L’ambiance de deuil a supplanté l’éternelle effervescence des rédactions. Le décès brutal de Sidy Lamine Niasse a plongé le groupe Walf dans le désarroi. Visages tristes, voix nouées, les travailleurs ont vécu un début de journée inhabituelle. Les amis de Walf, ses sympathisants ont convergé vers le siège du groupe. L’émotion est palpable. La tristesse et la consternation perceptibles. Une jeune dame, qui fait partie du groupe des Amis de Walf, avait du mal à contenir sa peine. Elle avait aussi du mal à cacher ses yeux rougis par des larmes qu’elle continue de verser. Elle suffoque, a du mal à s’asseoir. Ses amis lui apportent de l’eau à boire. Sidy Lamine Niasse en vaut la peine. «Sa mort est une nouvelle triste et difficile à consommer», sert Ousmane Sène, rédacteur en chef de Walf Tv. Il a une voix étreinte par l’émotion. Il fait le portrait de son employeur qui s’est battu pour la promotion de la presse. «Il était un homme de principes, un combattant qui s’est illustré dans la lutte pour la démocratie du Sénégal. Ce n’est pas Walfadjri qui a perdu, mais c’est le Sénégal qui a perdu un valeureux fils, le monde entier et la Oummah.» Il enchaîne : «Sidy Lamine faisait partie de ces intellectuels arabisants qui ont lutté pour avoir leur place au sein de l’intelligentsia sénégalaise, qui avait axé la promotion sociale sur la langue française.» Son livre Un étranger parmi les siens est un rappel des combats qu’il a menés et gagnés parfois. «Tout cela illustre ses combats pour la démocratie, pour l’équité et la justice sociale. Il est parti au moment où les gens avaient vraiment besoin de lui. Il était aussi un régulateur social. Il aimait dire la vérité à tout le monde, il s’engageait pour tout le monde. Il engageait des combats qui pouvaient apporter la lumière à la démocratie», rappelle-t-il. Le témoignage éloquent de sa réussite est le succès des anciens employés de Walf dans d’autres entreprises de presse. «Sidy Lamine Niasse a construit la Nation et les hommes. Si vous allez dans d’autres organes, vous verrez des éléments qui ont été formés à Walf», témoigne son binôme de l’émission «Diné ak Diamano».
Georges Nesta Diop, chef du Desk politique de Walf Quotidien, fait un témoignage énergique sur sa passion qui ne s’est pas érodée malgré le poids de l’âge. Il dit : «Il a eu à former beaucoup de journalistes au Sénégal. Il faisait partie de la presse avec des gens comme Babacar Touré, Mamadou Omar Ndiaye et Abdoulaye Bamba Diallo. Malgré son âge, il venait chaque jour à Walf. Il rentrait entre 13h et 14h pour revenir vers 15h pour ne quitter qu’à 19h. C’est quelqu’un qui aimait le métier.» Cet engagement l’a poussé à repousser ses limites, à déconstruire certaines pratiques. «Il aurait pu se contenter d’enseigner l’arabe, mais il a choisi de s’investir dans un secteur qui n’était pas évident. Il est le seul qui a étudié la langue arabe et qui est venu investir dans ce secteur-là», salue M. Diop. «J’ai travaillé avec lui pendant 10 voire 11 ans et ce que je retiens de lui, c’est un homme courageux, qui assume ses idées. C’est un combattant. Quand il engage un combat, il va jusqu’au bout. Il se donne sans calcul. Quel que soit le pouvoir qui était là, il défendait ses idées. Il tenait à faire face sans arrière-pensée», insiste Georges Nesta qui rappelle que Sidy Lamine avait des relations très amicales avec ses employés. «Il tenait chaque mois à avoir une séance de travail avec les chefs pour voir ce qui ne va pas et essayer de trouver des solutions. Il connaissait tous les employés, même les stagiaires», informe-t-il en outre.

Combattant infatigable
Figé dans la douleur, Pape Ndiaye, le chef Desk actualité, n’a pas perdu les mots pour souligner que Sidy a écrit les plus belles pages de l’histoire de la presse sénégalaise. «Il a toujours défendu la liberté de presse. Il a toujours donné aux jeunes la chance de pouvoir exprimer leurs talents dans le milieu de la presse. Je suis le dernier employé qu’il a embauché et qu’il a nommé chef de desk. Il a toujours cru en la capacité de la jeunesse. C’est vraiment une grosse perte pour toute la corporation», explique le président de la Convention des jeunes reporters. «Il a toujours défendu la liberté d’expression et de la presse. Il a toujours fait de Walf la voix des sans voix et avait des relations particulières avec certains de ses employés», renchérit-il.
Bamba Ndiaye, ami de longue date du défunt, est rongé par la tristesse. Accablé par la nouvelle, il reste stoïque : «Sidy Lamine était un don de Dieu. C’est Lui qui l’a repris. Nous appartenons à Dieu et nous retournerons vers Lui. Durant toute sa vie, il l’a bien compris et il a mené sa vie comme ça. Sidy a accompli sa mission, sa mort est une perte certes pour la communauté musulmane, mais aussi pour toute l’humanité. Je l’ai connu à l’âge de 13-14 ans. On avait tous le même âge. Nous avons fait le Cm1 ensemble. Nous avons eu le concours d’entrée au collège ensemble. Nous avons réussi la même année et avons fait le collège ensemble. Nous avons tenu ensemble un congrès historique mémorable.» Ils ont partagé plusieurs combats qui constituent un témoignage de son engagement. Il rappelle : «Le Président Senghor nous a sanctionnés tous les deux. Nous étions dans une promotion de 25 personnes. Ils ont décidé de retenir nos passeports, lui et moi, alors que nous devrions nous rendre en Tunisie. Quand ils sont revenus, on nous a affectés. Lui à Kédougou et moi à Kounkané en Casamance. C’était une sanction. De Kédougou, il est parti faire ses études au Caire et moi je suis venu à l’Université de Dakar. On s’est retrouvé par la suite. Déjà étant étudiant, on avait créé un journal. On l’écrivait à la main. On allait au centre Debré pour le tirer. Cette idée de création de l’organe de presse sommeillait déjà en lui depuis très longtemps.» Et il est mort avec elle.
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