Dans les territoires qui avoisinent le Pôle urbain de Diamniadio, il est urgent de construire une perception positive des investissements publics relatifs au Pse, car au-delà de leurs retombées positives immédiates (ces politiques publiques dont certaines en partenariat avec le privé), des impacts négatifs de ce Pôle commencent à se faire sentir et sont paradoxalement en train de frustrer les populations locales, créant ainsi, de la part de ces citoyens locaux, un ressenti négatif et une perception assez contreproductive sur les performances attendues de ces projets.
Il est donc impératif de gérer la perception légitime des citoyens sur les investissements et services publics nationaux.
Vous me direz que c’est un détail, mais un détail qui se rajoute à tant d’autres peut s’accumuler jusqu’à brouiller la visibilité des plus grands et nobles projets ; des projets qui, pourtant, s’ils étaient accompagnés d’une sensibilisation sur le terrain, auraient été bien perçus, intériorisés et digérés par les populations. Une cassure irréversible est donc en train de naître si des mesures appropriées ne sont pas imaginées rapidement. Certes le Pôle urbain de Diamniadio est une bonne nouvelle, mais il empiète sur les territoires des autres communes qui l’entourent. Un grand sentiment de dépossession et d’expropriation se fait sentir chez les populations qui se sentent injustement victimes. Et ce sentiment est d’autant plus insupportable que c’est au nom de l’Etat, premier défenseur des citoyens, que ces opérations se font. Ailleurs, à Sébikotane par exemple, au-delà des problèmes soulevés par de nouvelles attributions des terres que la mairie a du mal a arbitrer, c’est la pollution qui sévit avec son cortège de maladies respiratoires et d’autres pathologies plus nuisibles selon le niveau de toxicité des émanations industrielles… Et il ne faudrait surtout pas que la pollution, les mauvaises pratiques ou le manque de respect aux lois du travail, du Code de l’environnement… ternissent l’image d’Epinal du Pôle urbain de Diamniadio que nous saluons. Ce pôle, tout le monde le sait, aurait pu être appelé Pôle de compétitivité économique du Grand Rufisque, parce c’est dans la partie périphérique et semi-rurale de Rufisque que l’Etat du Sénégal l’a fait émerger. Les citadins de la ville de Rufisque (Rufisque entendue au sens colonial du terme) ne connaissent pas concrètement le Pôle urbain de Diamniadio). Quand j’étais encore petit, j’y passais mes journées en sillonnant les champs familiaux (un champ de maïs, une ferme d’élevage de vaches laitières et de production fruitière). Ces champs ont aujourd’hui laissé la place à ce qui est convenu d’appeler le Pôle urbain de Diamniadio. Je connais bien ces terres pour y avoir vécu et grandi et je ne vois en rien pourquoi sociologiquement elles devraient porter le nom de Diamniadio, même si je sais que l’Etat a voulu inscrire dans l’imaginaire national la possibilité d’une nouvelle ville dotée d’un bassin d’activités industrielles, économiques et commerciales. Même la création d’un pôle économique, quel qu’il soit, devrait relever d’une approche d’intelligence territoriale globale et systémique éclairée par un balisage psychosociologique préalable axé sur les territoires ciblés. Cela évite les erreurs d’appellation et d’ancrage territorial qui retardent l’appropriation par les populations qui vivent dans ces territoires concernés.
Ouvrir le débat sur les impacts négatifs des installations industrielles dans cette zone devient ainsi un impératif majeur si l’on veut conjurer la tragédie possible des biens communs sur ces territoires-là. Les entreprises qui exercent leurs activités dans les limites de cette commune tirent leurs bénéfices de ce territoire, mais font payer le coût de leurs bénéfices aux populations qui n’en sont pas directement bénéficiaires. Quand l’air ou l’eau sont pollués, les propriétaires de ces usines n’en pâtissent pas, car dans la durée ils n’habitent pas la zone qu’ils impactent par leurs activités industrielles. Prenons l’exemple de Sébikotane qui est une cuvette entourée de collines ! L’air pollué y circule difficilement. Cette stagnation de la pollution de l’air est non seulement dangereuse pour la santé publique, mais elle est surtout injuste dans la mesure où ces industries fautives que l’on peut appeler «défectionnaires», au sens d’Elinor Ostrom, engrangent des dividendes, presque sans contrepartie, sur le dos des populations victimes de toutes les formes de pollution (des eaux, des sols et sous-sols, de l’air…). Ces populations sont ainsi réduites à l’état de pigeons à la merci de quelques profiteurs cupides et attirés par l’appât du gain. A Sébikotane, l’encerclement des usines polluantes est devenu un défi majeur de management public : pourtant, l’actualité internationale sur les questions environnementales ne cesse d’apporter des éléments de comparaison et d’inspiration sur les meilleures pratiques et l’état de l’art en la matière. La transition écologique en cours invite désormais à un changement de paradigme face à l’environnement. C’est pourquoi les pays qui sont conscients du danger lié à la toxicité des environnements ont fait le choix et le pari de passer aux industries écologiques qui prennent en compte les dimensions environnementales et écologiques. Mais pourquoi alors assiste-t-on à une sorte de frénésie sur nos sols, d’industries de moins en moins écologiques et peu soucieuses des questions environnementales et de la responsabilité sociétale d’entreprise ?
Pourtant, des instruments existent pour garantir le bien-être des populations partout. Le Code de l’environnement du Sénégal doit être appliqué en intelligence avec les recommandations de l’Organisation internationale de normalisation (norme Iso 14001), du Pacte mondial (Global compact) des Nations unies dans ses principes (n° 7, 8, 9), des différents Cop (Cop 21 & accord de Paris), la jurisprudence en la matière et les différents acteurs de bonne volonté. Si ces différentes instances ne s’adressent qu’à l’humanité, alors par syllogisme évident elles concernent et interpellent aussi bien celles de Sébikotane, de Diamniadio, de Sendou, de Bargny, de Bambilor, de Lac Rose ou de tout autre territoire en prise directe ou en proie à ces problématiques environnementales.
C’est au nom de cette dimension universelle que nos territoires doivent être préservés de la prédation économique, de la toxicité découlant des activités industrielles et des impacts socio-économiques négatifs inhérents à ces activités polluantes. La solution réside certes plus globalement dans la compétence guidée par le principe de précaution des différents acteurs (publics et privés), mais elle se trouve plus dans un patriotisme économique éclairé et institutionnalisé, seul garant de l’intérêt général des populations, donc de l’Etat.
Faire appliquer la conformité des installations par rapport aux normes nationales et internationales est devenu une exigence sociétale majeure si nous voulons compter sur le suffrage de ces populations lors des prochaines et différentes élections. Nous suggérons, dans une approche d’intelligence économique territoriale, pour conjurer ce mal larvé et pour aider à anticiper les difficultés à venir, une visite pour ne pas dire une inspection parlementaire autour de l’ensemble des zones impactées par le Pôle urbain de Diamniadio, ainsi qu’une visite des députés des différentes implantations industrielles basées dans la zone et plus particulièrement à Sébikotane.
Nous suggérons, par ailleurs, que le président de la République et le Premier ministre soient directement informés de la réalité objective sur ces territoires-là. Et rien de mieux qu’un organe libre et indépendant des instances partisanes et politisées !
Nous saluons l’idée du Pôle urbain de Diamniadio, mais nous ne voulons pas qu’il ressemble à des «villages Potemkine» à l’image de ce que France 2 en a déjà dit dans son journal télévisé de 20h du mercredi 22 août 2017. Toute comparaison internationale sur les pôles de compétitivité économique suffira de démontrer qu’ils doivent porter une ambition de développement harmonieux des territoires qui les composent. Et dans ces pôles exemplaires que nous connaissons, les riverains et les citoyens locaux ne se plaignent pas d’insuffisances chroniques en matière de besoins primaires tels que l’eau potable, l’électricité, une voirie digne, un assainissement normal, des espaces verts et conviviaux…bref, un bien-être dans un cadre de vie acceptable. Et la vérité pour le pôle de Diamniadio est que tout ce qui l’entoure est dans une situation de nécessité presqu’absolue en eau potable, en électricité, en assainissement, en voirie, en espaces verts… pour qu’au moins le pôle soit campé dans un décor panoramique socialement, esthétiquement harmonieux et universellement irréprochable. Mais quand on évoque ces insuffisances et ces manquements évidents, on est taxé d’opposant du régime. Or une approche scientifique et objective n’a ni d’ennemis ni d’amis. Elle est au service de l’intérêt général que nous partageons, car le Sénégal est un bien public commun à tous les Sénégalais. Et dire la vérité sur les politiques publiques et dans ce cas d’espèce sur le pôle de Diamniadio et les territoires alentours devrait être le quotidien de tous ceux qui adhèrent au régime et non le contraire qui voudrait qu’on passe son temps dans l’adulation, la flatterie et les louanges interminables et absurdes. C’est le sens de l’esprit républicain qui devrait nous animer et nous aider à triompher de ces particularismes qui n’enrichissent pas notre République.
Quand je vous dis que dans le village de Discours (Belvédère), entre Diamniadio et Sébikotane, ses habitants n’ont pas d’eau potable, est-ce une posture d’opposant ou de sympathisant du régime ? Ce n’est ni l’un ni l’autre, c’est tout simplement la vérité. Quand je vous dis qu’à Sébikotane comme à Diamniadio il y a des zones qui n’ont ni l’eau potable ni l’électricité, est-ce de la délation ou de l’opposition ? Je dis que non, c’est même du patriotisme, car dire la vérité sur ce qui peut être mieux fait et parfait pour l’intérêt général est une haute forme d’amour pour son pays. Là où je vis à Sébikotane, des voisins n’ont pas d’eau et les lampes ne s’allument pas toujours la nuit. Il n’y a pas non plus de voies d’accès à la route nationale pour pas mal de quartiers. Est-ce que ne pas le dire fera de moi un sympathisant du régime ? Que non ! Car si ne rien dire sur ce qui peut être amélioré avec la parole libérée et la plume engagée garantit une position dans un parti, alors tout parti qui abrite en son sein de tels individus est en danger certain puisqu’ils entretiennent leur chef de parti ou leur leader politique dans le dangereux «Tout va très bien Madame la Marquise». Et malheur s’ensuivra, parce qu’on aura été floué par trop d’adulation et de flatteries. Dire la vérité au président de la République ou au Premier ministre, non pas seulement sur ce qui a été bien fait ou fait de bien, mais aussi sur ce qui manque, ce qui n’a pas été fait ou bien fait, sur ce qui est à faire ou ce qui vaudrait mieux être fait… Voilà, pour nous autres Républicains, une manière valable d’aider le Sénégal à avancer.
C’est cette posture de vérité par rapport aux faits qui aide mieux le chef de l’Etat à soulager les souffrances des populations et ainsi recréer une nouvelle espérance et une nouvelle perception positive par ces dernières sur ses réalisations et permettre ainsi l’espoir d’une victoire électorale méritée que seules ces populations peuvent porter lors des prochaines élections.
Telle est l’économie de notre contribution à l’information publique pour la cohésion sociale, la cohérence et la concorde dans nos territoires.
Alioune Badara SECK
Président de la commission scientifique, orientation et stratégie du Think Tank Esprit Républicain ;
Expert en intelligence économique ;
Ancien Député (Rufisque) ;
Ancien Conseiller technique du Chef de l’Etat.
badou@hotmail.com
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