Le Premier ministre du Sénégal continue sa croisade contre nos libertés, contre tout ce qui gesticule. Ses années d’opposant radical refusent de passer. Il est là, toujours, en vrai soudard, avec cette attitude belliqueuse. Avec ses menaces. Il semble qu’il soit impossible, pour lui, de se mettre dans la posture de celui qui incarne -le mot, je l’avoue, a une connotation despotique- le pouvoir politique. L’opposant est le père du Premier ministre qui, à son tour, est le chef du président de la République. La rupture, c’est aussi dénicher un art de gouverner qui, jusque-là, était réfractaire à nos mœurs politiques si égoïstes.
L’intolérance de ce régime s’est d’abord manifestée envers la presse, pardon, une certaine presse, qui, depuis l’alternance, est entre le zist et le zest. En attendant son sort. En s’adaptant aux lubies des nouveaux princes. Les flagellations qui lui sont administrées permettent de constater, et fort aisément, la voie illibérale essartée par le tandem Diomaye-Sonko aux commandes de ce rafiot qu’est le Sénégal légué par Macky. Ce dernier, soit dit en passant, regrettera, au fond d’une oubliette sénégalaise taillée sur mesure, d’avoir pactisé avec le diable… en amnistiant ses pires ennemis.
C’est le doyen Babacar Justin Ndiaye qui dit de la presse qu’elle est un «gilet pare-balles pour le pouvoir comme pour l’opposition». C’est dire que personne n’a intérêt à ce que cette presse, un des piliers de notre modèle démocratique, soit torpillée. Car elle est bénéfique à tous les acteurs politiques. En démocratie, les citoyens, pour exprimer leurs opinions, ont l’écrit, l’image et la parole. Et c’est à la presse de faciliter ces modes d’expression. Il est regrettable de constater que depuis l’accession de Pastef au pouvoir, les manœuvres pour redéfinir le paysage médiatique sénégalais se multiplient, avec l’obsession manifeste de liquider tous les canards jugés peu fréquentables -ces décombres du «système» à nettoyer, pour qu’enfin, la Jacquerie soit exhaustive. Pression fiscale suffocante, intimidation des journalistes et chroniqueurs sont, entre autres, les méthodes utilisées pour arriver à constituer une presse composée de béni-oui-oui.
Les grandes figures de l’opposition parlementaire, horripilées par les diatribes qui leur sont régulièrement lancées par le leader de Pastef, ont décidé de boycotter la séance des Questions au gouvernement. Devant la vulgarité de leur interlocuteur qui distille menaces et insanités, ces députés ont décidé de manquer ce rendez-vous du débat démocratique. Cette décision, quoique compréhensible, peut susciter des interrogations légitimes. Toujours est-il que cette absence n’a pas empêché le «meilleur Premier ministre de tous les temps», riche de ses propos de hussard, d’ouvrir ses écluses d’injures sur ces députés rebelles.
C’était l’occasion rêvée, pour le Premier ministre, de fantasmer sur nos libertés qui, pense-t-il, frisent le libertinage et freinent les grandes ambitions de transformation systémique du pays. Les impertinents, qui souffrent d’analphabétisme et d’illettrisme, sont trop libres et volubiles. Désormais, avec le pouvoir Pastef, c’est la politique de la «tolérance zéro». En termes plus clairs : les diffuseurs de fausses nouvelles, stipendiés par des hommes politiques -ces peureux, milliardaires, qui distillent de l’argent en veux-tu en voilà à des rustres médiatisés-, n’ont qu’à se tenir à carreau. Le gouvernement du Sénégal, avec à sa tête le Premier ministre désormais décidé à se salir les mains, ne tolérera plus les agissements de ces culs-terreux dont l’impertinence titille le sacrilège. Ces pourfendeurs du «Projet», pour peu de temps, seront littéralement «effacés» -le mot utilisé, génocidaire, est important. En attendant que leurs commanditaires, désespérés, s’extirpent enfin de leur cachette pour rejoindre le Pmos sur le terrain du «mortal kombat» dont il se targue de maîtriser les rouages les plus ésotériques. Cette déclaration-là est une grande vérité. Même Thierno Alassane Sall, le nouvel opposant emblématique, donnerait, le cœur léger, son assentiment…
L’intrusion de Pastef dans notre démocratie, faut-il le rappeler, a été aussi celle d’un certain avatar de chroniqueurs qui, avec aplomb et science infuse, parlent de tout. En réalité, ce n’est pas la chronique qui pose problème, mais les opinions suffisamment virulentes contre le régime qui y sont émises. Il est assez spectaculaire de voir la manière dont Pastef est susceptible devant les diatribes qui, dans un passé très récent, étaient ses armes politiques. Au fond, en politique, la fin ne doit pas justifier les moyens qui, inéluctablement, se retourneront contre son utilisateur. Les tenants du pouvoir en sont devenus conscients au point d’inviter les Sénégalais à la discipline et au respect des institutions de la République. Le prêche est fabuleux, très fabuleux, mais ce sont les prêcheurs qui sont illégitimes. Hélas !
Par Baba DIENG