Par Serigne Saliou DIAGNE – 

La mobilité urbaine prend de nouveaux traits dans les capitales africaines, avec la présence distinguée de services de transport avec chauffeurs, couramment appelés Vtc. De Dakar à Abidjan, des services comme Heetch, Yango, Yassir, s’inscrivent dans les habitudes de transport des populations dans le même élan qu’Uber, le totem de cette nouvelle configuration de la mobilité, a pu conquérir le monde. Le fonctionnement des Vtc consiste en l’interface d’une application, à la commande de courses pour trouver un véhicule à même d’opérer le déplacement. Un système de géolocalisation permet ainsi au véhicule de retrouver l’usager sur un point particulier, avec une course déjà définie. La tarification du service se fait par une estimation du coût du trajet par des algorithmes de l’application, permettant d’éviter tout quiproquo entre usagers et chauffeurs. Pour une personne qui connait les taxis de Dakar ou d’Abidjan, les empoignades à la fin d’une course ne sont pas loin. En fonction des services, les modèles de rémunération des exploitants et chauffeurs diffèrent.

La pénétration de cette nouvelle offre de transport a pu entraîner des levées de boucliers sous d’autres cieux, en créant une opposition entre taxis classiques et Vtc, mais on constate dans les grandes métropoles africaines, une meilleure assimilation et une appropriation de ces outils. A Dakar tout comme Abidjan, le premier souci est la disponibilité de véhicules pour tous les usagers sur les itinéraires qu’ils voudront. On parvient à ne plus se voir imposer à la sortie de nos aéroports, une course pour rejoindre les villes à des tarifs prohibitifs que rien ne saurait justifier. Le marchandage légendaire aux allures d’un jeu de négociations sans fin, souvent sources de disputes, s’en trouve contenu. Les conducteurs se trouvent aussi par cette forme de covoiturage, à avoir une demande importante de leurs prestations. Un gain en productivité peut se constater avec des itinéraires mieux maîtrisés, un flot conséquent de courses effectuées et une génération de revenus non négligeables. On voit à Dakar, l’attractivité du modèle pousser les taxis classiques à s’inscrire en masse sur de telles plateformes afin d’augmenter leurs nombres de courses. Une pédagogie aura été faite par les compagnies évoluant dans ce secteur pour éviter de faire voir leurs outils comme menant à la perte de bien de chefs de famille, conducteurs de taxis. Il est également courant de voir des particuliers s’inscrire sur certaines plateformes afin de rallonger des revenus ou s’investir intégralement sur ce créneau. La vague d’adhérents qu’avait suscitée Uber à son démarrage aux Etats-Unis et lors de son introduction en Europe, semble avoir les airs d’une poussée timide mais progressive dans notre pays.

L’entrée d’une variété d’individus sur le créneau du covoiturage est assez symbolique d’une tension de nos économies où la multiplication des sources de revenus commence à s’imposer à tous. Les particuliers offrant leurs services sur ces applications soutiennent souvent amasser des sommes allant de 20 000 à 30 000 francs par jour. De tels revenus journaliers suscitent bien évidement un attrait pour les Vtc. Pour être utilisateur de ces types de services dans les deux capitales d’Afrique francophone où ils sont le plus en vogue, il est à souligner certains écueils qui méritent d’être adressés. La juste rémunération des prestataires est une question qui ne froisse pas durant les phases de démarrage, mais elle pourra susciter des accrochages si à l’avenir les promoteurs des applications cherchaient à presser les fruits à sec. La sécurité des usagers, et surtout la protection des femmes, est une question qu’il ne faut pas négliger. Les témoignages de Dakaroises, soulignant des commentaires déplacés ou des conversations malvenues lors de courses dans des Vtc, tenus par des conducteurs particuliers, sont loin d’être des cas isolés. Le besoin aussi d’un encadrement légal de la part des pouvoirs publics est à prendre en compte. Ces nouvelles formes de transport peuvent rapidement virer à des secteurs anarchiques où l’identification des prestataires de services peut se révéler compliquée sur la durée. La protection des données des usagers que les promoteurs peuvent détenir, appelle aussi à une forme de vigilance. Le bazar qu’est la livraison dans Dakar, transformée en activité de débrouille pour tous, en faisant fi des règles du métier des postes qui l’encadrent, suffit comme preuve des risques pouvant se présenter avec une offre de Vtc non contrôlée. Les Vtc séduisent et font travailler des jeunes dans Dakar. Elles soutiennent des fins de mois, sont sources de revenus et solutionnent certains maux de la mobilité urbaine. Il ne faudrait pas, autant que soit séduisant ce modèle d’avoir un moyen de transport commode au bout des doigts, être aveugle à leurs tares. Aujourd’hui c’est pratique, demain ça peut être l’anarchie.

saliou.diagne@lequotidien.sn