Déclaration de politique générale : Jean Castex esquisse son plan pour «ressouder» la France

Peaufinant son image d’homme des territoires, Jean Castex a précisé devant les députés son plan pour «ressouder» une France ébranlée par les crises, en érigeant la «lutte contre le chômage» en priorité «absolue», mais pour les oppositions, la confiance est déjà «rompue».
Au lendemain de l’intervention de Emmanuel Macron lors du 14 Juillet, le Premier ministre a tracé à l’Assemblée les lignes de force des 18 prochains mois, pour une déclaration de politique générale d’une heure pile en forme de grand oral, 12 jours après sa prise de fonction.
Celui qui se définit comme «gaulliste social», apôtre de la concertation, a affirmé que sa «première ambition, immense» sera de «réconcilier ces France si différentes, les souder ou les ressouder».
A la tribune, il a apposé sa patte en insistant sur la place des «territoires» -mot répété 25 fois- dans la mise en œuvre des grands axes de sa politique : emploi, efficacité de l’action publique, souveraineté économique, transition écologique, protection sociale…
«Traiter les sujets en partant des territoires, c’est s’assurer que les décisions soient suivies d’effet», a salué le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand.
Le leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a, lui, raillé sur Twitter le style du Premier ministre: «Absent au cours du siècle écoulé, Monsieur Castex-Hibernatus est réapparu à la tribune de l’Assemblée nationale, ses pantoufles aux pieds.»
Dans un contexte très dégradé, M. Castex a assuré que «la lutte contre le chômage et la préservation de l’emploi» seraient «la priorité absolue des 18 prochains mois», en précisant des mesures évoquées la veille par M. Macron, comme une prime à l’embauche de 4000 euros par an pour les jeunes, ou des efforts sur la formation.
M. Castex a également quelque peu détaillé les contours du plan de relance de 100 milliards d’euros prévu pour la rentrée. Il doit être financé par des aides européennes, dans le cadre du plan de relance que la France espère voir adopter par les 27 pays de l’Ue, et par un endettement.
Ainsi, environ 40 milliards d’euros seront fléchés vers l’industrie, a-t-il indiqué, arguant que la France avait atteint «un niveau de dépendance qui n’est pas raisonnable».
Vingt milliards seront consacrés à la rénovation thermique des bâtiments et les technologies vertes. Et le plan de relance portera «un plan vélo très ambitieux», a-t-il promis, en plaidant pour «une croissance écologique» face à la «décroissance verte».
Relance «petit bras»
M. Castex a par ailleurs souhaité que les travaux de rénovation urbaine soient lancés dans 300 des 450 quartiers retenus «d’ici la fin 2021». La jeunesse est particulièrement ciblée sur le volet social, avec l’annonce de repas à un euro pour les étudiants boursiers dans les restaurants universitaires et la revalorisation «exceptionnelle» de l’allocation de rentrée scolaire de 100 euros.
Six milliards seront investis dans le système de santé, a ajouté M. Castex, qui a signé lundi des accords de revalorisation salariale pour les soignants.
Quant à la réforme des retraites, elle reste «nécessaire» mais il faudra bien distinguer les «mesures financières», a-t-il assuré.
Enfin, le Premier ministre a insisté sur «le pacte républicain», en soulignant la «préoccupation majeure» du gouvernement de lutter contre l’islamisme radical. Un projet de loi de «lutte contre les séparatismes» doit être présenté à la rentrée.
«Jean Castex apparaît un peu comme un miroir inversé de ce que peut être Emmanuel Macron», constate le directeur du département Analyse et opinion chez Harris Interactive, Jean-Daniel Lévy, en décrivant un chef du gouvernement qui «veut être proche des gens».
Reste que M. Castex n’a pas convaincu les oppositions. La confiance est déjà «rompue par trois ans de bilan décevant», a lancé dans l’Hémicycle le patron des députés Lr, Damien Abad, soulignant que M. Castex, issu de son parti, est «un îlot de droite dans un océan de «en même temps»».
A gauche aussi, ce sera un vote contre. «Votre déclaration de politique générale aurait dû démontrer que le gouvernement se mettait en mode «urgence». Je crois qu’il n’en a rien été», a déploré Valérie Rabault (Ps), tandis que André Chassaigne (Pcf) éreintait «un plan de relance petit bras».
Le Président demande «de réparer en 600 jours les dégâts qu’il a occasionnés en trois ans» mais «nous ne pouvons y croire», a aussi insisté Jean-Luc Mélenchon.
La majorité devrait, elle, faire bloc. Mais dans la matinée en réunion interne, plusieurs députés Lrem avaient exprimé «à mi-mot» leur déception après l’intervention du chef de l’Etat, «sans grandes annonces», certains n’ayant pas «retrouvé» le Emmanuel Macron du début du quinquennat, ont rapporté plusieurs participants à l’Afp.
«Il me plaît de m’appuyer sur une majorité qui débat, qui a des idées, qui n’est pas monocolore», a dit M. Castex à l’issue des interventions des groupes.
Edouard Philippe avait recueilli 370 votes favorables en juillet 2017 pour sa première déclaration de politique générale, puis 363 en juin 2019 pour la seconde. Les votes contre avaient fortement progressé : de 67 à 163.
lepoint.fr