Omission ou rétention ? Dans le cadre du Débat d’orientation budgétaire prévu demain, les députés n’ont pas reçu le Document de programmation pluriannuelle des dépenses, dans lequel sont consignées les dépenses par ministère ou institution constitutionnelle.Par Bocar SAKHO –

Le débat autour de la Déclaration de politique générale du Premier ministre éclipse un sujet important : le ministre des Finances et du budget sera demain devant les députés, convoqués pour le Débat d’orientation budgétaire. C’est un moment important pour le gouvernement et l’Assemblée nationale dans le cadre de la préparation du Budget 2025. Pour les nouvelles autorités, il sera l’outil le plus stratégique pour mettre en place leur «Projet» de développement du pays.
Aujourd’hui, les députés restent dans le flou. Car le gouvernement n’a pas déposé à l’Assemblée nationale, tous les documents nécessaires dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances de l’an­­née prochaine : il d’agit du Document de programma­tion budgétaire et économique pluriannuelle. Or, il man­que le plus important qui doit permettre aux parlementaires d’avoir une voie plus générale des orientations budgétaires du gouvernement Sonko : le Document de programmation pluriannuelle des dépenses. Dans le cadre de la procédure d’élaboration et de vote des lois de finances, la loi organique n°202007 du 26 février 2020, notamment son article 56 dit clairement : «Le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle visé à l’article 51 de la présente loi organique, éventuellement accompagné des documents de program­mation pluriannuelle des dépenses visés à l’article 52 de la présente loi organique, est adopté en Conseil des ministres.
Ces documents sont publics et soumis à un Débat d’orientation budgétaire à l’Assemblée nationale, au plus tard à la fin du deuxième trimestre de l’année.» Alors que l’Article 51 précise assez clairement : «Le projet de loi de finances de l’année est élaboré par référence au Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle couvrant une période minimale de trois ans. Sur la base d’hypothèses économiques précises et justifiées, le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle évalue le niveau global des recettes attendues de l’Etat, décomposées par grande catégorie d’impôts et de taxes, et les dépenses budgétaires décomposées par grande catégorie de dépenses. Ce Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle présente également l’évolution de l’ensemble des ressources, des charges et de la dette des catégories d’organismes publics visées à l’article 54 de la présente loi organique, ainsi que la situation financière des entreprises publiques sur la période considérée et, éventuellement, les concours que l’Etat peut accorder à ces dernières. Il fixe enfin les objectifs d’équilibre budgétaire et financier sur le moyen terme en application des dispositions du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité des Etats membres de l’Uemoa.» Selon l’article 52, «les programmes ou dotations s’inscrivent dans les documents de programmation pluriannuelle des dépenses par ministère ou institution constitutionnelle, budgets annexes et comp­tes spéciaux du Trésor cohérents avec le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle visé à l’article 51 de la présente loi organique. Les documents de programmation pluriannuelle des dépenses prévoient, pour une période minimale de trois ans, à titre indicatif, l’évolution des crédits et des résultats attendus sur chaque programme en fonction des objectifs poursuivis».
Suppression Hcct ou Cese ?
S’agit-il d’une omission ? Ou d’une rétention ? Que cache-t-on ? C’est dans ce document que l’Etat va consigner certains programmes, comme la dissolution du Cese ou du Hcct, avec la programmation budgétaire allouée à ces institutions jugées budgétivores par le nouveau régime. Expert en Droit parlementaire, Alioune Souaré s’interroge aussi : «Omission ou dissimulation ? Au plus tard le 30 du mois courant, le ministre des Finances et son collègue de l’Economie sont tenus de se présenter à l’Assemblée nationale pour se soumettre à l’exercice du Débat d’orientation budgétaire (Dob). L’art. 56 de la Lolf les oblige à s’y conformer, mais aussi à publier et à mettre à la disposition des députés deux documents financiers qui vont servir de base de discussions, il s’agit notamment du Dpbep et du Dppd. Mais apparemment, ce n’est pas le cas : seul le Dpbep (Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle) est envoyé à l’Assemblée nationale. Pourquoi n’a-t-on pas remis à la Représentation nationale, l’autre document, c’est-à-dire le Dppd (Document de programmation pluriannuelle des dépenses), comme le prévoit l’article susvisé ? Cherche-t-on à dissimuler des choses dans ce document ou c’est un simple oubli ?» Il poursuit : «Dans tous les cas, les députés doivent réclamer ce Dppd qui est très important, il les édifie globalement sur l’affectation des crédits et les résultats attendus sur les programmes à mettre en œuvre de 2025 à 2027. Le Dob sans le Dpbep et le Dppd perd toute sa légalité et sa substance. Certes, les manquements sont notés du côté de l’Exécutif, mais aussi les députés ne sont pas en reste, car ils n’ont jamais respecté l’application de l’art. 41 bis de leur Ri qui indique ceci : «Au plus tard le 1er juin de chaque année, les commissions permanentes organisent des séances d’audition des ministères relevant de leurs compétences. Les rapports issus de ces auditions servent à l’information des députés, notamment dans le cadre du Dob.».»
En tout cas, un conflit institutionnel ne ferait les affaires de personne. Le régime, qui ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale avant le mois de septembre, est pris dans l’urgence pour faire adopter le prochain budget. Alors qu’il dispose d’une minorité parlementaire. La cohabitation pacifique va-t-elle se poursuivre ? La non-tenue de plus en plus probable de la Dpg d’ici le 5 juillet, défendue par les députés de Yaw, risque d’enlever le vernis qui masquait les apparences…
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