuvre, malgré la mobilisation des Forces de défense et de sécurité (Fds) dont ce n’est d’ailleurs pas le rôle.
Sonko et ses chiffres falsifiés
Ne parlons pas non plus des agrégats macro-économiques. Au mois de septembre dernier, le gouvernement, avec le Premier ministre Sonko en tête, a déclaré que les chiffres de l’économie, sur lesquels les prévisions budgétaires ont été établies, et qui ont été présentés à ce jour aux partenaires économiques et financiers, étaient tous «falsifiés», et que la situation économique du pays était profondément dégradée. La conséquence de ces déclarations ne s’est pas fait attendre. La grande partie des financements espérés des partenaires, même du Fonds monétaire international, a été gelée. Tout le monde retient ses fonds, le temps de voir la direction que le pays prend. Au point que l’on voit sur les réseaux sociaux une vidéo où M. Sonko reconnaît que ses déclarations alarmistes sur l’économie du pays «ont contribué à inquiéter les partenaires, et rendu la situation encore plus difficile». Sans doute un faible moment de lucidité…
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Qui cache le Rapport trimestriel d’exécution budgétaire du 3ème trimestre ?
La question qui se pose est qu’il faudra que la Cour des comptes publie bientôt son rapport sur la gestion budgétaire 2023, qui correspond à la dernière gestion du régime de Macky Sall. On verra alors si cette institution prendra le contre-pied des décisions qu’elle a annoncées durant les douze années du mandat de Macky Sall, et viendra renforcer les déclarations de l’actuel gouvernement. Ou si la Cour des comptes va réaffirmer son indépendance et produire un rapport en droite ligne de ce qu’elle a toujours produit, et qui traduit l’intégrité de la gestion des finances du pays.
En attendant d’en savoir plus, on se rend compte que le gouvernement actuel a décidé de verser dans le dilettantisme. Contrairement aux bonnes habitudes auxquelles on a été habitués à ce jour, il n’a toujours pas publié le Rapport trimestriel d’exécution budgétaire, pour le troisième trimestre. Le rapport aurait dû être publié depuis le mois de septembre dernier. A ce jour, sur les sites du ministère des Finances et du budget, aucune information n’est donnée sur cette lacune. Le dernier document du genre date de juillet dernier.
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Or, la publication de ce document est prévue par la loi. D’ailleurs, il est toujours indiqué que «le présent rapport est préparé en application de l’article 70 de la loi organique n° 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances et publié conformément aux dispositions prévues au point 6.6 de l’annexe à la loi n° 2022-12 du 27 décembre 2022 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques».
Les mauvaises langues diraient sans doute que le gouvernement a des choses qu’il ne souhaiterait pas communiquer au public en ce moment. Car si l’on se réfère au document précédent, on voit que le niveau d’exécution budgétaire n’est pas aussi catastrophique, pour une «économie en ruine», selon les termes du chef du gouvernement. On note en effet, dans le Rapport d’exécution du second trimestre, que «comparées au deuxième trimestre 2023, les ressources du budget général ont évolué à la hausse de 79, 14 milliards F Cfa en valeur absolue, soit 4, 3% en valeur relative. Cette hausse est imputable aux ressources internes (+99, 83 milliards F Cfa, soit +5, 7%) grâce au bon niveau de recouvrement des recettes fiscales (+121, 60 milliards F Cfa, soit +7, 5%), notamment des impôts directs et indirects qui ont respectivement augmenté de 77, 18 milliards F Cfa (soit 10, 7%) et 38, 00 milliards F Cfa (soit 4, 1%), par rapport à l’année précédente». Tout le reste du document est dans la même veine. Si dans l’intervalle, la situation s’est fortement dégradée, le gouvernement devra alors de bonnes explications au Peuple. Et même au contraire, si elle devenait encore plus dramatique, les pouvoirs publics pourraient toujours encore chercher à enfoncer leurs prédécesseurs, et trouveront toutes les explications qui leur passeront par la tête.
On peut imaginer que les choses leur seront rendues encore plus faciles, maintenant que l’Assemblée a pris fonction. Mais les députés savent aussi que leur priorité sera de voter rapidement le budget qui va accélérer la mise en œuvre de la Vision 2050, le Pse du tandem Diomaye-Sonko. Ils ne doivent pas traîner les pas, car ils connaissent les urgences du pays. Et surtout, s’il y a un conseil à leur donner, c’est de réellement encourager la promotion de la transparence, afin d’encourager le monde des affaires à retrouver la confiance en ce pays.
Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn