Le maire de Saint-Louis a invité ce week-end les Saint-louisiens qui exigent le changement de nom de certains édifices et rues à assumer avec cohérence l’héritage colonial. Mansour Faye qui s’exprimait pour la première fois sur le déboulonnement de la statue de Faidherbe et la «débaptisation» des rues de Saint-Louis a par la même occasion déclaré que sa priorité n’est pas d’épiloguer sur cela, mais plutôt de conserver l’histoire et de développer la ville.

Si l’annonce du changement de nom intervenu sur l’île de Gorée, où la Place de l’Europe a été transformée en une Place de la Liberté et de la dignité humaine, a fait naître l’espoir que cela fasse tache d’huile dans la ville de Saint-Louis au passé colonial encore très présent, c’est peine perdue. Mansour Faye, maire de la ville, qui s’exprimait lors d’une cérémonie de réception d’un don de poubelles offertes par le Comité national olympique sportif sénégalais (Cnoss) n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour répondre, même si c’est indirectement, à ceux qui débattent depuis quelques semaines sur la nécessité de déboulonner la statue de l’ancien gouverneur Faidherbe et de changer le nom des rues dont les parrains sont des personnalités de l’époque coloniale pour leur donner des noms sénégalais. «Ce n’est pas notre priorité. Notre priorité c’est de conserver l’histoire et de développer la ville. Ma priorité ce n’est pas d’épiloguer sur des débats sans intérêt», a fait savoir l’édile de Saint-Louis qui a rappelé que la plupart des bâtiments de l’île et le pont Faidherbe sont le fruit de l’histoire. Et comme pour montrer que la «dépabtisation» des rues avait bien été prise en charge par le Conseil municipal, Mansour Faye indique que 80% des rues de la ville ont été rebaptisées par le Conseil et grâce à un travail accompli par une commission formée à cet effet sur ses instructions. Cette dynamique sera poursuivie, a-t-il indiqué, soulignant que les Saint-louisiens «doivent assumer leur histoire» avant d’indiquer que lui assumera ses responsabilités. «Il faut qu’on assume notre histoire. Et tant que je serai maire dans cette ville, j’assumerai ma responsabilité», fait-il savoir avec force. Dans la même logique, M. Faye a invité ses concitoyens «à assumer de manière cohérente l’héritage colonial qu’ils partagent avec d’autres civilisations». «Nous devons assumer avec cohérence notre héritage colonial. Saint-Louis est le fruit d’une histoire lointaine, religieuse et politique. Cette ville aux mille visages, chargée de souvenirs, porteuse de progrès pourrait devenir demain le creuset d’une civilisation de symbiose élégante et raffinée», indique-t-il, avant d’inviter les différents protagonistes à dépassionner le débat. «Je voudrais en appeler à la hauteur des uns et des autres pour que la raison l’emporte sur l’émotion à chaque fois que nous serons interpellés par l’histoire», dit-il.

Rivalité politique
Depuis quelque temps, on assiste à une série de déboulonnements de statues d’anciens esclavagistes dans certains pays. Ces mouvements ont pris de l’ampleur avec l’assassinat de George Floyd aux Etats-Unis. Saint-Louis n’a pas été épargnée par ce débat. D’un côté, l’on retrouve les partisans du déboulonnement de la statue de Faidherbe, et de l’autre, ceux qui considèrent qu’il faut accepter le passé colonial et vivre avec. Aujourd’hui, ce débat concerne d’ailleurs également les rues portant des noms d’anciens colons. Alimenté d’abord par les internautes, le débat est devenu plus général avec l’intervention de personnalités dont des universitaires, des écrivains, des religieux, notamment l’imam ratib de Saint-Louis, et des politiques. Récemment, le Pr Mary Teuw Niane a déclaré qu’il en fera un point de son programme de compagne en tant que candidat à la mairie de Saint-Louis, que la Place Faidherbe changera de nom et la statue confiée au Centre régional de documentation (Crds). La position de Mansour Faye sonne donc comme une réponse à son rival et futur adversaire.