C’est la surprenante déclaration qu’a livrée l’ancien chef d’état-major de Laurent Gbagbo à la barre de la Cour pénale internationale ce lundi 2 octobre. Interrogé par la défense de l’ancien Président ivoirien, le général Philippe Mangou est revenu dans le détail sur le financement de cette milice d’anciens rebelles qui combattaient les forces pro-Gbagbo pendant la crise postélectorale.

«J’ai été questionné le 9 août 2011 (lors de l’enquête préliminaire du procureur, Ndlr). Deux questions m’ont été posées. La première était de savoir qui était le chef du Commando invisible. La seconde était de savoir qui le compose. J’avais dit que je ne savais pas. Aujourd’hui, je suis en mesure de vous dire que le Président Gbagbo a financé accidentellement, je dis bien accidentellement, le Commando invisible», a expliqué le général Philippe Mangou.
L’ancien chef d’état-major de Laurent Gbagbo, toujours entendu par la Cour pénale internationale dans le cadre du procès de l’ancien Président ivoirien et de son bras droit Charles Blé Goudé, était interrogé par la défense ce lundi 2 octobre, au moment où il a livré cette surprenante déclaration.

500 millions de francs Cfa
Dans sa réponse, il est revenu longuement sur les sources de financement du Commando invisible, une milice d’anciens rebelles qui avait fait d’Abobo  – commune d’Abidjan, favorable à Alassane Ouattara – son quartier général et combattait les forces loyales à Laurent Gbagbo lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire.
«Le 7 décembre 2010, le dernier gouvernement du Président Gbagbo a été mis en place. Trois jours plus tard, c’est-à-dire le 10 décembre 2010, le Président m’appelle. Il me demande de venir le voir dans son bureau vers 15h 30. Je trouve le Président debout avec à ses côtés feu le ministre Désiré Tagro.»

«Zakaria est d’accord, moyennant 500 millions de francs Cfa, en vue de s’acheter des armes…»
«Et le Président de me dire ceci : ‘’Tagro revient d’une mission du Togo où il a rencontré dans sa chambre d’hôtel Koné Zakaria (ex-seigneur de guerre de la rébellion des Forces nouvelles, tombé en disgrâce auprès de Guillaume Soro, en 2007, Ndlr). Après avoir parlé avec lui, Koné Zakaria est d’accord, moyennant 500 millions de francs Cfa (763 000 euros), en vue de s’acheter des armes, des munitions et autres, de désorganiser le dispositif des Forces nouvelles à l’Est de la Côte d’Ivoire. Je voulais que tu vois où Koné Zakaria peut commencer son action’’.»
«Je lui ai répondu : ‘’Monsieur le Président, si vous avez une telle somme d’argent, remettez-la-nous. Vous savez que nous n’avons pas d’armes et de munitions. Pourquoi est-ce par l’Est de la Côte d’Ivoire qu’il a décidé de commencer son action ?’’. Le ministre Tagro a répondu : ‘’C’est par-là qu’il a décidé de commencer son action’’. J’ai dit : ‘’Monsieur le Président, je m’excuse, mais je n’ai pas de carte sous les yeux pour vous indiquer par où Koné Zakaria doit commencer son action’’».

Un mystérieux intermédiaire et un échange téléphonique
Et général Philippe Mangou de continuer son récit : «Le Président Gbagbo a dit au ministre Tagro : ‘’S’il ne croit pas, donne-lui le numéro de Koné Zakaria pour qu’il l’appelle lui-même pour voir’’. C’est ce qui fut fait. En descendant les marches du Palais présidentiel, alors que j’attendais mon chauffeur, un homme d’une cinquantaine d’années m’a approché pour me dire : ‘’Mon général, c’est moi qui ai mis en contact le ministre Tagro et Koné Zakaria. Ce dernier est prêt à travailler avec IB (Ibrahim Coulibaly, ex-éminence grise de la rébellion de Guillaume Soro, en conflit ouvert avec ce dernier, depuis 2003, et tué fin avril à Abobo par les forces favorables à Ouattara, Ndlr) et IB est d’accord. Mon général, le temps presse’’.»

«J’attends l’argent pour commencer le travail»
Lorsqu’il arrive à Yopougon, le général Philippe Mangou affirme alors avoir remis le numéro confié par le mystérieux intermédiaire à son chef de la sécurité. «Je lui dis : ‘’C’est le numéro de Zakaria, appelle-le pour voir si c’est bien lui.’’ Zakaria et moi avons l’habitude de nous appeler ‘’Classe’’. Quand je prends le téléphone, je dis : ‘’Allô’’, il me répond : ‘’Classe, j’attends l’argent pour commencer le travail.’’ Il y a eu collusion entre IB et Koné Zakaria pour l’opération au niveau d’Abobo. A cours de logistique, Koné Zakaria va user de ruse et de perfidie pour faire croire qu’il va mener une action à partir du nord-est. Au lieu de cela, ils sont descendus à Abobo. L’argent remis a servi à l’infiltration des lieutenants de Zakaria.»
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