Le Musée des civilisations noires, en partenariat avec l’Alliance culturelle africaine, a organisé, samedi, un panel intitulé : «Femmes, spiritualité et pouvoir : les prêtresses sénégalaises à l’épreuve de la modernité.»

Prévu pour accueillir des prêtresses venues du Sine, de la Casamance et de Dakar, le panel a permis un échange riche autour de leurs figures, de leurs rôles traditionnels et de la manière dont la modernité affecte la transmission de leurs savoirs ancestraux, en dépit de l’absence des invitées principales, empêchées par des raisons à la fois logistiques et spirituelles… Moctar Ndiaye, manager de l’Alliance culturelle africaine et président du Réseau des acteurs socioculturels du Sénégal, a animé les débats en plaidant pour une réappropriation urgente des patrimoines culturels africains, souvent marginalisés ou dénaturés. «Nous avons voulu, dans le cadre de l’année dédiée aux femmes, célébrer celles qui incarnent le lien entre l’invisible et le visible, celles qui soignent, éduquent, protègent et guident les communautés, à savoir les prêtresses», a-t-il affirmé. En l’absence des intervenantes initiales, les discussions se sont articulées autour des rôles initiatiques et spirituels des prêtresses, des espaces rituels comme les fétiches, ainsi que des objets et éléments symboliques utilisés dans les pratiques (bois, calebasses, eau, lait, sang, etc.). Moctar Ndiaye a également insisté sur la nécessité de sensibiliser les populations à ces savoirs souvent dénigrés, mais porteurs d’une force identitaire profonde. Des passerelles ont été tracées entre les traditions locales et d’autres héritages africains, notamment d’Afrique centrale et de la vallée du Nil, montrant une continuité symbolique entre les cultures traditionnelles et l’égyptologie. «Ces convergences confirment que ce que nous pensons, ce que nous croyons et ce que nous pratiquons existent aussi ailleurs en Afrique, sous d’autres formes, mais avec les mêmes fondements», a-t-il souligné. L’orateur a également pointé les obstacles rencontrés par les chercheurs dans ce domaine, liés à la nature confidentielle et sacrée des pratiques. «Il faut plus qu’un questionnaire universitaire pour entrer dans ces cercles. C’est un travail d’intégration progressive, par la confiance, le respect des règles et la reconnaissance des limites», a-t-il rappelé.
Malgré l’absence des prêtresses, la rencontre a permis de poser les bases d’une réflexion collective sur les voies de sauvegarde, de valorisation et de transmission des savoirs spirituels féminins dans les sociétés africaines contemporaines. Les organisateurs ont exprimé leur volonté de reprogrammer la rencontre avec les prêtresses dans un avenir proche, pour poursuivre cette dynamique de dialogue entre traditions vivantes, savoirs endogènes et projets de transformation culturelle. «Tant qu’on ne part pas de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être, les autres continueront de faire de nous ce qu’ils veulent. Notre combat, c’est la réappropriation», a conclu Moctar Ndiaye.
Aps