Le décès de l’ancien ministre Mamadou Moustapha Bâ est en train de prendre une tournure inattendue. Le procureur, qui a ordonné l’autopsie, fait savoir que les résultats ont révélé plusieurs éléments «qui sont de nature à attester que la mort n’est pas naturelle». Conséquence : l’inhumation, qui était prévue hier, a été reportée à une date ultérieure pour les besoins de l’enquête complémentaire.Par Dieynaba KANE – 

La levée du corps de l’ancien ministre des Finances et du budget, Mamadou Moustapha Bâ, qui devait se faire hier pour un enterrement dans son terroir, n’a pas eu lieu. Le procureur de la République, qui a ordonné une autopsie samedi, à la veille de l’inhumation du ministre décédé en France, renseigne dans un communiqué que «les résultats de l’autopsie ordonnée tendant à déterminer les causes du décès ont révélé plusieurs éléments qui sont de nature à attester que la mort n »est pas naturelle». Partant de ce fait, le procureur fait savoir dans le même document que «pour les besoins des investigations qui nécessitent des actes d’enquête complémentaires, les formalités liées à la procédure de levée du corps et d’inhumation sont renvoyées à une date ultérieure».
En ordonnant que cette autopsie soit réalisée, le Parquet a évoqué les «dispositions de l’article 66 du Code de procédure pénale» et fait état de «renseignements reçus sur les circonstances du décès», comportant «des éléments qui justifient que des diligences soient menées en vue de déterminer les causes de la mort».
Me El Hadji Diouf, qui a parlé au nom de la famille du défunt Mamadou Moustapha Bâ, a fustigé l’attitude du procureur. D’après l’avocat, le procureur a cité l’article 66 du Code de procédure pénale, qui ne s’applique pas dans ce cas de figure.
D’après Me Diouf, il n’y a pas de plainte de la famille pour que le procureur puisse se saisir du dossier, il n’y a pas eu de découverte de cadavre, il n’y a pas de meurtre. Et il cite l’article en question : «En cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de Police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations. Le procureur de la République se rend sur place s’il le juge nécessaire et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Il peut, toutefois, déléguer aux mêmes fins un officier de Police judiciaire de son choix. Les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment de donner leur avis en leur honneur et conscience. Le procureur de la République peut aussi requérir information pour rechercher les causes de la mort.» Pour Me El Hadji Diouf, rien n’indique qu’on soit dans cette situation, avec le décès de l’ancien ministre des Finances. Il a ainsi plaidé pour que le corps du défunt soit restitué à la famille pour qu’il soit inhumé et qu’il puisse reposer en paix.
Avec cette sortie du procureur de la République près du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, plusieurs zones d’ombre entourent cette affaire. Comment ces suspicions ont-elles pu échapper à des médecins dans un hôpital en France où il est décédé le 4 novembre dernier ? Par ailleurs, la procédure enclenchée par le procureur de la République au Sénégal nécessitera de lancer une commission rogatoire aussi bien en France, où le défunt a fait escale, qu’en Angleterre, où il a séjourné dernièrement. Sans ces mesures, on peut douter que la vérité puisse éclater juste à la suite d’une enquête qui serait limitée au territoire sénégalais.
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