Il a porté la voix de la défense des intérêts des entrepreneurs nationaux partout où cela a été nécessaire, aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger. Cela lui a valu bien des déboires, mais aussi beaucoup de reconnaissance, aussi bien de ses pairs que des autorités, tant nationales qu’étrangères. Aujourd’hui, Mansour Cama va reposer dans sa dernière demeure à Yoff, avec le sentiment d’avoir accompli sa part de mission avec brio.
Le patronat sénégalais a perdu hier un de ses porte-étendards. Mansour Cama s’est éteint hier après une longue maladie. Avec sa disparition, le monde de l’économie sénégalaise perd un de ses plus ardents défenseurs. Mansour Cama a été de tous les combats pour la défense et l’illustration de la préférence nationale en ce qui concerne l’économie au Sénégal. Il a toutefois toujours tenu à souligner que ce combat pour la préférence nationale, ne signifiait pas qu’il fallait fermer la porte des investissements utiles aux étrangers. Bien au contraire, il a plusieurs fois insisté sur la nécessité de faire des joint-ventures là où c’était possible. Et comme son alter ego du Conseil national du patronat Baïdy Agne, Mansour Cama a toujours indiqué qu’il fallait imposer aux entreprises qui voulaient investir dans des secteurs importants, de prévoir des possibilités de transferts de technologies. Ce combat si important à ses yeux, l’a conduit jusqu’à se dresser face à des pouvoirs politiques qui ne semblaient pas comprendre le sens de son discours. On l’a ainsi vu, avec plusieurs membres de sa structure patronale, la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), prendre part aux travaux des Assises nationales après l’élection présidentielle de 2007, avec l’espoir de trouver une nouvelle orientation à la politique, et à l’économie du pays.
Cette marque de défiance avait couté cher à la Cnes et à plusieurs de ses structures membres, qui se sont vues après, privées de l’oxygène constituée par la commande publique. Mais cela n’avait pas entamé leur détermination. Mansour Cama et les siens ont cherché à mettre toujours en avant l’intérêt général de l’Entreprise sénégalaise, même au prix de leurs propres affaires. Cette posture n’a jamais été facile à appréhender, et a donné lieu à des échanges parfois vifs avec les autorités gouvernementales, comme lors des Conseils présidentiels des investissements (Cpi), où M. Cama n’hésitait pas à apostropher tous les présidents, depuis Wade jusqu’à Macky Sall.
Son franc-parler était en effet proverbial. Mansour Cama n’avait pas sa langue dans sa poche, et savait dire les choses en restant dans le registre de l’extrême courtoisie. Il a porté le même message sur toutes les tribunes où il était susceptible d’être entendu, aussi bien à l’intérieur du pays, qu’hors du Sénégal. Si cela lui a valu quelques animosités, il en a retiré également, et c’est le plus important, beaucoup de respect, dans toutes les couches de la population. Mansour Cama a pendant des décennies, été l’une des voix qui comptent énormément sur la scène économique au Sénégal. Cela est sans doute l’une des raisons pour lesquelles une organisation comme la Cnuced en avait fait son Ambassadeur itinérant.
Ses qualités d’administrateur n’étaient en effet pas remises en cause par la situation difficile que traversaient plusieurs de ses entreprises. En plus des vents conjoncturels, il faut aussi mettre dans le panier certaines décisions et orientations des politiques économiques prises par les autorités politiques, dont on se demandait souvent, si elles étaient conscientes de leurs impacts sur les entreprises nationales. L’attribution du marché de la distribution de l’eau à Sen’Eau, au détriment de la Sde, a été l’un de ces coups politiques que Mansour Cama a eu du mal à supporter, lui qui était le Président du Conseil d’administration de la Sde. On ne peut néanmoins affirmer que cette affaire aura été fatale à sa santé.
il faut toutefois reconnaître que le vide que laisse Mansour Cama au sein du patronat sénégalais – dont avec Baidy Agne, il était devenu l’un des éléments majeurs de la politique d’entente et de coordination qui régnait entre les deux organisations faitières les plus représentatives, le Cnp et la Cnes – sera difficile à remplir. Il faudrait que son ou ses successeurs soient en phase avec les dirigeants du Cnp, pour porter ensemble la voix du patronat national. Ce qui n’est pas encore acquis.
Pour le moment, alors qu’il doit être porté en terre aujourd’hui, le Sénégal tout entière, dans la communion des cœurs, ne pensera d’abord qu’à prier pour le repos de l’âme de l’illustre disparu !