Dame-République du Sénégal la supposée garce
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Dame-République, n’es-tu pas une fille aguicheuse faisant le clin d’œil au moindre passant ? Sinon, comment comprendre que tout ce monde hétéroclite, bigarré, bariolé sans commune classe, crie sur tous les toits, si bruyamment, son intention d’aller taper à ta porte, dans une course folle où les uns arriveront, qui en voiture, qui à dos d’âne, qui à pieds. Il y en aura même qui arriveront en béquilles et d’autres qui, sans l’aide de pousse-pousse ou de fauteuils roulants, n’y arriveront pas ? Oui, une Marie-couche-toi-là n’attirerait pas plus de soupirants tocards que toi.
– He toi, pour qui te prends-tu pour me traiter ainsi, moi Dame-République, de femme facile ? Moi Dame-République, la vertueuse parmi les vertueuses, la plus fidèle parmi les fidèles qui ne sert jamais deux hommes à la fois.
Que l’on en juge.
En plus de 60 ans d’existence, combien d’hommes peuvent se vanter d’avoir franchi le seuil de mon Palais et d’y avoir été reçus avec les honneurs ?
Comptez avec les doigts d’une seule main car vous n’en trouverez que quatre, et ce n’est certainement pas faute de soupirants transis qui n’ont pu contenir leurs flammes.
Et demandez-leur, à ces heureux élus de mon cœur, quand ils ont cru que dans ma demeure, ils étaient venus pour s’installer à demeure, ce qu’il leur en a coûté. Le premier d’entre eux, un vieux sage, s’est retiré sans résistance, sans complication. Mais tout sage qu’il fut, vivre dans mon royaume, à côté de moi, sans plus me côtoyer, lui fut insupportable à tel point qu’il s’exila de dépit dans la Patrie de ses premières amours, où il mourut de sa belle mort.
Le quatrième, tout jeune qu’il fut, a été bien inspiré de rester sourd aux sirènes mielleuses de ses laudateurs et de se retirer auréolé de gloire avant de créer ma réaction de rejet et de goûter aux dards de mon courroux.
Mais le deuxième et le troisième, qui n’ont su compter avec la lassitude dont mon amour si exclusif, ont été fatalement victimes au bout de deux termes consécutifs, eux qui se croyaient maîtres de mon cœur à jamais, je ne leur ai pas laissé le temps de demander leur reste pour déguerpir, c’est un tourbillon de cartes adverses qui les a éjectés sans ménagement de mon palais. Il n’y ont vu que du feu. Ne jamais me prendre pour une courtisane comblée est la bonne règle car du renouveau je renais, de l’espoir je me repais.
Et je ne parlerais même pas de ce vieux sympathique, affable, aussi juvénile dans l’âme qu’un jouvenceau et qui, après avoir bénéficié si généreusement de mes services, m’a prise pour une pouffiasse toute bonne à refiler à son rejeton de fils.
Mal lui en a pris ; il continue à s’en mordre les doigts et à y perdre son sommeil. Comme le premier, il s’est réfugié dans sa Patrie de prédilection mais son attachement viscéral à mon royaume l’oblige à y séjourner de temps à autre.
Quel manque de respect !
En réalité, c’est vous, pauvres sujets, qui vous faites manquer de respect. En effet, il suffit qu’un quidam quelconque, sans pedigree justificatif, ait le toupet de vous déclarer sa flamme éhontée pour moi, un quidam qui n’a aucune chance d’être reçu chez moi, ne serait-ce que pour une place de laquais, pour que vous en fassiez un sujet de conversation, pour que vous l’installiez à la Une de ce qui tient lieu chez vous de journaux.
Il est vrai qu’il arrive des fois que je me sente vexée que le premier nigaud se permette de vouloir me faire la cour, mais la surprise passée, je me console en me disant que l’on ne saurait ôter au sot cette liberté contraignante qui est la sienne, celle d’étaler sa sottise à la face du monde.
En tout état de cause, je tiens à vous rassurer tous : chez moi, celui qui sera reçu aura montré patte blanche.
Et l’heureux bénéficiaire de ce gros lot de l’insigne honneur que je le reçoive dans mon Palais, faute de mieux, devrait être assez intelligent pour ne pas essayer de barricader la porte derrière lui, car sa sortie inéluctable à terme n’en serait que plus problématique.
La vérité est que vous semblez avoir du mal à me comprendre, là où moi je vous comprends à merveille. En un mot comme en cent, votre problème est le suivant : très souvent la relève ne vaut pas les anciens.
A bon entendeur, salut !
Khalifa DIA
Maire honoraire de Guéoul