Si l’histoire des Etats-Unis et de l’Europe s’est faite avec la franc-maçonnerie spéculative, cela n’a jamais été le cas en Afrique. Pour rappel, parmi les pères fondateurs qui avaient signé la Constitution des Etats-Unis d’Amérique, treize d’entre eux (13) étaient des francs-maçons dont George Wa­shington et Benjamin Franklin. La radicalisation idéologique de la population en Amérique coloniale, qui était sous la domination des Anglais qui leur imposaient de lourdes taxes, avait aussi germé dans les loges maçonniques américaines. L’idéologie maçonnique à cette époque reposait sur la promotion de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et du progrès de l’humanité. Ces thèmes étaient discutés dans les loges et contribuaient à éveiller les consciences à cette époque. Il arrivait que riches et pauvres se trouvent dans la même loge, y compris des personnes de religions différentes, mais tous unis devant ces principes à défendre, surtout à cette époque où le niveau éducatif de la population américaine n’était pas très poussé.
Les loges maçonniques se développaient petit à petit dans ce pays et se répandaient même dans l’Armée continentale de libération du Peuple américain dirigée par George Washington. Aujourd’hui, des billets de dollars américains comportent beaucoup de signes maçonniques. L’idée du fédéralisme, de liberté et d’égalité développée dans la Constitution des francs-maçons, rédigée par James Anderson en 1723, après la déclaration officielle de fusion des quatre premières loges anglaises en 1717 pour former la Grande loge unie d’Angleterre, est présente dans la Constitution des Etats-Unis.
Le symbolisme ésotérique maçonnique pour enseigner des leçons de conduite morale et voyager dans l’univers des francs-maçons est aussi visible à travers l’architecture de bâtiments fédéraux dans Washington DC. Donc, les francs-maçons ont beaucoup contribué à l’édification de la Nation américaine.
En Europe et précisément au siècle des Lumières, les francs-maçons ont contribué à lutter contre l’obscurantisme en prônant les connaissances et la science et en s’opposant aux abus des Etats et des Eglises. A cette époque, les loges étaient ouvertes à tout homme libre et de bonnes mœurs. Cependant, la franc-maçonnerie spéculative d’antan qui permettait à des hommes de se rencontrer, de se découvrir, de s’apprécier et de se reconnaître comme des frères dans des loges perçues comme espace de tolérance et de dialogue, comme le souhaitait James Anderson, est de loin différente de la franc-maçonnerie d’aujourd’hui. L’actuelle franc-maçonnerie, avec des obédiences établies un peu partout dans le monde, ne regroupe que des élus, entrepreneurs, hauts gradés de l’Armée, riches commerçants, chercheurs, journalistes de renom, patrons de presse, artistes célèbres etc. Ils sont très influents et le recrutement se fait par cooptation.
En plus, loin des objectifs de la perfection morale, spirituelle et humaniste de l’initié, la franc-maçonnerie actuelle n’est perçue que comme un lobby politico-affairiste et un moyen d’instrumentalisation de la justice, de la presse, de l’industrie musicale et cinématographique, y compris de placement de frères dans des hautes fonctions bancaires pour des fins qui ne profitent guère aux non-initiés. Pour y arriver, courtiser les chefs d’Etat, magistrats, avocats, patrons de presse etc. demeure leur domaine de prédilection.
Au Sénégal, la confirmation de l’avocat Yérim Thiam comme grand maître de la Grande loge nationale sénégalaise reconnue par la Glnf (Grande loge nationale de la France) et le Godf (Grand Orient de France) révèle que les francs-maçons se dévoilent petit à petit dans ce pays qui lui est hostile. On en connaissait que Blaise Diagne et Maître Abdoulaye Wade qui a finalement affirmé qu’il n’y est plus.
A part Yérim Thiam maintenant, les autres frères maçons ne sont pas bien connus du public sénégalais du moment que les francs-maçons forment une société sécrète et discrète. Cependant, il faut retenir que dans l’esprit maçonnique, un franc-maçon n’abandonne jamais son frère, quelles que soient les circonstances. Et s’ils infestent la justice dans ce pays où beaucoup de citoyens déplorent déjà le manque de son indépendance par rapport au pouvoir exécutif, cela ne fera que l’ébranler davantage.
Dans le milieu politique, certains de nos leaders qui s’opposent dans les médias deviennent des frères dans leur loge. Ils se soucient plus d’une ascension sociale que du Peuple et ne comptent que sur les loges pour atteindre leurs objectifs. Ce n’est pour rien que les partis politiques poussent comme des champignons dans ce pays.
Dans le milieu audiovisuel, le symbolisme maçonnique est perceptible dans beaucoup de vidéo-clips et de téléfilms sénégalais. D’ici peu de temps, le Sénégal risque d’être comme les autres pays africains où la franc-maçonnerie est devenue une monnaie courante, à savoir le Liberia, Gabon, Burkina Faso etc.
Cette société secrète importée d’Europe et d’Amérique ne doit pas avoir sa raison d’être en Afrique. Elle n’est actuellement qu’un moyen de cooptation de nos élites, surtout nos chefs d’Etat, hauts fonctionnaires, hommes d’affaires, patrons de presse et célèbres artistes à des fins profitables aux puissances étrangères. Si en Europe et un peu partout en Amérique des francs-maçons ont financé la construction d’hôpitaux, contribué à la recherche scientifique et au renforcement des droits des citoyens, il n’en demeure pas moins des conspirations qu’on leur attribue comme la tentative d’établissement d’un nouvel ordre mondial à leur guise, la promotion de l’homosexualité et le rejet de dogmes. Cependant, nos francs-maçons africains ne se soucient pas de l’humanisme de la basse échelle maçonnique des pays de l’Ouest ou du Nord, mais se penchent plus vers la promotion de l’idéologie d’une civilisation mondiale maçonnique, au détriment de nos cultures, mûrie dans des clubs maçonniques comme Lion’s Club et des loges mères d’Europe et d’Amérique.
L’homosexualité commence à gagner du terrain au Sénégal. Nos médias font la promotion de la nudité et du libertinage à travers la cinématographie maçonnique et des téléfilms d’antivaleurs. Ils galvanisent aussi plus les passions à travers la musique et la lutte que de contribuer à l’éveil de conscience de la population.
Par contre, à l’intérieur des loges et des clubs maçonniques, nos francs-maçons voyagent dans l’univers des symboles ésotériques et s’adonnent à des débats d’idées progressistes reçues des loges mères pour mieux dominer le monde. Pour y arriver, il leur suffit d’exercer une forte influence sur nos élus et hommes d’affaires, de placer leurs frères maçons dans les grandes instances de décision et leur assurer une bonne ascension sociale.
Demba Khady DIAW
Professeur d’Anglais au lycée
Zone de Recasement de Keur Massar
lyceedemba@yahoo.fr